CORPUS NOSTRADAMUS 39 -- par Patrice Guinard
 

Iconographie des éditions Benoist Rigaud, Lyon, 1568
 

Les authentiques éditions Benoist Rigaud de 1568 ont été imprimées à plusieurs reprises, à partir de 1568, et pendant plusieurs années avant le décès de son éditeur (cf.La lettre de Nostradamus à César, CN 33) : c'est pourquoi je précise "dites de 1568", non en référence à de supposés faussaires invisibles, mais parce que l'étude des variantes orthographiques et du matériel iconographique montre clairement qu'il y a eu plusieurs retirages, vraisemblablement tous datés de l'an 1568, qu'on essayera de situer les uns par rapport aux autres. Je m'intéresserai aux marques typographiques et iconographiques de cette édition et de ses retirages, à l'exception des vignettes auxquelles une étude ultérieure sera consacrée.

Au moins quatre éditions sont aujourd'hui accessibles : il s'agit des éditions A, B, C et X (cf. Première étude des éditions Benoist Rigaud de 1568, CN 38). Les différentes marques typographiques (fleurons, bandeaux et lettres ornées) de ces quatre éditions, situées aux mêmes pages, ont été regroupées dans les tableaux qui suivent. J'ai cependant ajouté le fleuron 8 d'après un exemplaire perdu ayant appartenu à l'abbé Rigaux et décrit par Baudrier (édition A de Baudrier, vol. 3 p.257). Une première recherche, partielle et bien loin d'être exhaustive, regroupe certains ouvrages de la seconde moitié du XVIe siècle, tous imprimés à Lyon, dans lesquels on retrouve certaines marques iconographiques des éditions Rigaud de 1568.
 

fleuron 1
éd. A, B, C, X : titre 1
éd. A, C : titre 2
éd. X : cent. 1
fleuron 2
éd. B : titre 2
éd. B : cent. 8
pas de fleuron
éd. X : titre 2

 
fleuron 3
éd. A : fin cent. 7
fleuron 4
éd. B : fin cent. 7

 
fleuron 6
éd. C : fin cent. 7
fleuron 8
éd. perdue (A de Baudrier) : fin cent. 7 et 10

 
pas de fleuron
éd. A : fin cent. 10
éd. X : fin cent. 7, 10
fleuron 5
éd. B : fin cent. 10
fleuron 7
éd. C : fin cent. 10

 
bandeau 1
éd. A : préf. César, cent. 9
bandeau 4
éd. B : préf. César, cent. 8 ; éd. C : cent. 1, 3, 5, 8
bandeau 2
éd. A : cent. 1, 2, 4, 8, 10
bandeau 5
éd. B : cent. 1 ; éd. B : cent. 3, 5 (inversé)
bandeau 3
éd. A : cent. 3, 5, 7, préf. Henry
bandeau 7
éd. B : préf. Henry
bandeau 6
éd. B : cent. 2, 4, 7
bandeau 8 (variante du bandeau 4)
éd. B : cent. 9
bandeau 9
éd. B : cent. 10
bandeau 10
éd. C : préf. César
bandeau 11
éd. C : cent. 2, 4, 7, 9
bandeau 12
éd. C : préf. Henry
pas de bandeau
éds. A, B & C : cent. 6 ; éd. X : préf. Henry
bandeau 13
éd. C : cent. 10
bandeau 14
éd. X : préf. César, cent. 1
bandeau 15
éd. X : cent. 2, 6
bandeau 16
éd. X : cent. 3, 7
bandeau 17
éd. X : cent. 4
bandeau 18
éd. X : cent. 5
bandeau 19
éd. X : cent. 8, 9 (inversé), 10

 
lettrine V1 noir
éd. A : cent. 2
lettrine A1 noir
éd. A : cent. 3, 5, 6, 10
lettrine L1 noir
éd. A : cent. 7
lettrine D1 noir
éds. A & B : cent. 9

 
lettrine V2 noir
éd. B : cent. 2
lettrine A2 noir
éd. B : cent. 3, 5, 6
lettrine C1 noir
éd. B : cent. 4
lettrine L2 noir
éd. B : cent. 7

 
lettrine P1 noir
éd. B : préf. Henry
lettrine P2 noir
éd. B : cent. 8
lettrine A3 noir
éd. B : cent. 10
lettrine E1 noir
éd. C : cent. 1

