L'importance de Che/avigny est fondamentale pour les études nostradamistes : en effet ce bourguignon a, si ce n'est inventé ou constitué Nostradamus, du moins l'a utilisé voire instrumentalisé à ses propres fins comme Platon l'avait fait pour Socrate ou encore Paul pour Jésus le crucifié. Mais alors que Socrate et Jésus n'ont rien écrit, de nombreux textes de Nostradamus ont été conservé, lesquels confirment et parfois infirment la documentation essentielle et les versions qu'en donne Chavigny dans ses écrits. Et parmi celles-ci, son Janus Gallicus (1594) reste un pilier fondateur de toute nostradamologie, comme l'est devenu depuis peu son Recueil des Presages prosaiques manuscrit (1589), redécouvert à Lyon après quatre siècles.
Jean de Chevigny rencontre Nostradamus à Salon durant l'été 1560. Il avait 27 ans. Le 1er septembre suivant, de passage à Aix, il écrit à Nostradamus pour le remercier de son accueil et aussi d'avoir eu l'amabilité d'avoir dressé son thème de naissance, espérant qu'il veuille bien se pencher aussi sur celui de son jeune frère Gérard Chevignard, né comme lui-même à Beaune au lever du soleil, le 20 août 1548. Après quelques probables échanges épistolaires dont on a rien conservé, Chevigny se présente à nouveau à Salon durant l'été suivant, et devient pour 5 ans son nouveau secrétaire : en témoigne une lettre de sa Correspondance choisie, datée du 9 septembre 1561, dans laquelle Nostradamus signale "un jeune Français qui, de lui-même, est venu récemment m'offrir ses services" (Lhez, 1961, p.137). Nostradamus aura voulu préserver deux lettres attestant de ces années de collaboration avec son jeune secrétaire (CN 241).
L'année suivante, Chevigny transcrit l'Almanach pour l'an 1563 (Avignon, Pierre Roux) et y joint une épigramme latine de son cru sur les misères de la France, intitulée "Ad Galliam nostrorum temporum miseriam deflens" et signée Io(annes) Chevign(a)ei Belnensis (CN 210, 210A, K8v). A l'Almanach pour 1564, Chevigny ajoute deux quatrains en latin, signés Io. Chevignaeus Beln(ensis) (CN 221, 221C, A2v et G1v) et à l'Almanach pour 1566, toujours en latin, un distique signé Io. Chevignaei Belnensis, précédé d'un quatrain (CN 237, 237B, C1r). Au printemps 1567, pendant que Nostradamus travaille à son dernier almanach, il donne à Chevigny la tâche de reproduire une sélection de sa Correspondance, les Clarorum virorum Epistolae (BNF Paris: ms. lat. 8592). Durant toutes ces années, Chevigny avait déjà retranscrit ou traduit les lettres de Nostradamus pour ses correspondants, notamment allemands, qui parfois se plaignaient de leurs difficultés à déchiffrer l'écriture du provençal, et parmi elles, la lettre à Joachim de Cléron de Saffres (datée du 25 février 1566) que j'ai découverte à la bibliothèque universitaire d'Uppsala en juillet 2008 (CN 100). Les Epistolae (1566) et la lettre à Saffres sont de la même écriture que la Revolutio (1581), le Recueil (1589) et la Vaticination (1595) rédigés ultérieurement par Chavigny (cf. infra et Chevignard 2005, p.360).
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REPÈRES BIOGRAPHIQUES
"Chavigny, Chevignard ou Chevigny, car plusieurs Titres anciens prouvent que ces trois noms sont synonimes" (Papillon, 1742, p.139)
L'identité de Chevigny alias Chavigny a connu quelques fâcheuses vicissitudes. Et pour certains cerveaux chagrins et malveillants, parés d'appareillages et surtout d'idéologies pseudo-critiques à trois balles, faute de s'en prendre directement à Nostradamus, intellectuellement et spirituellement bien supérieur à eux quoiqu'ils en croient, il suffira de semer des doutes dans les esprits quant à son secrétaire, une proie plus accessible et à leur portée. Cela avait mal commencé avec les deux bibliographes de l'époque, La Croix du Maine et Du Verdier, l'un par ignorance faisant de Chevigny et de Chavigny deux auteurs disctincts, l'autre lui attribuant des ouvrages d'un certain Catherin Fortuné. En 1742 l'abbé Philibert Papillon donnait quelques éléments de réponse assez clairs, mais en 1886 Simon Gautheret-Comboulot, par ses hésitations, relançait les doutes dans son examen du recueil composé à la mémoire d'Antoine Fiancé dont il n'imaginait pas possible la relation amoureuse avec un Chavigny de trente ans son aîné selon son décompte (mais en réalité de vingt ans seulement). Ses soupçons et interrogations ont eu les suites polémiques que l'on connaît et dont j'ai rendu compte en 2007 au CN 59. Il faudra attendre les articles décisifs de Bernard Chevignard (1995, 1996 et 2005) pour en finir avec cette petite mascarade académique, saupoudrée de querelles de chapelles.
Chevigny aimait à changer de nom. Il signe Ioannes Chevignardus Belnensis en 1555 et 1557, Ioannes Chevignaeus Belnensis dans les deux lettres qu'il adresse à Nostradamus et dans les Almanachs pour 1563, 1564 et 1566 (1560-1565), toujours Jean de Chevigny Beaunois (ou Ioannes Chevignaeus Belnensis) entre 1570 et 1581, puis Jean Aime (ou Aymé) de Chavigny Beaunois (ou Ioannes Amatus Chavignaeus Belnensis, ou encore par ses initiales I.A.D.C.B.) à partir de mai 1581 jusqu'en 1608 (rajoutant le surnom "Aimé" en hommage à son ami Antoine Fiancé qui venait de décéder), mais encore I. A. de Chevigny dans sa dédicace au Sieur de Fougerolles, traducteur des Vies de Diogène Laërce en 1601.
Poète et Latiniste, astrologue et médecin, exégète des écrits de Nostradamus, Jean Chevignard est né à Beaune le 24 janvier 1533 à 7h30 au lever du Soleil (le 23 à 7:30 P.M. selon le thème dressé par Nostradamus le 1er septembre 1560 ; Clarorum virorum Epistolae, 1566, 23r), et non en 1536 comme le croit B. Chevignard. En domification Octotope, ses maisons sont : 1/ la Communication, 2/ l'Amitié, 3/ la Connaissance (cf. mon Dominion, TH D 1993).
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On relève dans le thème de Chevigny de nombreuses anomalies : un /I/ à l'année qui semble avoir été changé en /V/ (par une main tierce ?) donnant 1537 pour 1533 (et non 1536 comme on l'a lu et interprété), deux positions zodiacales pour Mars (29°2 SAG et 10°48 CAP, un encadrement de la position réelle qui est de 6°45), deux positions zodiacales pour Mercure (28°41 AQU et 0°16 PIS) qui est un encadrement très serré et précis de la valeur calculée (29°22 AQU) à une époque où la position réelle de cette planète laissait à désirer), des données sectorielles aberrantes (avec deux positions pour les maisons III et V, et des maisons opposées non correspondantes), des noeuds lunaires non opposés (5°36 LIB et 10°43 PIS ou ARI !), enfin une position lunaire aberrante (22°45 LIB, au lieu de 3° AQU environ, le 24 janvier au lever du soleil) et qui le resterait pour une naissance en 1536 ou en 1537. Pour l'heure de naissance, Brind'Amour hésite entre 7h30 de l'après midi et 7h du matin, alors que le cartouche central indique clairement et sans ambiguïté possible une naissance le 23 à 7h30 P.M. c'est-à-dire le lendemain à 7h30 du matin, pour finalement abandonner toute explication : "je n'ose aventurer une hypothèse." (1993, p.360-362). Et pourtant la seule explication possible à cet ensemble d'apories et d'hérésies astrométriques est le cryptage ou chiffrement des données par Nostradamus, pas forcément avec la complicité de Chevigny dont ne connaît pas le niveau de connaissance en matière astrologique à cette époque.
Ce thème pose une question qui me semble cruciale : Comment Chevigny, s'il est bien le copiste des Epistolae de Nostradamus, a-t-il pu laisser passer un tel thème, véritable chef-d'oeuvre d'absurdité astrométrique que même les plus ignorants et incompétents parmi les astrologues d'hier et d'aujourd'hui ne sauraient égaler ? Je n'envisage que deux réponses à cette question : sa totale impéritie en la matière à cette époque ; ou sa complicité avec l'hermétiste provençal.
L'abbé Papillon avait fait de Jean Chevignard le fils de Jean Chevignard de Chavigny et de Pallas Le Blanc, ce qui est inexact (Papillon, 1742, p.139). La notice de Papillon fut réaménagée après sa correspondance entre 1728 et 1733 avec Philibert Chevignard (1684-1745), comte de Chavigny-le-Roy et président à mortier au parlement de Franche-Comté. Son père Théodore Chevignard, maire de Beaune et secrétaire du prince de Condé, était l'arrière-petit-fils d'un Jean Chevignard, notaire royal et maire de Beaune en 1548 avec lequel le secrétaire de Nostradamus a été longtemps confondu, y compris par Buget en 1860. Sur cette question : cf. la correspondance de Papillon avec Philibert Chevignard (BM Dijon: ms. 2051 f.91-151), et Bernard Chevignard ("Qui reçut Henri II à Beaune en 1548 ? Requiem pour un maire fantôme", in Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Beaune, T 74, Beaune, 1993 ; 1999 p.59-62).
Jehan CHEVIGNARD (c.1520 + 15/08/1598), fils de N. CHEVIGNARD, notaire royal et maire de Beaune en 1548, avait épousé Anne LOYSEL, fille de Jean LOYSEL et de Pallas LE BLANC, décédée le 6 septembre 1594) (cf. Albrier, 1867).
Chevigny appartient à une autre branche. Il serait le fils de Loys CHEVIGNARD (c.1500-), gainier puis armurier à Beaune, marié le 26 novembre 1531 avec Jehanne MAULAIN (c.1510-), et le petit-fils de Girard CHEVIGNARD (c.1570, + 04/08/1566), marchand gainier à Beaune, marié avec Philiberte SAICHOT, décédée en 1540 (sur cette hypothèse, cf. Chevignard, 1995-1996, p.175).
Loys et N. Chevignard sont de la même génération que Nostradamus, et leurs fils, les deux Jean Chevignard, pourraient être cousins, si ce n'est germains, du moins issus de germains. Mais tout ceci reste hypothétique, faute et en l'absence de tout acte notarié ou d'état civil attestant formellement d'une telle filiation. Ce qui est certain si Chevigny dit vrai dans sa lettre adressée à Nostradamus en septembre 1560, c'est qu'il avait un jeune frère qui tenait son prénom, Gérard, de leur grand-père commun ("avitum nomen retinenti", in Epistolae, lettre 15, 22v). A l'appui de cette filiation, outre la généalogie d'un descendant des Chevignard, Antoine-Théodore (1732-1808), et aussi à l'appui de l'identité "Chavigny, Chevignard ou Chevigny" énoncée par Papillon, deux mentions d'état civil des archives de "Beaulnes", découverts par B. Chevignard :
1) "M(aistre) Jehan Chevignard docteur en medicine", parrain d'Edme Chevignard, le fils d'Elizabeth Masson et de son frère Girard, marchand (AD Côte-d'Or, Beaune, Paroisse Saint-Pierre, 8 juillet 1585 ; Chevignard, BHR 58.2, 1996, p.421). Gérard Chevignard est décédé de la peste l'année suivante, avant la naissance de sa fille posthume Jehanne le 4 août 1586 (Chevignard & Matray, 1998, p.27).
2) "Maistre Jean Chevignard dict de Chavigny docteur en medecine", parrain de Jean Estienne (AD Côte-d'Or, Beaune, Paroisse Saint-Pierre, 27 mai 1598 ; Chevignard, BHR 58.2, 1996, p.421, se corrigeant sur la lecture des noms en 2005, p.356-7).
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Ce qu'on sait encore de Chevigny alias Chavigny tient principalement à ses écrits et aux dédicaces qu'il a laissées dans divers ouvrages dès 1555, l'année de la première édition des Prophéties. Il ne s'est pas marié et on ne lui connaît aucune relation féminine : Beata Tranquillitas !
Le jeune Chavigny a probablement connu Claude Dariot, né à Pommard près de Beaune en 1533, et décédé le 2 novembre 1596 (Chevignard 1996, BHR 58.2, p.420), sur les bancs de l'école et ensuite lors de ses études secondaires. Ils sont nés la même année. Chevigny compose quelques vers latins pour son ami d'enfance lors de la parution de son premier et célèbre traité astrologique, l'Ad Astrorum judicia facilis Introductio (1557), traduit en français l'année suivante (L'introduction au jugement des astres), et même en anglais en 1583.
Immatriculé le 18 novembre 1553 à Montpellier, Dariot exercera la médecine à Beaune quelques années après, alors que Chevigny optera pour les études littéraires à Paris. Dariot adoptera les idées de la Réforme en septembre 1572 à Genève (Chevignard, 1995-1996, p.177), alors que Chevigny restera farouchement catholique, en dépit même des sympathies et relations de son maître Nostradamus.
Chevigny et Dariot ont peut-être effectué leurs études secondaires à Lyon. En tout cas, à la fin de ses études secondaires, Chevigny est à Lyon auprès de Guillaume Du Choul, du cabinet duquel il évoque les manuscrits et médailles, et qu'il aurait rencontré en 1555 ou un peu avant : "ce que je parle sont cinquante ans passez" (in Discours parenetique, 1596, p.184 ; cité par Chevignard, BHR 58.2, 1996, p.420).
Dans les années 55-60, Chevigny se serait spécialisé dans les lettres classiques à Paris, et aurait notamment suivi les cours de grec de Jean Dorat (1517-1588) : "qui jadis fut mon maistre es lettres Grecques, & que je nomme par honneur" (Janus, p.291). L'été 1557, il écrit aussi avoir assisté aux émeutes de la rue Saint-Jacques : "Ie qui ay veu tel trouble excité en ruë S. Iaques" (in Janus François, p.50). C'est peut-être à l'instigation de Dorat qui était intrigué par l'écriture et le caractère énigmatique des Prophéties de Nostradamus et que La Croix du Maine va même jusqu'à qualifier d'"heureux truschemen ou fidel interprete des Quadrains & propheties dudit Nostradamus" (1584, p.330), que Chevigny ose se rendre chez Nostradamus à l'âge de 27 ans, avant d'en devenir le secrétaire.
Après le décès de Nostradamus et durant une dizaine d'années (1566-1575), on ne sait pas grand chose de lui, outre quelques vers laissés dans trois ouvrages, et un opuscule sur L'Androgyn né à Paris le xxi Iullet 1570, écrit avec l'accord et la complicité de Dorat, et qui se veut une exégèse d'un quatrain de Nostradamus (CN 134). C'est encore à la fin de cette époque que Chevigny aurait décidé de se spécialiser, cette fois en médecine, "pour se recuire & passer au Doctorat" comme Nostradamus, et ce jusqu'aux années 76-77 au cours desquelles il aurait rencontré son ami Fiancé.
Verdun Saulnier affirme que Chavigny est sorti docteur en médecine de l'Université de Montpellier (1957, p.454), et ce titre est encore explicite dans les actes d'état civil de 1585 et 1598. Au décès précoce de son ami Fiancé, mort de la peste en mai 1581, Chavigny est à Paris. Il y rédigera une interprétation du thème de Nicolas Filleul de La Chesnaye en novembre 1581 et y publiera ses Larmes et Souspirs en mars 1582 sous le nom de Jean Aime de Chavigny (Ioannes Amatus Chavignaeus). Dans les années qui suivent, il a peut-être voyagé hors de France. On sait qu'il vit à Grenoble en 1589 quand il termine son Recueil des Presages prosaiques. Il demeure sans doute en région lyonnaise ou grenobloise les années suivantes.
BIBLIOGRAPHIE COMMENTÉE
134A L'Androgyn né à Paris, le xxi Iullet 1570
Illustré des vers latins de Jean Dorat Poëte du Roy Tres-chrestien, contenans l'interpretation de ce monstre.
Avec la traduction d'iceux en nostre vulgaire François, dediee à Monseigneur le President l'Archer
Lyon, Michel Jove, 1570, in-8, 12 ff. + planche
- ouvrage étudié au CN 134
Trois textes manuscrits attribués à Jean de Chevigny (ca. 1570-1580 ?) ont été recensés par La Croix du Maine et Du Verdier :
- Une traduction française de La vie de Cornelius Gallus, excellent poëte Latin (La Croix du Maine, 1584, p.216)
- Une traduction française de Galatee et Doris, Dialogue de Lucian pris du latin de Jean Second. Du Verdier en a transcrit les 6 premiers vers : "C'estoit en plein midy qu'une marine tourbe..." (1585, p.674)
- L'Hymne de Tresillustre Prince Iaques de Savoye, Duc de Genevois & de Nemours, Marquis de sainct Sorlin, Conte de Foussigny, qui est un poème dédié à Jacques de Savoie-Nemours (1531-1585) dont Du Verdier a transcrit les 16 premiers vers : "Piqué d'un brave soin qui à ce me convoye..." (1585, p.673-674)
Quatre autres textes dont trois au moins ont été attribués à tort à Chevigny par Du Verdier (1585) :
- Hymne de l'Astree à Monsieur l'Archer, Lyon, Benoist Rigaud, 1570 (Du Verdier, p.672). Cette courte pièce pourrait être de Chevigny.
- Le Pilote de la Nef Lyonnoise, Lyon, Benoist Rigaud, 1570 (par Catherin Fortuné) => BM Lyon: 357245
- La Citadelle lyonnaise manuscrite, éd. Ferdinand Villepelet, Lyon, Société des Bibliophiles Lyonnais, 1890 (par Catherin Fortuné). Du Verdier en donne les 22 premiers vers: "C'est un plaisant travail quand les boeufz, accouplez..."
- Congratulation à Monseigneur Monsieur de Mandelot, Lyon, Benoist Rigaud, 1571 (par Antoine Armand, traduit par Catherin Fortuné)
Catherin Fortuné était "lieutenant en la maîtrise des portz" de Lyon en 1577-1578 (Inventaire sommaire des Archives communales antérieures à 1790. Ville de Lyon, T 3, Lyon, P. Dupont, 1887, p.338 ; Maurice Pallasse, La Sénéchaussée et Siège présidial de Lyon pendant les guerres de religion, essai sur l'évolution de l'administration royale en province au XVIe siècle, TH D Lyon, Faculté de droit, impr. E. Vitte, 1943, p.229 ; sources ignorées par J. Dupèbe, 1983, p.22).
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239A Revolutio XLV perfecta, et XLVI currens, nobiliss(imum) ac virtutum splendore clarissimi viri Nic. Fillellii Rothomagen, primi apud Regem Christianissimum eleemosinarii,
ab Io. Amato Chavignaeo, Belnensi, mathematico, non minus accurate supputata, quam sedulo explicata
atque omnibus rationum momentis expensa juxta Ptolemaei et Arabum priscorum doctrina. M.D.LXXXI
- in fine : "Faciebat Io. Amatus Chavignaeus Belnensis Lutetia Parisiorum, mense novembri, anno reparatae salutis christianae M.D.LXXXI"
=> BM Rouen: ms. p.43, Nov. 1581, in-4, 24 ff., 13.5 x 19.5 cm
- Charles Lormier, Société des Bibliophiles Normands, Rouen, 14 décembre 1893, p.27-29
- CAT Charles Lormier de Rouen, vol.3, 1905, n.4681, p.196
- Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, T 48, Paris, Plon, 1933, n.353, p.13
- Françoise Joukovsky: Nicolas Filleul, Les théâtres de Gaillon, Genève, Droz, 1971, p. ix-x & sq.
- Chevignard, 1995-1996, A/b p.190
Ce texte est une interprétation de l'horoscope de l'abbé et poète rouennais Nicolas Filleul de La Chesnaye, né le 13 janvier 1537 à Rouen (+ ap.1584). Le manuscrit a appartenu au conseiller au parlement de Paris et bibliophile Paul Petau (1568-1614) alias Petavius (cf. CN 10). En 1583, Jean-Édouard Du Monin (ca. 1555-1586) dédie quelques alexandrins à Chavigny "grand Astrologue" (CN 72). Chavigny a rédigé son texte, daté du 1er novembre 1581, après le décès de son ami Fiancé, et il ne signe plus Jean de Chevigny mais Jean Aimé de Chavigny.
239B Les Larmes et Souspirs de Iean Aime de Chavigny Beaunois,
Sur le trespas tres-regretté de M. Antoine Fiancé Bizontin, lors qu'il vivoit, Professeur en Philosophie & Medecine, & Medecin de la cité d'Avignon,
Dediez à Monsieur Maistre Thomas Serre, Conseillier du Roy tres-Chrestien,
Thresorier & Receveur general de sa marine du Levant, Mortes-payes, reparations & fortifications de Provence
Paris, Estienne Prevosteau, 1582, in-8, 96 p.
=> BM Dijon: Breuil 1-215 ; Paris Arsenal: 8° B 11834 rés. ; Paris Mazarine: 21684 ; ÖNB Wien: *35.J.40
La Croix du Maine, 1584, p.202 ; Goujet, 1752, T 14, p.43-44 ; Gautheret-Comboulot, 1886, p.297-300 ; Delpy 1, 1906, n.390 ; Dupèbe, 1983, p.23 ; Brind'Amour, 1996, p.LXII-LXIII ; Chevignard, 1995-1996, B/b p.191
La dédicace à Thomas Serre est datée de Paris, le 28 mars 1582. L'ouvrage est un recueil de pièces diverses en latin, français et grec, la plupart rédigées par Chavigny qui signe de son habituelle devise "Douce Tranquillité" (p.95), "Beata Tranquillitas" en latin (p.62) ou encore en grec "M E Λ I T O E Σ Σ A H E Υ Δ I A" (p.25). C'est aussi la tranquillité des études (otium), opposée à l'agitation bruyante du negotium. Quelques dédicaces et autres pièces de circonstance sont signées par Jean Dorat, le poète Jean-Édouard Du Monin (en italien et hébreu, p.96), l'avocat parisien Gilles Marius et quelques autres.