 
lettrine V3 noir
éd. C : cent. 2
lettrine A4 noir
éd. C : cent. 3, 5, 6, 10
lettrine C2 noir
éd. C : cent. 4
lettrine L3 noir
éd. C : cent. 7

 
lettrine T1
éd. A : préf. César
lettrine C1
éd. A : cent. 4
lettrine P1
éd. A : préf. Henry
lettrine P2
éd. A : cent. 8

 
lettrine T2
éds. B & C : César
lettrine E1
éds. A & B : cent. 1
lettrine P3
éd. C : Henry, cent. 8
lettrine D1
éd. C : cent. 9

 
lettrine Tx
éd. X : préf. César
lettrine Ex
éd. X : cent. 1
lettrine Vx
éd. X : cent. 2
lettrine A1x
éd. X : cent. 3, 5
lettrine Cx
éd. X : cent. 4
lettrine A2x
éd. X : cent. 6

 
lettrine Lx
éd. X : cent. 7
lettrine P1x
éd. X : préf. Henry
lettrine P2x
éd. X : cent. 8
lettrine Dx
éd. X : cent. 9
lettrine A3x
éd. X : cent. 10

 

Les motifs des éléments typographiques

Fleurons et bandeaux sont composés d'éléments typographiques en nombre limité. Ainsi le fleuron 4 est composé de 16 éléments mais seulement de 2 motifs, obtenus par rotation ou par retournement, à savoir un motif admettant un axe de symétrie (éléments centraux et extrêmes) et un motif asymétrique (éléments intermédiaires).
 

 
les 16 éléments du fleuron 4
 
les mêmes éléments dans le désordre

 

Le fleuron 8 est composé des mêmes éléments, différemment disposés, et le fleuron 3 diffère du fleuron 4 par une simple rotation de l'élément au coin nord-est. Le fleuron 6 est composé d'un motif supplémentaire que l'on retrouve, seul, dans le fleuron 5. Enfin le fleuron 7 est également composé d'un motif unique, quatre fois répété. Il en va de même des bandeaux, composés d'éléments raccordés et dont le nombre varie en fonction de la dimension de la page.
 
 

A la recherche des marques typographiques "Rigaud"

Benoist Rigaud sous-traitait. Associé à Jean Saugrain entre 1555 et 1558, ses publications ont été imprimées par des confrères : Jaques Faure (en 1556-1558), Jean Pullon de Trin (en 1559), Hugues Barbou (en 1561), Antoine du Rosne (en 1562), Ambroise du Rosne (en 1563-1566), Macé Bonhomme (en 1568), Françoys Durelle (entre 1570 et 1573, et encore en 1577), Benoist Rondette (en 1572), Jean d'Ogerolles (en 1558, et entre 1575 et 1578), Pierre Roussin (en 1572-1573), Jean Joly et Guichard Jelayron, Pierre Chastaing dit le Dauphin, etc. -- en s'en tenant aux seules observations de Baudrier dans sa Bibliographie lyonnaise pour la période 1555-1580. Aussi l'enquête chronologique à partir des marques typographiques s'avère-t-elle très délicate. Baudrier pense que les éditions Benoist Rigaud de 1568 auraient été imprimées par Pierre Roussin, mais les exemplaires qu'il décrit ne correspondent pas à ceux qui sont aujourd'hui accessibles (cf. CURA, CORPUS NOSTRADAMUS 38). Gérard Morisse, spécialiste de l'impression lyonnaise au XVIe siècle, m'indique dans un courrier privé, que l'imprimeur pourrait être Jean d'Ogerolles, lequel signait toutefois explicitement tous les ouvrages imprimés pour Rigaud pendant la période 1575-1578.

signature Benoist Rigaud, in Baudrier, vol. 3
 

En outre, Rigaud, décidément problématique, n'hésite pas en 1567, avant même sa publication des Prophéties, à éditer des traités douteux, recensés par Brunet : une Pronostication annuelle et perpétuelle, composée et pratiquée par les expers Anciens et modernes Astrologues ... approuvée par maistre Michel Nostradamus, et un Vray Pronosticq' fait par le Maistre, disciple de Nostradamus. En 1573, il publie encore des auteurs hostiles à Nostradamus, Couillard et Saconay, une Esjouissance contenant Epistre signée G. de Nyverd, un imprimeur d'éditions piratées de traités de Nostradamus, des opuscules d'Antoine Crespin en 1573 et 1574 et de Nostradamus le Jeune en 1578, et encore des rééditions de traités de Couillard en 1577 et 1578.