Le médecin Antoine Fiancé, décédé prématurément en soignant les pestiférés à Avignon le 27 mai 1581, serait né à Fleurey dans le Doubs le 17 janvier 1552 (cf. le synopsis de sa vie p.56, et son épithaphe en latin p.6, traduite par Gautheret-Comboulot, 1886, p.304-5). Après des études de lettres à Paris, il gagne Montpellier pour suivre une formation médicale : il y est immatriculé le 14 novembre 1576, mais c'est à Avignon qu'il obtient son doctorat de médecine le 5 août 1579 (Gouron, 1957, n.2810). Peut-être a-t-il connu quelques déboires à Montpellier : en témoignerait sa Platypodologie ou Platopodologie, une satire contre les pieds-plats en vers latins, évoquée par Chavigny, lequel loue son jeune ami et amoureux par une expression similaire ("des hautes & sublimes disciplines qu'il avoit en si grande jeunesse" ; p.5) à celle qu'il avançait vingt ans auparavant auprès de Nostradamus quand il disait déceler des possibilités prometteuses chez son jeune frère Gérard. Chavigny avait sans doute rencontré Fiancé sur les bancs de la faculté de médecine à Montpellier en 1577 (Saulnier, 1957, p.454 & 458), et foudroyé du décès prématuré de son jeune ami, sort de sa réserve par une pléthore d'envolées lyriques qu'on ne retrouve dans aucun de ses autres textes.
"In cuius pueri ora delicata
Transfudit roseos eos liquores
Totus nectareus meus PHYANCEVS,
Totus melleus & tuus PHYANCEVS" (p.10)
J'ai assez discuté du soupçon de Gautheret-Comboulot quant à l'identité de Chevigny/Chavigny, "in dubiis libertas" (p.300), devenu chez J. Dupèbe et P. Brind'Amour un article de foi bien mal fondé (cf. CN 59). D'ailleurs Gautheret-Comboulot raisonnait sur une naissance de Chevigny en 1524 alors qu'il est né dix plus tard. Qu'on se reporte aux articles de Bernard Chevignard (1995-1996, 1996 et 2005) qui ont permis de lever les doutes sur l'identité de Chevigny/Chavigny alias Jean Chevignard, quoique B. Chevignard ait ignoré (à ma connaissance) le huitain italien de CHEVIGNY annexé à l'opus magnum de l'astrologue italien Francesco Giuntini (1995-1996, D/k p.196), paru en 1581 peu après le décès de son ami et amoureux, dans lequel il évoque son cruel destin (il mio crudel destino) !
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239C Recueil des Presages prosaiques
de M. Michel de Nostradame lors qu'il vivoit, conseillier du Roy treschrestien Charles IX du nom, et medecin ordinaire de Sa Magesté.
Oeuvre qui se peut dire à la verité, Les merveilles de nostre temps, où se verra à l'oeil toute l'histoire de noz troubles et guerres civiles de la France
dez le temps qu'elles ont commencé, jusques à leur entiere fin et periode non seulement, mais aussi plusieurs choses rares et singulieres advenues et à venir
en l'estat des plus puissans empires, royaumes et principautez, qui aujourd'huy levent le chef sur la terre.
Extrait des Commentaires d'iceluy & reduit en XII livres par Iean Aime de Chavigny Beaunois
Cularonae Allobrogum (Grenoble), 1589, in-12, 722 p., 21 x 30 cm
(sur papier filigrané à 7 raies verticales, avec parfois une croix latine inscrite dans un coeur avec les initiales C et B en bas de part et d'autre de l'axe vertical de la croix => C et B pour Chavigny Beaunois, la croix et le coeur se rapportant au décès de son cher Fiancé)
=> BM Lyon: ms 6852 (acquis en mars 1991, restauré à la BNF en 1993-96)
- Papillon, T 1, 1742, n.6, p.141 ("Ce gros Manuscrit étoit à Dijon chez M. Boilaud le Médecin")
- Benazra, 1990, p.133 ; Brind'Amour, 1993, p.501-502
- Chevignard, 1995-1996, A/c p.190, et 1999 (transcription des quatrains, et des présages des livres I à IV)
Chavigny évoque ce manuscrit à plusieurs reprises dans son Janus Gallicus. Il avait appartenu à François Boilaud (ca. 1659-1742), médecin originaire de Beaune, décédé à Dijon le 28 janvier 1742 (Papillon, 1742 ; Chevignard, 1995-1996, p.190). Le manuscrit est détérioré sur la fin, notamment pour les livres XI et surtout XII, mais les abondantes notes marginales ne sont pas touchées ; ce sont elles qui lui ont servi de canevas lors de la rédaction du Janus et des Pléiades.
Le Recueil est un compendium de quatrains et de présages en prose, abondamment annotés en marge et extraits des almanachs et pronostications de Nostradamus pour les années 1550 à 1567, seule source qui nous reste pour certains d'entre eux, soit au total 6338 "présages" dont 154 quatrains, répartis sur 27 opuscules. Chavigny a supprimé de son relevé la plupart des passages médicaux et météorologiques, et bon nombre d'astrologiques contenus dans les opuscules annuels de Nostradamus.
L'ouvrage est divisé en 12 livres :
Livre I (p.5-54 ; années 1550 et 1552-1555, 537 présages), Livre II (p.55-81 ; années 1556-1557, "323" [324] présages), Livre III (p.83-115 ; année 1558, 301 présages),
Livre IV (p.116-166 ; année 1559, 476 présages), Livre V (p.167-211 ; année 1560, 474 présages), Livre VI (p.212-268 ; année 1561, 536 présages),
Livre VII (p.269-332 ; année 1562, 539 présages), Livre VIII (p.333-404 ; année 1563, 592 présages), Livre IX (p.405-482 ; année 1564, 652 présages),
Livre X (p.483-572 ; année 1565, 741 présages), Livre XI (p.573-646 ; année 1566, 622 présages), Livre XII (p.647-718 ; année 1567, 544 présages).
Épigramme au début du manuscrit :
"Nolle se haec scripta in vulgus dari donec donec.
Haec scribo Musis, et charis fidus amicis
Interpres tantum : denique scribo mihi.
Effectus sortita suos miracula rerum
Cum fuerint Lector, sint quoq(ue) scripta tibi."
Traduit par Brind'Amour (p.502) : "Ne donne pas ces écrits au vulgaire jusqu'au jour où, jusqu'au jour où.
J'écris ces choses pour les Muses et des amis chers, seulement en interprète fidèle : j'écris enfin pour moi-même.
Quand les miracles des choses seront sortis à pleins effets, Lecteur, que ces écrits soient aussi à toi."
En complément au Recueil, Papillon signale 2 autres manuscrits in-folio :
- Les Prophéties revuës & corrigées, avec des Réflexions (qui serait aux Prophéties de Nostradamus ce que le Recueil est à ses Almanachs, et/ou peut-être le manuscrit ayant servi de base au Janus Gallicus)
- La Vie de Nostradamus, un texte évoqué par Chavigny qui déclare avoir rédigé une biographie plus ample que la vie sommaire qu'on connaît : "dont nous avons parlé plus amplement en un autre discours sur la vie de ce mesme Auteur, qui bien tost verra la lumiere" (Janus, p.7 ; Chevignard, 1995-1996, A/e et A/f p.190-191). Ces deux manuscrits, hélas introuvables s'ils ont existé, auraient été rédigés entre 1590 et 1593.
239D La premiere Face du Janus François,
Contenant sommairement les troubles, guerres civiles & autres choses memorables advenuës en la France & ailleurs
dés l'an de salut 1534 jusques à l'an 1589, fin de la maison Valesienne.
Extraite et colligee des Centuries et autres commentaires de M. Michel de Nostredame,
jadis Conseillier & Medecin des Rois Tres-Chrestiens Henry II, François II & Charles IX.
A la fin est adiousté un discours de l'advenement à la Couronne de France, du ROY Tres-Chrestien à présent régnant : ensemble de sa grandeur & prosperité à venir.
Le tout fait en François & Latin, pour le contentement de plusieurs, par Iean Aimes de Chavigny Beaunois, & dedié au Roy.
Lyon, héritiers de Pierre Roussin, 1594, in-4, 32 + 336 + 16 p.
=> nombreux exemplaires dont BM Lyon: Janus François (Rés. 341574) et Janus Gallicus (Res A508380 ; exemplaire Ruzo), Paris (BNF, Arsenal, Mazarine, Ste Geneviève), Dijon, Bordeaux, Albi, Arras, Lille, Beaune, Poitiers, Grenoble, Versailles, London, Munich, Salamanca, Brno, Cracovie, BU Uppsala, BU Cambridge, BU Sassari...
- nombreux signalements en catalogues dont Draudius 1611, Thou 1679, Boissier 1725, Grand-Conseil 1739, Anonyme 1741, Larchevesque 1749, Astruc 1766, Carolus Major 1767, Milly 1799, Adelung 1807, Hemey D'auberive 1816, Boulard 1828, Reboul 1843, Monmerqué 1851, Desbarreaux-Bernard 1879, Sazerac 1881, Ruzo 2007...
- Papillon 1742, Gachet d'Artigny 3 (1750, p.149 sq.), Monfalcon 1856, Buget 1860, Brunet 1860, Graesse 1863, Bigarne 1863, Gautheret-Comboulot 1886...
- Ruzo 1982, n.15 p.345-6 (17 x 22 cm) ; Chomarat 1989, n.153 & 154 ; Benazra 1990, p.130-7 ; Chevignard 1995-1996, B/c p.191-2...
Contenu sommaire:
1/ Épître au Roi Henri IV datée de Lyon, le 1er juillet 1594, incluant des citations de l'Almanach pour 1563 (G3r, I3v et I5v de la version Roux)
2/ Texte d'introduction en latin
3/ Avertissement au lecteur, puis attestation, approbation et permission d'imprimer datées de Lyon, le 21 juillet 1594
4/ Index des quatrains français et de leur traduction latine
5/ Brief Discours sur la vie de M. Michel de Nostredame, et sa version en latin (p.1-7 et 8-12)
6/ Discours adressé au lecteur, et sa version en latin (p.13-22 et 23-30)
7/ Dialogue imaginaire en latin entre Jean Dorat (+ 1588) et Chavigny le "Collector", et nouvel avertissement au lecteur (p.31-34 et 35)
8/ Explication bilingue de quatrains pris dans les Centuries et les Almanachs (p.36-277) ; cf. CN 34
9/ Au Lecteur, rapport d'une lettre du 14 mai 1589, adressée à Chavigny par l'intermédiaire du libraire (p.279)
10/ Discours "De l'Advenement (d'Henry IV) à la Couronne de France", dédié à Alphonse d'Ornano et daté de Lyon, le 19 février 1594 (p.281-300)
11/ Index dit "des choses plus memorables"
12/ Version latine du discours à D'Ornano, datée de Lyon, le 28 février 1594 (22 pages)
13/ Index Rerum Memorabilium, et corrections
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Le fameux traité bilingue de Chavigny, souvent abrégé Janus ou Janus Gallicus, est aussi paru avec une page de titre en latin sous le titre :
239E Iani Gallici Facies Prior, Historiam Bellorum Civilium ... Ex decantatissimis illis tetrastichis (à partir de ses illustres quatratrains),
quae Michael Nostradamus iam olim Gallicè in lucem edidit ...
C'est le même ouvrage bilingue (mêmes éléments, même pagination) avec de l'Épître au Roi Henry IV en latin et sans le texte d'introduction en latin et l'avertissement au lecteur qui lui succèdent dans le Janus François.
L'Épître à Henri IV (1/13)
Après avoir cité les Odes de Ronsard, Chavigny présente son ouvrage comme une interprétation des quatrains inspirés de Nostradamus (comparé à une récente réincarnation de la sibylle d'Erythrée ou de Cumes), qui se lit comme un historique de la France et des derniers Valois depuis les premiers troubles religieux jusqu'au récent couronnement du roi (le 27 février 1594 à Chartres), l'incitant à persévérer en son "heureuse conversion à son Eglise Catholique" (comme si Henri IV avait besoin de conseils).
Cette "première face" du Janus (tournée vers le passé) sera suivie d'une seconde (tournée vers le futur) qui ne verra pas le jour : "Quant au second [livre], qui est encores sur l'enclume & n'est achevé, il sera presques plein de voz gestes, SIRE, de voz trophées & victoires sur voz ennemis..." (f.a4r). Henry IV est assassiné en 1610 et Chavigny avait disparu à cette date.
Et neuf ans après, Chavigny n'a toujours pas sérieusement avancé dans le second pan de son ouvrage de 1594 : "Tout ce que je reserve à deduire bien au long au second livre de mon Ianus François" (...) "Toutes lesquelles choses nous poursuivrons plus amplement & par le menu, en nostre Seconde face du Ianus François" (Pléiades, 1603, p.10 & 50).
Pièce latine liminaire (2/13)
Cette pièce latine, "Ad. Ioan. Amatum Chavigneum, operis huius collectorem atque interpretem eximium", paradoxalement absente du tirage "Iani Gallici Facies Prior" et dans laquelle Chavigny se présente comme collecteur et interprète privilégié des oeuvres de Nostradamus, se termine par ces mots : "Valete spes caduca, sorsque lubrica, / SPES EIVS VNICA IN SION" (Portez-vous bien espérance fragile et sort hasardeux, / SON UNIQUE ESPOIR EN SION).
Avertissement au lecteur (3/13)
Cet avertissement est une justification sur ce qui faut entendre par "prophète" et "prophétie" en conformité avec l'orthodoxie catholique, quelque peu chatouilleuse sur ces désignations à cette époque. L'attestation qui suit prend acte de "la retractation de ce mot & titre de Prophete" par l'auteur. Selon Charles Bigarne, la publication aurait été retardée par les théologiens de la Sorbonne.
Index des quatrains (4/13)
Les quatrains sont répertoriés d'après leur premier vers (en français, puis en traduction latine). J'en compte 276 dans l'index latin (mais un de moins dans l'index français), qui sont les 141 quatrains des Almanachs (y compris le quatrain controuvé "La mer Tyrrhene", repris dans de nombreuses éditions des prophéties à partir des éditions troyennes Pierre Du Ruau ; CN 15), le quatrain isolé "Fille de l'Aure" (3 fois numéroté VI 100 et 1 fois VI 109) qui remplacerait le quatrain latin des Prophéties (CN 162) et que Ruzo considère comme un faux (p.324), les deux et onze quatrains des centuries XI et XII (inédits et inconnus par ailleurs ; CN 169), et quelques 121 autres pris dans les centuries I à X (respectivement 26, 15, 12, 15, 6, 19, 2, 9, 10 et 7).
La Vie de Nostradamus (5/13)
C'est la première biographie en date. Chavigny déclare en avoir rédigé une plus ample, encore inédite.
Brief discours sur la vie de M. Michel de Nostredame, jadis conseillier et medecin ordinaire des Rois tres-chrestiens Henry II du nom, François II et Charles IX.
MICHEL DE NOSTREDAME le plus renommé & fameux qu'ait esté de longs siecles en la prediction qui se tire de la congnoissance, & jugement des Astres,
nasquit en la ville de Sainct Remy en Provence l'an de grace 1503, ung Ieudy 14 Decembre, environ les 12 heures de midy.
* C'est la date de naissance défendue par Chavigny : il s'agit en tout cas d'"un jeudi" que ce soit le 14 ou le 21 décembre (cf. CN 10).
Son pere fut Iacques de Nostredame, Notaire du lieu : sa mere Renée de Sainct Remy, dont les ayeuls paternels & maternels
furent personnages bien versez aux sciences de Mathematique, & Medecine : comme Medecins qu'ils estoyent,
l'un de René Roy de Hierusalem & de Sicile, Comte de Provence, & l'autre de Iean Duc de Calabre, fils dudit Roy René.
Qu'est pour clorre la bouche à d'aucuns envieux, quelques grands Dictateurs qu'ils soyent aux sciences, qui ont mesdit de son origine, mal informez de la verité.
* Ce sont les bisaïeuls de Nostradamus, Pierre de Sainte-Marie (ou de Nostra Dona) et Jean de Saint-Rémy, et non ses aïeuls, qui furent médecins et astrologues (cf. CN 131).
L'un des "dictateurs" évoqués pourrait être Jules César Scaliger (cf. CN 89).
Dont vient que nostre Auteur en ses Commentaires dit avoir receu comme de main en main la congnoissance des Mathematiques de ses antiques progeniteurs.
Et en la preface sur ses Centuries, Que la parolle hereditaire de // l'occulte prediction sera dans son estomac intercluse.
* On ne sait quels seraient ces "Commentaires" de Nostradamus, ni à quel passage précis, "comme de main en main", Chavigny fait ici allusion.
Apres le trespas de son bisayeul maternel, qui luy avoit donné comme en joüant un premier goust des celestes sciences (ainsi qu'avons escrit ailleurs amplement)
il fut envoyé en Avignon, pour apprendre les lettres humaines. De là il vaqua fort heureusement à la Philosophie, & theorie de Medecine dans l'Vniversité de Montpellier,
jusques à ce qu'à l'occasion d'une pestilence qui survint au pays, prist la route devers Narbonne, Tholouse, Bourdeaux : auxquelles villes & citez
donnant ses premiers coups d'essay, tira premierement fruict de ses labeurs, & lors il menoit l'an 22 de son eage.
Ayant sejourné quatre ans en ces quartiers prattiquant la Medecine, il luy sembla bon retourner à Montpellier, pour se recuire & passer au Doctorat :
ce qu'il fist en peu de temps, non sans preuve, loüange & admiration de tout le College.
Passant à Tholouse, vint à Agen, ville sur la riviere de Garonne, où Iule Cesar Scaliger l'arresta, personnage de signalée & rare erudition,
ainsi que chacun sçait, avec lequel il eut grande familiarité : qui toutesfois se changea quelque temps apres en forte simulté & pique,
ainsi qu'advient souvent entre les doctes, & se peut colliger par leurs escrits.
Là prist à femme une fort honorable Damoiselle, de laquelle il eut deux enfans, masle & femelle.
Lesquels decedez, se voyant seul & sans compagnie, delibera soy retirer du tout en Provence, son naturel pays.
Arrivé à Marseille, vint à Aix parlement de Provence, où il fut trois années aux gages de la cité,
du temps que la peste s'y eleva en l'an de CHRIST 1546 telle, si furieuse & cruelle, que l'a descritte
le Seigneur de Launay en son // Theatre du monde, selon les vrais rapports, qui luy en furent faits par nostre Auteur.
* Chavigny connaît le traité de Pierre Boaistuau (1558) mais ignore le TFC qui en est la source (cf. CN 20).
De là venant à Salon de Craux, ville distante d'Aix d'une petite journée, & mi-chemin d'Avignon & Marseille,
il se maria en secondes nopces. Où prevoyant les insignes mutations & changemens advenir en l'Europe universellement,
& mesmes les guerres civiles & sanglantes, & les troubles pernicieux de ce Royaume Gaulois fatalement s'approcher,
plein d'un enthousiasme, & comme ravi d'une fureur toute nouvelle, se mist à escrire ses Centuries, & autres presages commençant ainsi :
D'ESPRIT divin l'ame presage atteinte
Trouble, famine, peste, guerre courir,
Eau, siccité, terre & mer de sang teinte :
Paix trefve, à naistre, Prelats, Princes mourir.
Lesquelles il garda long temps, sans les vouloir publier, estimant que la nouvelleté de la matiere ne failliroit
luy susciter infinies detractions, calomnies & morsures plus que venimeuses, ainsi qu'il advint.
A la parfin vaincu du desir qu'il avoit de profiter au public, les mist en lumiere : dont tout incontinent
le bruit & renommée courut par la bouche de noz hommes & des estrangers avec grandissime admiration.
De ce bruit & fame empennée esmeu le tres puissant Henry II Roy de France, l'envoya querir pour venir en Cour
l'an de grace 1556 & ayant avec iceluy communiqué de choses grandes, le renvoya avec presens.
* L'épisode est à situer en été 1555, et non en 1556 (CN 43).
Quelques ans apres Charles IX son fils visitant ses provinces (que fut 1564) & rangeant soubs la douceur de la paix
ses villes mutinées, entrant en Provence, ne voulut faillir de visiter ce Prophete, & vraye//ment heroë,
& usant envers luy de liberalité Royalle, l'honnora de l'estat de Conseillier & sien Medecin ordinaire.
Ce seroit chose trop prolixe si je voulois icy deduire par escrit ce qu'il a predit tant en spécial, que general,
& superflue combien de gens doctes, grands Seigneurs & autres arrivoyent à luy de toutes parts & regions, comme à ung oracle :
& ce que S. Hierosme disoit de Tite Live, je le puis affermer de cestuy, que venans en la France, cerchoyent en icelle autre chose pour voir.
A ce voyage du susdit Roy Charles il passoit soixante ans, & devenant fort caduque & debile, pour les maladies qui souvent l'affligeoyent,
mesme une arthritis & goutte, attendoit constamment son an climacterique, auquel il deceda, sçavoir le second de Iullet 1566
peu devant le Soleil levant, passant icelle arthritis en hydropisie, qui au bout de huit jours le suffoqua.
Que le temps de son trespas luy fut notoire, mesmes le jour, voire l'heure, je le puis tesmoigner avec verité.
Me souvenant tresbien que sur la fin de Iuin, ladite année, il avoit escrit de sa main, aux Ephemerides de Iean Stadius,
ces mots Latins, HIC PROPE MORS EST. C'est à dire, Icy proche est ma mort. Et le jour devant qu'il fist eschange de ceste vie à l'autre,
luy ayant assisté bien longuement, et sur le tard prenant congé de luy jusques au lendemain matin,
il me dist ces parolles, Vous ne me verrez pas en vie au Soleil levant.
* Ces informations très précises confirmeraient la présence de Chevigny au chevet de Nostradamus, ayant souffert plus d'une semaine avant son décès (cf. CN 235).
Sur son sepulcre fut inscrit & gravé tel Epitaphe, fait à l'imitation de celuy de ce grand Tite Live
(que cy dessus avons touché), historiographe Romain, qui aujourd'hui se void en l'Eglise des Cordeliers de Salon,
où le corps d'iceluy fut ensevely honorablement & porté.
Qui // pour estre allegué cy apres en Latin, tel qu'il est insculpé, je le traduiray ainsi.
CY REPOSENT LES OS DE MICH. DE NOSTREDAME, DVQVEL LA PLVME PRESQVE DIVINE A ESTE DE TOVS ESTIMEE DIGNE
DE TRACER ET RAPPORTER AUX HVMAINS SELON L'INFLVENCE DES ASTRES, LES EVENEMENS AVENIR PAR DESSVS TOVT LE ROND DE LA TERRE.
IL EST TRESPASSE A SALON DE CRAVX EN PROVENCE L'AN DE GRACE M.D.LXVI ET SECOND DE IVLLET, EAGE DE LXII ANS, SIX MOIS, XVII IOVRS.
O POSTERES, NE TOVCHEZ A SES CENDRES, ET N'ENVIEZ POINT LE REPOS D'ICELVY.
* Sur ces 17 jours (au lieu de 10), cf. CN 10.
Il estoit de stature un peu moindre que la mediocre, de corps robuste, alegre & vigoureux.
Il avoit le front grand & ouvert, le nez droit & esgal, les yeux gris, le regard doux, & en ire comme flamboyant,
le visage severe & riant, de sorte qu'avec la severité se voyait en iceluy conjointe une grande humanité :
les jouës vermeilles, voire jusques à l'extreme eage, la barbe longue & espoisse,
la santé bonne & gaillarde, si nous exceptons la vieillesse, & tous les sens aigus & tres entiers.
Quant à l'esprit, il l'avoit vif & bon, comprennant legerement tout ce qu'il vouloit :
le jugement subtil, la memoire felice & admirable, de nature taciturne, pensant beaucoup & parlant peu :
discourant tresbien en temps & lieu : au reste vigilant, prompt & soubdain, cholere, patient du labeur.
Son // dormir n'estoit que de quatre à cinq heures : loüant & aimant la liberté de langue, joyeux, facetieux, mordant en riant.
* Le seul portrait physionomique et psychologique qu'il nous reste de Nostradamus.
Il approuvoit les cerimonies de l'Eglise Romaine, & tenoit la foy & religion Catholique : hors de laquelle il asseuroit n'estre point de salut.
Et reprenoit grievement ceux, qui retirez du sein d'icelle, se laissoyent apaster & abruver de la douceur & liberté
des doctrines estrangeres & damnables : affermant que la fin leur en seroit mauvaise & pernicieuse.
* Chavigny a voulu dissimuler les sympathies de Nostradamus pour la Réforme, et il ne souffle mot du Recueil épistolaire qu'il a pourtant transcrit. Quant à Nostradamus, il distinguait la propagande réformiste des érudits qui pour quelque raison en avaient accepté certains principes.
Ie ne veux oublier à dire qu'il s'exerçoit volontiers en jeusnes, oraisons, aumones, à la patience : abhorrissoit le vice, & le chastioit severement,
voire me souvient que donnant aux pauvres (envers lesquels il estoit fort liberal & charitable) il avoit ce mot en bouche ordinairement,
tiré de l'Escriture saincte, Faites vous des amis des richesses d'iniquité.
* "des iniquités de Mammon" (Luc, 16.9).
De sa seconde femme il a laissé six enfans, trois fils & trois filles.* Le premier des masles nommé Cesar, personnage d'ung fort gaillard & gentil esprit,
est celuy auquel il a dedié ses Centuries premieres : duquel nous devons esperer de grandes choses si vray est ce que j'en ay trouvé
en plusieurs lieux des Commentaires de sondit pere, notamment sur l'an 1559 & mois de Iullet, où je renvoy le Lecteur.
* Madeleine (1551), César (1553), Charles (1556), André (1557), Anne (1559), Diane (1561)
- Les supposés "Commentaires" de César sur les textes de son père sont tout aussi énigmatiques que ceux de Nostradamus, évoqués en début de texte.
Entre autres enfantemens de son esprit fecond, que je passe icy soubs silence, il a escript XII Centuries de predictions,
comprinses brievement par quatrains, que du mot Grec il a intitulé Propheties : dont trois se trouvent imparfaites, la VII, XI & XII.
Ces deux dernieres ont long temps tenu prison & tiennent encore pour la malice du temps, en fin nous leur ouvrirons la porte.
* Chavigny n'a laissé que 2 et 11 quatrains des dites centuries XI et XII, et le mystère reste entier sur leur origine (cf. CN 169).
Nous avons de luy d'autres presages en prose, faits puis // l'an 1550 jusques à 67, qui colligez par moy la plus part
& redigez en XII livres, sont dignes d'estre recommandez à la posterité. Ceux cy comprennent nostre histoire d'environ cent ans,
& tous noz troubles, guerres & menées dez un bout jusques à l'autre. Ceux là, sçavoir les Centuries, s'estendent en beaucoup plus long siecles,
dont nous avons parlé plus amplement en un autre discours sur la vie de ce mesme Auteur, qui bien tost verra la lumiere,
où nous remettons le Lecteur : ensemble au dialogue Latin, qui cy apres sera rapporté.
* Allusion à deux manuscrits inédits : l'un est le Recueil des Presages prosaiques, l'autre a été signalé par Papillon en 1742.
Discours au lecteur (6/13)
Chavigny y dresse un historique de prophéties et vaticinations anciennes, depuis l'oraison de St Hippolyte, évèque de Rome, en passant par Sainte Brigitte, l'abbé Joachim, Merlin ... jusqu'à Nostradamus qui, selon lui, avait l'habitude de déclamer : "J'annonce verité simplement & sans pompe, Et mon presage vray nullement ne me trompe." (p.19) - qui n'est qu'une adaptation en alexandrins de "Verum ego vaticinor (aiebat, disait-il) nec me praesagia fallunt" (p.27) qui figure en exergue des présages de l'Almanach pour 1567 (CN 238). Il précise ensuite l'organisation des deux faces de son Janus Gallicus, la présente s'étendant de 1534 (début de la propagation en France des idées luthériennes) à 1589 (assassinat d'Henry III), la seconde annoncée et tournée vers le futur (mais qui ne verra pas le jour), de 1589 à 1607 : "Ie commence ce premier livre dez l'an 1534 que l'opinion & secte de Luther est entrée en France, & lors a osé premierement soy monstrer, jusqu'à 1589 fin et cheute de la race des Valois." (p.20) En illustration de ce découpage, il évoque le quatrain II 46, le successeur du quatrain II 45 commenté à L'Androgyn en 1570, à resituer donc à cette date charnière des XVIe et XVIIe siècles. Cependant il ignore dans sa chronologie les années 1581 à 1583, douloureuses par la perte de son ami Fiancé et laissées en blanc à l'exégèse.
Dialogue imaginaire avec Jean Dorat (7/13)
Chavigny y présente son ouvrage et sa méthode, justifiant sa connaissance du style, du caractère et des intentions de Nostradamus en raison de la familiarité qu'il entretenait avec lui lorsqu'il en était le secrétaire : " & hominis multa familiaritate sum usus, & character eius & velut forma dicendi ita mihi nota est, & verborum ambages & subterfugia, nodique illi intricatissimi..." ; "j'ai joui de son intime amitié. Son caractère et, par exemple, sa façon de parler, ses équivoques, ses circonlocutions, ses jeux de mots fort embrouillés me sont connus" (Janus, p.31 ; traduit par C. Matray, in Chevignard, 1998, p.30 ; cf. aussi Janus, p.283).
Le coeur du Janus (8/13)
La première interprétation d'envergure des quatrains de Nostradamus se présente sous la forme d'un condensé bilingue de 55 ans d'histoire, reproduisant quelques 347 quatrains numérotés (dont certains sont reproduits deux à trois fois) et une explication de chaque vers : en pages paires la version française et en vis-à-vis (pages impaires) la traduction latine du quatrain et de l'explication. En réalité l'explication ne s'étend que sur quelques 35 années, car à peine 8 quatrains se rapporteraient à une période antérieure à la rédaction des Prophéties (1534-1554). L'explication s'alimente parfois de compléments en prose pris dans les Almanachs et Pronostications, par exemple dans ceux des années 1552 (p.220-222), 1553 (p.96, 134 & 164) et 1554 (p.146). Enfin Chavigny prône l'éclatement des vers au sein du quatrain, lesquels, dans de nombreux cas, se rapporteraient à des années, voire à des époques différentes : la méthode serait acceptable si la cohésion sémantique du quatrain était respectée, mais ce n'est que rarement le cas. Ainsi environ 70 quatrains se retrouvent reproduits deux à trois fois et commentés par morceaux ; et certains vers sont abandonnés et réservés à une future exégèse : "ce vers n'est pas de ce temps" ou "le dernier vers n'appartient pas à ceste matiere". La méthode est honnête (et on ne peut en ce cas soupçonner Chavigny de falsification patente), mais ce renoncement à l'unité sémantique et/ou temporelle du quatrain reste problématique.
Gautheret-Comboulot a relevé les sources historiques ayant servi à son élucidation des quatrains : "Pasquier, en ses lettres ; Jean de Léry, en son Amérique ; les Commentaires de Sleidan ; Milles-Piguerre, Histoire de France ; Noël des Comtes ; les Annales de France ; les Commentaires de Rabutin ; Onuphre, Vie de Jules III ; Laurent Surius ; Paradin, Histoire de Lyon ; Jean le Frère, de Laval, livre de son Histoire des troubles ; Blaise de Montluc, Commentaires ; Paul Manuce, le panégyriste de Pie IIII ; Papire Masson ; Buchanan, des Choses Escossoises ; Jean Poldo d'Albenas, Discours historial de l'antique cité de Nismes." (p.320-321), auxquelles s'ajoutent les sources littéraires dont les Poematia de son mentor Jean Dorat pour les quatrains II.40, II.45, II.70, III.33, IV.34 et VI.85 (Geneviève Demerson, Dorat et son temps, Clermont-Ferrand, Adosa, 1983).
Dissertation "De l'Advenement (d'Henry IV) à la Couronne de France" (10/13)
Ce texte bref, comprenant une dizaine de quatrains et quelques autres pièces rapportées, pourrait faire figure, assez pâle et peu convaincante, de la "seconde face" du Janus. Chavigny, sans préciser sa fonction d'alors, rappelle ses liens avec Nostradamus : "lequel j'avois congneu privément autrefois" (p.283 ; cf. aussi L'Androgyn 1570 en A3v, et la Vaticination 1595 p.1). Le texte est adressé à Alphonse d'Ornano, lieutenant du roi en Dauphiné, auquel Chavigny rappelle encore qu'il lui avait prédit, environ quatre à cinq ans auparavant, la mort du roi Henry III et le couronnement d'Henry IV (cf. La Vie du Maréchal Alph. d'Ornano, Lieutenant Général en Dauphiné, Languedoc et Guyenne et Maire de Bordeaux (1548-1610) par son secrétaire Jean Canault, éd. Jean Charay, Aubenas-en-Vivarais, Imprimerie Lienhart, 1975).
La dissertation en l'honneur d'Henry IV dont Chavigny voulait être l'annonciateur des exploits futurs, débute avec le quatrain 14 de la centurie IV qui illustrerait la brusque fin des Valois et l'avènement des Bourbons à la couronne de France.
La mort subite du premier personnaige
Aura changé & mis un autre au regne :
Tost, tard venu à si haut & bas aage,
Que terre & mer faudra que l'on le craigne.
Chavigny éclaircit un texte de Jean Dorat (son Epithalame sur le mariage d'Anne de Joyeuse avec Marie de Lorraine, au livre IV de ses Poèmes) qui ferait allusion à un vers du quatrain II.2 et à un présage pour 1559 : "Voila d'où Iean Dorat a pesché ces beaux presages, dont il s'est fait honneur, sçachant combien la vaticination embellit la poesie, & la rend admirable." (p.298). Et aussi il le corrige : le quatrain VI.24 que Dorat interprétait comme approprié à Henry III doit se lire comme caractérisant plus vraisemblablement Henry IV (p.290-291).
Buget y lit "que le duc de Mayenne sera chassé de France, que l'année suivante Henri IV fera la conquête de l'italie, et qu'après s'être emparé de Constantinople [Vaticination, sept. 1594], il [Henri IV] sera monarque universel. La reddition pacifique de Paris, le 22 mars 1594, avoit démenti une partie de cette prédiction, datée du 19 février, lorsque Chavigny la fit imprimer, puisque le privilège est du 21 juillet. Cela prouve sa bonne foi." (1860, p.1704).
Le mystère des quatrains inédits du Janus
Les almanachs de Nostradamus, pourtant largement diffusés, se sont perdus au cours des années. Ils appartiennent à une littérature qui n'intéressait pas les bibliophiles et collectionneurs. Ainsi quand Chavigny publie son Janus en 1594, un certain nombre de quatrains y apparaissaient comme neufs, et a fortiori au siècle suivant quand les éditeurs des Prophéties ont commencé à intégrer dans leur version les 141 quatrains des almanachs figurant au Janus. Ces quatrains ont presque tous été retrouvés ultérieurement dans les almanachs, à l'exception du quatrain "La mer Tyrrhene" qui serait un quatrain controuvé, comme le serait le quatrain isolé "Fille de l'Aure", censé remplacer en VI 100 le quatrain latin des Prophéties. D'où sortent ces deux quatrains ? et pourquoi ont-ils été annexés au Janus ? : Je ne me l'explique pas. En revanche Chavigny a laissé 13 autres quatrains, ceux-ci authentiques, dont l'un d'entre eux (le fameux quatrain aux 13 F) recoupe un quatrain retrouvé parmi un groupe de 11 dans un manuscrit de l'Inguimbertine de Carpentras, et que Nostradamus aurait confié à Antoine de Galaup de Chasteuil (ca. 1520-1576) dans les années 60 (CN 159). Ces quatrains seront aussi récupérés par les éditions troyennes Chevillot puis Duruau au début du XVIIe siècle.
Les quatrains de Carpentras ne sont pas numérotés, ceux du Janus le sont et supposés appartenir aux centuries XI et XII. Comment ont-ils été numérotés, et Chavigny aurait-il inventé ou accolé des numéros aux quatrains ? Je l'ignore, n'ayant à ce jour pas résolu l'éventuel codage de leur numérotation. La somme des quatrains XI 91, XI 97 et XII 4, 24, 36, 52, 55, 56, 59, 62, 65, 69 et 71 totalise 741, 1841 ou 14841 (selon le décompte, par exemple pour le quatrain XII 71, en retenant les numéros 71, 171 ou 1171) et la somme de leurs différences, quand ils sont pris deux à deux, vaut 80 (ou encore 6, 48 et 19 en les séparant en 3 groupes). J'observe encore que la somme 14.841 des 13 quatrains vaut 9 x 17 x 97, ou encore (9 x 1) x ((9 x 2) - 1) x ((9 x 11) - 2), soit une progression numérique qui utilise les nombres 2 et 11 attribués aux supposées centurie XI et XII. Rien cependant dans ces calculs qui puisse recouper les conclusions cryptographiques exposées dans mes précédents articles. Il est possible que Chavigny se soit trompé dans la numérotation, ne serait-ce que pour un ou deux quatrains.
En revanche, et de manière claire, le Janus rapporte un ensemble de 13 quatrains (soit 2 + 11) dont le quatrain aux 13 F qui totalise 13 + 11 mots dans les deux versions (Galaup et Chavigny), et le coeur du texte s'étend de la page 36 à la page 277, soit sur 242 pages (= 11 x 22). On retrouve curieusement, encore une fois, les nombres du Testament, à savoir 11, 13 et 22 (13 jours entre la rédaction du Testament de celle de son Codicille, 11 pages pour le Testament, 2 pages pour le Codicille, 22 pages vierges intermédiaires ; CN 176).
On peut supposer que Chavigny avait quelques informations sur le cryptage de Nostradamus, mais l'étendue des commentaires sur 242 pages pourrait n'être qu'une coïncidence. En revanche il est quasi certain que Nostradamus, selon sa singulière méthode, a confié, soit en 1566 avant sa mort, soit en 1562 (cf. CN 178), à Antoine de Galaup d'une part et à Jean de Chevigny d'autre part, à chacun une série de quatrains, 11 pour l'un et 13 pour l'autre, avec un quatrain en commun, constitué de 13 mots commençant par F suivis de 11 autres !
239F Vaticination fort ancienne,
interpretée du Treschrestien Henry IIII Roy de France & de Navarre, & conferée avec les oracles & presages de M. Michel de Nostredame
Incipit : "Sire, si vous me faistes ceste faveur de voir et entendre ce mot de prophetie et vaticination"
=> BM Méjanes, Aix: ms. 451(394), ca. Janvier 1595, in-4, 4 + 132 p. (manque la fin de la dédicace à Henri IV), 12 x 17 cm
- Buget, 1860, p.1704-05 et 1861, p.688
- Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, T 16 (Aix), Paris, Plon, 1894, p.232
- Chomarat, 1973, p.18 ; Benazra, 1990, p.137
- Chevignard, 1996b, p.30-33 ; 1995-1996, A/d p.190 ; 1999, p.466
Ce manuscrit est une première version, non expurgée, des deux premiers livres des Pleiades (1603), rédigée en septembre-octobre 1594. L'avertissement adressé à Henry IV en fin de volume (p.129-132) évoque le ciel conflictuel du 23 décembre 1594, thème anniversaire du roi (41 ans) dressé à Pau à 16h47 "apres midy" (i.e. le 24 décembre à 4h47), trois jours avant la tentative d'assassinat du roi par Jean Chastel. D'après d'autres sources, Henry IV serait né le 14 décembre 1553 (Julien), quatre jours avant César de Nostredame, vers 2 heures du matin avec un ascendant à 24° de la Balance (cf. CN 143). Après avoir estimé a posteriori que la révolution solaire n'impliquait pas de sérieux danger, Chavigny s'aventure à prédire que le roi envahira l'Italie en septembre 1595.
"Sire, ayant consideré à part moy les furieuses entreprises, qui dernierement ont esté faites sur Vostre Majesté, j'en ay voulu rechercher la cause celeste. Pour ce ay erigé la figure qui est cy apres, de vostre revolution XLIIe courant, qui est la presente : et l'ayant conferée avec celle de vostre heureuse nativité, j'ay trouvé la Lune retournée au mesme lieu (peu s'en fault) qu'elle tenoit en icelle nativité, sçavoir la VIIe maison du ciel, avec une opposition de Mars, qui est à l'ascendant, lieu de la vie, et un quadrat de Saturne jetté d'en haut. Dont n'ay esté esbahi de tels attentats, telle constellation y consentant pour ceste année : pour ce sera besoin encores vous garder. Combien qu'à mon jugement toutes telles entreprises seront vaines, si aucunes eschoyent, pour ce que ledit Mars estant au signe du Scorpion, sien domicile, vous fortifie, garde et favorise, mesme estant regardé de bon oeil du meilleur des planetes, Jupiter : et rien ne fait le quadrat de Saturne jetté d'en haut, pour ce qu'il se fait en signes de longues ascensions, et a force de trine aspect : joint que ledit Saturne estant retrograde n'a point de vigueur." (cité par Buget, 1861)
Comme dans le Janus (24b, 27c, 32c..., p.52, 54, 56...), on ne peut que constater l'impuissance de Chavigny, mais aussi sa sincérité, dans sa tentative d'interpréter les quatrains de Nostradamus dont beaucoup restent pour lui totalement obscurs : "Car qui pourrait bon Dieu! penetrer telles obscuritez" (cité par Chevignard, "Henri IV et la Bourgogne", 1996b, p.32).
239G Prognostication de l'Advenement à la Couronne de France de tres illustre & tresgenereux Prince Henry de Bourbon Roy de Navarre
Ensemble de la grandeur & prosperité à venir de sa Majesté.
Le tout tiré des Centuries & autres commentaires de M. Michel de Nostradame, jadis Conseiller & Medecin de trois Roys
Par Iean ALMES [sic] de Chavigny Beaunois
Paris, Pierre Sevestre, 1595, in-8, 8 ff.
=> Paris Mazarine: 8° 37254-21 ; Machester UL
- Chomarat, 1989, n.158 p.85 ; Benazra, 1990, p.141 ; Chevignard, 1995-1996, B/d p.192
Contrefaçon de la dernière pièce du Janus, De l'Advenement à la Couronne de France, expurgée de ses passages en latin.
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239H-J Commentaires du Sr de Chavigny Beaunois sur les Centuries et Prognostications de feu M. Michel de Nostradamus
Conseiller & Medecin ordinaire des TresChrestiens Henry II du nom, François II & Charles IX Roys de France
Contenant sommairement les troubles, divisions, partialitez, & guerres civiles, advenuës tant en ce Royaume de France que ailleurs depuis l'an 1534 jusques à presens
Paris, Anthoine du Brueil, 1596, in-8, 80 ff.
=> BNF Paris: Ye 7375 ; BM Lyon ; BM Dijon: Virely I-625 ; Cambridge UL
Paris, Gilles Robinot, 1596, in-8, 80 ff.
=> Paris (Arsenal, Mazarine, Ste Geneviève) ; Aix Arbaud ; BM Lyon ; BM Dijon ; BM Rouen ; BM Strasbourg ; Brown UL: BF.1815.N8.C4
- Catalogues Bigot 1706, Giraud 1707, Baluze 1719, Boissier 1725, Cangé 1733, Bellanger 1740, Estrées 1740, De Rothelin 1746, Larchevesque 1749, Crozat De Tugny 1751, Astruc 1766, Anonyme 1773, Filheul 1779,
La Vallière 1784, Baron 1788, Brunet 1800, Châteaugiron 1827, Commandeur 1842, Rigaud 1874, Rouard 1879
- Papillon, 1742 ; Fournier, 1805, p.81 ; Ravier (Répertoire), 1807 ; Ebert 2, 1830 ; Bareste 1840 ; Buget 1860 ; Brunet 1, 1860 ; Graesse 4, 1863 ; Gautheret-Comboulot, 1886 ; Defrance, 1911 ...
- Chomarat, 1989, n.159 & 160 ; Benazra, 1990, p.142-3 ; Chevignard, 1995-1996, B/e p.192-3
Édition partagée entre deux libraires imprimeurs parisiens : le permis d'imprimer leur est accordé conjointement le 13 janvier 1596 à Paris. Antoine Du Breuil était l'un de ces nombreux libraires et colporteurs opportunistes, multipliant les brochures ligueuses en 1588-1589 puis anti-ligueuses après le couronnement d'Henri IV (Pallier, 1975, p.482). Le texte n'est qu'un abrégé du Janus et ne contient que ses sections 5, 8 et 10, mais dont ont été éliminées les dates marginales de la partie centrale, lesquelles permettaient de repérer aisément à quelle année se rapportait le quatrain.
239K Les Pléiades du S. de Chavigny Beaunois. Divisees en VII Livres
Où en l'explication Des antiques Propheties, conferées avec les Oracles du celebre & celebré Nostra-Damus,
est traicté du renouvellement des siecles, changement des Empires, & avancement du nom Chrestien.
Avec les proüesses, victoires, & couronnes promises à nostre magnanime Prince HENRY IIII, Roy de France & de Navarre.
Dedié à sa Majesté.
Lyon, Pierre Rigaud, 1603, in-8, ca. 42 cahiers, i.e. 1 + 8 + 320 (paginés) + 5 ff.
=> BM Lyon: 343038, Aix Arbaud, Paris (BNF, Arsenal et Ste Geneviève), BMs Avignon, Dijon, Besançon, Dole, Troyes, Beaune, Lille, BL London...
- Catalogues Cangé 1733, Barré 1743, Larchevesque 1749, Anonyme 1773, Perrot 1776, Boulard 1828, Bergeret 1859
- L'Estoile (Journal, ad 1603) ; Papillon 1742 ; Gachet d'Artigny 3 (1750, p.158 sq.), Monfalcon 1856, Brunet 1860, Buget 1860, Gautheret-Comboulot 1886...
- Chomarat 1989, n.164 ; Benazra 1990, p.154-5 ; Chevignard 1995-1996, B/f p.193 (dédicace datée du "15 avril" 1603)
- Frontispice signé Jacobus de Fornazeris (Jacques Fornazeris, fl. 1585-1619)
- Dédicace à Henri IV, datée de Lyon, le 31 mars 1603, qui est une présentation historique sur l'origine des 7 livres (A1r-A4v)
- Index des 7 livres des Pléiades : Electre, Alcyone, Celeno, Maia, Asterope, Taygete et Merope, suivi d'une citation d'Aratus
- Au lecteur : "Pourquoy j'ay appellé ces sept livres de Predictions, du nom de Pleiades, qui sont sept estoilles au ciel" (A5v-A7r)
=> Chavigny déclare avoir vu la constellation dans un rêve dans la IXe maison du ciel (supposée se rapporter aux songes et à la divination), sept ans avant qu'il commence son ouvrage.
- Stances et sonnet de Philippe Laigneau
- Les Pléiades, traduites, commentées et illustrées par "les escrits Nostradamiques" (p.34), quatrains des Prophéties et présages des Almanachs et Pronostications (p.1-639)
=> Citations des Épigrammes de Dorat, de Ronsard et Du Bellay, et "M. de Nostredame, second Heraclite" (p.59) en raison de l'obscurité de ses écrits.
=> Fin de la 7e Pléiade, se terminant par la devise grecque de Chavigny, MELITOESSA Ê EUDIA (cf. CN 134).
- Index des auteurs cités, avis au lecteur, puis attestation, approbation et permission d'imprimer datées de Lyon, le 31 mars 1603
- Privilège royal donné à Paris le 26 mars 1603
Ce texte, dont les deux premiers livres reprennent très partiellement le manuscrit de la Vaticination fort ancienne (1595) adressée à Henry IV, est une sorte de concordance, avant Guynaud (1693), entre des écrits bibliques et textes messianiques anciens, avec ceux de Nostradamus. En fait un quart seulement de la vaticination de Cataldus de "Trente" (pour Tarente) et les quatre cinquièmes de celle attribuée à la Sibylle Tiburtine sont repris du manuscrit. Aussi bien le Janus que les Pléiades auront une influence déterminante, puisqu'en 1611-1612 environ les quatrains du Janus et le "Recueil des Prophéties et Révelations" feront leur apparition dans les éditions troyennes des Prophéties (Chevillot).
A la seconde Pléiade, Chavigny se réfère à l'astrologue bohémien Cyprien Leowitz (1524-1574) et à son Traité des Grandes Conjonctions (De Conjunctionibus magnis insignioribus superiorum planetarum, Solis defectionibus, & Cometis, in quarta Monarchia, paru à Lauingen chez Emanuel Saltzer en 1564 ; cf. DIAL), invoquant un cycle de 800 ans annonçant la grandeur du règne d'Henry IV, à situer huit siècle après celui de Charlemagne, et encore huit siècles après Jésus lui-même : "de huit cens en huit cens ans, peu moins, se font les changemens notables des republiques & monarchies (...) vostre grand ayeul CHARLEMAIGNE, SIRE, se fit couronner Empereur des Romains (...) au bout d'autres huit cens ans (qu'est le temps où nous sommes) se fera une fort grande & non attendue translation de royaumes & principautez à d'autres familles ..." (p.29-30 et 31). Pourtant en 1603, l'astrologue Chavigny n'avait pas lu Kepler qui présentait un cycle zodiacal plus précis encore, de 40 conjonctions Jupiter-Saturne sur environ 794/795 ans (in Prodromus dissertationum cosmographicarum, continens Mysterium cosmographicum, Tubingen, Georgius Gruppenbachius, 1596, p.9). Alors n'aurait-il probablement pas manqué de souligner, à l'apologie prospective du roi français, que 793 ans et deux mois séparent le couronnement de Charlemagne à Rome (25 décembre 800) de celui d'Henry IV à Chartres (27 février 1594).
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239L Discours parenetique sur les choses Turques, divisé en trois livres
Où est proposé, s'il est expedient & utile à la Republique Chrestienne, de prendre les armes par communes forces, & les porter iusqu'en Grece, & Thrace,
contre ce juré & pernicieux ennemi, du nom Chrestien, qui par toutes voyes cerche d'envahir & ruiner la Chrestienté.
Et où par occasion sont inserez quelques Presages sur l'horrible éclipse de Soleil, qu'on a veu dernierement au mois d'Octobre 1605.
Est adjousté un Traicté sur le comete, qui apparut l'an precedent 1604 audit mois d'Octobre.
Le premier livre & second traduits du Latin de B. Georg. Hongrois : le reste colligé & mis à l'avant par I.A.D.C.B.
Lyon, Pierre Rigaud, 1606, in-4, 104 ff. (dont 190 pages paginées), 11 x 17.5 cm
=> Paris Arsenal: 8° S 14357(2), BNF Paris, BM Dijon, BM Besançon
Papillon 1742 ; Brunet 1860 ; Buget 1860 ; Catalogue Sazerac 1881 ; Benazra 1990 p.166 ; Chevignard 1995-1996, B/g p.193-4
Dédicace à Pierre de Fléhard, sieur de Pressins, non datée et signée I. de Chavigny (qui abandonne son surnom)
Discours "De la miserable condition des Chrestiens" du hongrois Bartholomaeus Georgievicz (1506-1566), divisé en 3 livres et traduit en latin par Chavigny qui considère ce texte comme "membre et appentis" (B4v) à ses Pléiades (p.1-95).
Traité du nouveau Commete, qui est apparu le 17 d'Octobre l'an 1604 (p.96-190) ; date interne de rédaction le 30 mai 1605 (p.98)
Le Discours et son traité de la Comète sont parfois joints aux rééditions des Pléiades de 1606 et 1607 (attestation et approbation datées de Lyon, le 9 avril 1606, et permission d'imprimer datée du 7 juillet 1606 dans l'édition 1607 des Pléiades)
La première partie du Discours (en 3 livres) est une adaptation plus qu'une traduction d'un texte de l'officier hongrois Bartholomaeus Georgievicz (Bartol Durdevic puis Georgius Hongarus, selon les signalements successifs farfelus sur Gallica ! mais cf. CN 63), lequel est une exhortation aux forces chrétiennes à s'unir contre le péril turc. Au livre second : une description instructive et imagée des bataillons de l'époque : "le Turc laisse ses vices à la maison, au lieu que le Chrestien les prend à la guerre. (...) Au Chrestien tout luxe bon est, toute provision de gueule exquise, & quelquefois y a plus de putains que de soldats, l'Hongrois est voleur, l'Espagnol aime la proye, l'Allemand boit, le bohemien dort, le Polonnois est oysif, l'Italien paillarde, le François chante, l'Anglois gourmande, & l'Escossois fait le semblable" (p.37).
Chavigny reprend la main au livre III, invoquant la "grande & enorme eclipse de Soleil, qui sera ceste annee 1605 le 12 d'Octobre" (p.76) ainsi décrite par le "Grand Prognostiqueur" : "De celle piteuse eclipse la calamité sera si grieve, si terrible & de grande plainte, que les Rois, Princes & Monarques de la terre devroyent adviser que cecy touche la religion Chrestienne : & que par Infidelles de la loy est menacé quelque cas, tel qu'adviendra es annees 1606, 1607 & 1608", ajoutant que "sont quarante cinq ans ô Monarques souverains, que cela est escrit, & non en vain." (p.77, avec en note marginale "Notez Monarques, notez ceci"). Cependant je n'ai pas retrouvé cet extrait de Nostradamus ni dans l'almanach ou la pronostication pour 1560 (45 ans avant 1605), ni aux Significations de l'Eclipse du 16 Septembre 1559, ni à celles des éclipses de 1567 dans l'Almanach pour la même année, ni ailleurs. L'éclipse sera d'autant plus significative qu'elle succède à la grande conjonction de décembre 1603, comme l'attesterait, selon Himbert de Billy (1601), le quatrain I 16 des Prophéties (p.81-82 ; cf. CN 63).
Le second texte est un traité de Chavigny sur les effets de la comète du 17 octobre 1604 et une défense de la théorie astrologique de l'influence des comètes contre ses détracteurs, se justifiant par la présentation d'une dizaine de comètes récentes, apparues dans un laps de 30 ans, dont celle de février/mars 1556 (cf. Couillard, CN 50, et Ronsard, CN 96) et celle de 1558 annonçant les troubles d'Amboise (p.144 sq.), avec d'innombrables citations à l'appui, pro et contra, parmi les astrologues (Haly, Ptolémée, Manilius, Haly, Pontanus, Cardano, Jerónimo Muñoz, François Liberati, Jean Wainstler...) ou parmi les poètes, érudits ou historiens (Virgile, Érasme, Thomas Erastus, François de La Nouë, Guillaume du Choul, Guillaume du Bartas, Antoine de Baïf...). Y sont également cités le quatrain V.19 (p.106), une partie du quatrain VI.61 (p.149), ainsi que Scaliger "affermant que les Cometes ne sont ni signes ni causes des effects qui les suivent" (p.126).
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239M Les Pléiades du Sieur de Chavigny, Beaunois, divisees en VII Livres
Prises & tirees des anciennes Propheties, & conferées avec les Oracles du tant celebre & renommé M. Michel de Nostradame,
jadis Conseiller & Medecin de trois Rois tres-Chrestiens.
Où est traité du renouvellement des siecles, changement des Empires, & advancement du nom Chrestien.
Ausquelles est adjousté un Commentaire sur la VII Pléiade, extrait des plus signalez Docteurs de la saincte Escriture.
Dedié à la Majesté tres-Chrestienne de Henry IIII, Roy de France & de Navarre. Reveuës, corrigees & augmentees.
Outre plus, en ceste seconde edition, y a esté adjousté le Discours Parenetique sur les choses Turques :
avec les Presages sur l'horrible eclipse du Soleil veuë au mois d'Octobre 1605.
Ensemble un Traicté sur le Comete precedent, apparu au mois d'Octobre l'an 1604.
Lyon, Pierre Rigaud, 1606, in-8, 8 + 313 (paginés) + 3 ff. (sans le Discours parenetique et le Traité de la Comète)
=> BNF Paris, Arsenal Paris, BM Besançon, BM Dôle, BM Toulouse, Ottawa UL: Rare Books BF 1815 C4 A3 1606
CAT Bigot 1706, Papillon 1742 ; CAT Le brun 1743 ("1609" pour 1606 ?) ; CAT Larchevesque 1749, CAT Hemey d'Auberive 1816 ; Buget 1860
Chomarat 1989 n.167 & 168 ; Benazra 1990 p.165 ; Chevignard 1995-1996, B/h p.194
Cette réédition incomplète des Pléiades de 1603 (sans les vers de Laigneau et l'avis final au lecteur) qui a connu deux tirages, est parfois jointe et reliée au "Discours parenetique et au Traité de la Comète" comme indiqué au titre. La date de la dédicace à Henry IV est reportée au 15 avril 1603, et aucune révision ni augmentation n'a été apportée au texte.
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239N Les Pléiades du Sieur de Chavigny, Beaunois, divisees en VII Livres
... Outre plus, en ceste seconde edition [sic] ...
Lyon, Pierre Rigaud, 1607, in-8, 9 + 313 (paginés) + 3 ff.
=> Arsenal Paris: 8° S 14357(1) ; BM Bordeaux ; BM Dijon
Catalogues Boissier 1725, Bellanger 1740, Carolus Major 1767, Camus de Pontcarré 1775, Sazerac 1881, Yemeniz 1867 (vendu 19F)
Papillon 1742 ; Brunet 1860 ; Chomarat 1989 n.170 ; Benazra 1990 p.168 ; Chevignard 1995-1996, B/i p.194
Même texte que l'édition précédente. Attestation, approbation et permission d'imprimer datées de Lyon, les 9 avril et 7 juillet 1606 (et à la fin les mêmes avec reprise des dates de l'édition de 1603).
Diverses courtes pièces, pour la plupart versifiées (en sus des vers annexés aux textes de Nostradamus)
Ce sont pour la plupart de courtes dédicaces versifiées, insérées dans des ouvrages signalés par B. Chevignard dans son article de 1995-96. La plupart avaient été mentionnées par l'abbé Philibert Papillon (chanoine de la chapelle aux Riches à Dijon, né à Dijon le 1er mai 1666 et décédé le 23 février 1738) dans sa Bibliothèque posthume (Dijon, Philippe Marteret, 1742, vol. 1, p.139-141) et reprises dans la Galerie bourguignonne (1858).
- Sizain latin signé Io(annes) Chevignardus Belnensis, in Jean Du Choul (Io. du Choul G. F. Lugdunensi), De varia quercus historia. Accessit Pylati Montis descriptio, Lyon, Guillaume Rouillé, 1555 (cf. Chevignard & Matray, 1998, p.20)
- 11 vers latins signés Ioan(ni) Chevignardi Belnensis, in Claude Dariot, Ad Astrorum judicia facilis Introductio, Lyon, Maurice Roy & Louis Pesnot, 1557 (cf. Chevignard & Matray, 1998, p.24-25)
- Ode de I. de Chevigny B(eaunois) commençant par "L'homme n'est rien que mensonge", in Jean Dedehu, Antithetes de la S. S. Eucharistie et de la Cene des Sectaires modernes, Lyon, Benoist Rigaud, 1570
- 14 vers signés I. de Chevigni Beaunois, in Antoine Du Verdier, Les Omonimes, Satire des moeurs corrompues de ce siecle, Lyon, Antoine Gryphius, 1572
- Distique latin signé I. C. (Jean Chevigny ?), in Philibert Bugnyon, Traité des Loix Abrogees et inusitees en toutes les Cours, terres, juridictions & seigneuries du royaume de France, Lyon, Clément Baudin, 1574
(28 vers latins dans la 7e édition, Lyon, Charles Pesnot, 1578, selon Chevignard 1995-1996, D/n p.196)
- Huitain signé I. de Chevigny B(eaunois), in Philibert Bugnyon, Excellente apologie et defense de Lysias orateur, sur le meurtre d'Eratosthene surpris en adultere, Lyon, Benoist Rigaud, 1576
- 14 vers latins signés Io. Chevignaei Belnen(sis), in Gabriel Chappuys, Commentaires hieroglyphiques ou images des choses de Ian Pierius Valerian, Lyon, Barthelemy Honorat, 1576
- Ode de I. de Chevigny Beaunois (aussi signée par sa devise en grec), commençant par "Qui de ce brave subjet goustera bien l'artifice, Il y verra le projet d'un vertueux edifice", in Le quinziesme livre d'Amadis de Gaule, traduit par Gabriel Chappuys, Lyon, Benoist Rigaud, 1577
- 22 vers à rimes plates signés I. de Chevigny Beaunois (et aussi par sa devise en grec), in Antoine Du Verdier, Les diverses leçons, suivans celles de Pierre Messie, Lyon, Barthelemy Honorat, 1577
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- Huitain latin signé Io. Chevignaei Belnen(sis), in Francesco Giuntini (Junctinus), Commentaria in Sphaeram Ioannis Sacro Bosco, Lyon, Philippus Tinghius, 1577 ; rééd. en 1578
- Sonnet de I. de Chevigny Beaun(ois), in Anton Francesco Doni, Les Mondes, celestes, terrestres et infernaux, traduction Gabriel Chappuis, Lyon, Barthelemy Honorat, 1578
- Trois pièces en français : un sonnet de I. de Chevigny Beaunois à Monseigneur de Mandelot, "Gouverneur & Lieutenant general pour le Roy au gouvernement de Lyonnois" (signé de ses initiales et de sa devise grecque), suivi d'une lettre à G. Paradin, "Doyen en l'Eglise de Beaujeu" (datée de Lyon, le 1er mars 1578), suivie d'une "Table chronologique sur les trois livres de Procope Cesareen" (signée de sa devise grecque), in Procope de Césarée, Histoire de la guerre des Gothz faicte en Italie, contre l'Empereur Iustinian le Grand, traduit par Guillaume Paradin, Lyon, Jean d'Ogerolles pour Benoist Rigaud, 1578
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- Sonnet, Ode et "Tombeau Pyramidal de Claude de Pontoux" construit en rimes pyramidales et commençant par "Ie / veux / Neveux, / à mon doux / DE PONTOUX / dresser vrayment / un monument: / que le temps vieillard, / l'eau, le feu pillard / ne pourront mettre bas, / affranchi du trespas", signés Iean de Chevigny Beaunois (par sa devise grecque à l'Ode), in Les oeuvres de Claude de Pontoux, Lyon, Benoist Rigaud, 1579, p.5-9
- 107 vers latins et grecs en neuf pièces, signés Ioan. Chevignaeum Belnen(sis), in Jacques de Vintimille, Macuti Pomponii Senatoris Divionensis Monumentum, Lyon, Jean Stratius, 1578 ; puis Paris, Fédéric Morel 1580
- Huitain latin (qui est celui des Commentaria de 1577) puis huitain italien signés Ioannis Chevignaei Belnen(sis), in Francesco Giuntini (Junctinus), Speculum Astrologiae, Lyon, Symphorien Beraud pour Filippo Tinghi, 1581, vol. 2
"Ben ch' habbi alpestre & dura la salita,
Come al ciel piace, il mio crudel destino :
Ne viva ancor se non dogliosa vita,
E a ogni miseria io sia sempre vicino :
Pur la mia speme ad hor' ad hor s'aita,
Et son del ben futuro anco indivino :
Certo che'l Fato troverra la via,
Ne molto andra della ventura mia."
- Dizain latin de I. A. CH. B. (Jean Aymé de Chavigny Beaunois), in Cormopède, Almanach des Almanachs le plus certain, pour l'An bissextil 1592, Lyon, Jean Pillehotte, [1592] (cf. CN 199)
- 14 vers latins signés Io. Amati Chavignei Beln(ensis), in André Laurent, Opera anatomica, Lyon, Jean Baptiste Buysson, 1593
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- 16 alexandrins à rimes croisées signés I. A. de Chevigny, in Le Diogene françois tiré du grec, ou Diogene Laertien touchant les Vies, doctrines, & notables propos des plus illustres Philosophes, traduit par François de Fougerolles, Lyon, Jean Antoine Huguetan, 1601 ; puis 1602
- Deux quatrains latins signés Ioannes Amatis Chavigneus beln(ensis), in Guillaume de Lerisse, Methode excellente et fort familiere pour guarir la peste, et se preserver d'icelle, Grenoble, Guillaume Verdier, 1608
La bibliothèque de la Part-Dieu possède un nombre considérable d'ex-libris et ex-dono de Chavigny ou "Domini Chavigny" qui renseignent sur sa "librairie" et ses lectures : parmi lesquelles figurent le Criton de Platon, Le Monde d'Aristote, Isocrate, Galien, Polybe, Aulu-Gelle, Lucien de Samosate, Albohazen Haly, Georgius Agricola, Erastus, Leonhart Fuchs, Luca Gaurico, Simone Porzio, Giglio Giraldi, Onofrio Panvinio, Pierre de La Ramée, Thomas Digges, John Dee, Jacques Lefèvre d'Étaples, Nicolaus Wynmann, Charles Godran, Martin Cromer, Omer Talon... (cf. l'ex-dono au De Ortu et causis subterraneorum de Georgius Agricola (1494-1555), paru à Bâle chez Johann Froben et Nicolaus Episcopius en 1546 (BM Lyon: Rés 131118) et un autre apposé à un Martial parisien de 1554, acquis par la Maison de Nostradamus de Salon à la vente parisienne Beaussant Lefèvre de décembre 2006).
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Integre Quaero Atque Reperio, Grenoble, 3 mars 2020
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Bibliographie
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Accueil CURA
Patrice Guinard: Vie et Oeuvres de Jean Aimé de Chavigny,
antea Jean de Chevigny, secrétaire de Nostradamus (ca. 1533-1609)
http://cura.free.fr/dico4ti/2003chavigny.html
03-03-2020, last updated : 11-05-2020
© 2020 Patrice Guinard