Les fleurons 1 et 2 sont très communs. Ceux des fleurons 3, 4, 5 et 6 se retrouvent dans deux ouvrages de Guillaume Rouillé : les Figure de la Biblia de Gabriel Simeoni, 1577 (fleuron 4, f.P5r, fleuron 6, f.I3r), et les Promptarii iconum insigniorum, 1578 (fleuron proche du fleuron 3, f.C4r, fleuron 6, ff.C8r et L5r, fleuron 5, f.E1v), et, dix ans plus tard, au titre de deux ouvrages imprimés par Pierre Roussin pour Benoist Rigaud en 1588, la Harangue de Monsieur le Prevost des Marchans President pour le tiers Estat de Michel Marteau, et le Remerciement faict au nom de la Noblesse de France de Claude Bauffremont, baron de Senecey, et pour le fleuron 5, au feuillet A3v du 2e livre de La plaisante et delectable histoire de Gerileon d'Angleterre d'Estienne de Maisonneufve (Benoist Rigaud, 1589). On retrouve encore le fleuron 6 aux Janus François et Gallicus de Chavigny (Lyon, héritiers de Pierre Roussin, 1594, f.Qq4v). La partie centrale des fleurons 3, 4, 7 et 8 (un quart de la surface du fleuron) figure à la fin des livres 4, 8 et 10, et au début des livres 6 et 7 de La vraye et entiere histoire des troubles et guerres civiles, advenues de nostre temps, pour le faict de la Religion de Jean Le Frère (5e edition, Paris, Jean Hulpeau, 1573). On retrouve encore le fleuron 4 dans les Opera anatomica d'André Laurent (Lyon, pour et "aux dépens de" Jean Baptiste Buysson, 1593) à la fin des livres II, III et V (pp. 446, 592 et 840). Seul le fleuron 3, très particulier car asymétrique, ne figure dans aucun de ces textes : il symboliserait un dispositif classique de la Tétrade (constituée de trois pôles plus un), et renverrait aux quatre éditions de "1568" (?)
 
 

Rouillé 1577, Figure de la Biblia
Rouillé 1577, fleuron 6
Rouillé 1577, fleuron 4

 
Rouillé 1578, Fleuron proche du fleuron 3
Rouillé 1578, fleuron 6
Rouillé 1578, fleuron 5

Les fleurons 6 et 8 (respectivement les nn. 4 et 6 de Baudrier, 1895, p.275) apparaissent aussi dans les ouvrages du libraire Jean Pillehotte, qu'il donne à imprimer à partir des années 80. Un fleuron proche du numéro 8 figure à la page 368 de l' Almanacco perpetuo de Rutilio Benincasa (Ancona, Beltrano, 1653) dont la première édition serait parue à Naples en 1582.
 

 

Le fleuron 7 est très commun, et apparemment partagé. Je l'ai trouvé dans des ouvrages de Benoist Rigaud dès le début des années 1570, et chez d'autres imprimeurs lyonnais :

Rigaud, 1571, fleurons 2 et 7
Rigaud, Derniers advis, 1573, fleuron 7
Rigaud, Discours, 1573, fleuron 7

 

Les motifs du bandeau de la série (1-2-3-6-9-11-14-16-18) ont été repérés à partir de 1558 chez Jean de Tournes :

Tournes, Recueil, 1559, bandeau et fleuron 1, p.428

Puis chez Benoist Rigaud et d'autres :

Rigaud, Lettres du Roy, 1568, bandeau
Rigaud, Histoire merveilleuse, 1569, bandeau
Roussin, Il cavalerizzo, 1573, bandeau

 

Le même motif, en une ou trois lignes, et non plus deux ou quatre (cf. les bandeaux 15 et 17 de l'édition X), se trouve dans les ouvrages suivants :

Bonhomme, Picta poesis, 1564, bandeau

Motif des bandeaux 4 et 8

Motif du bandeau 5 (aussi à Paris chez Charles Roger, un imprimeur parisien des Prophéties : Jean Papon, Recueil d'arrests notables des cours souveraines de France, 1596, 8e éd., ff. A4r, et MMMM4r = p.1310)

Motif du bandeau 7

Motif des bandeaux 12 et 19 (très communs)

Mêmes bandeaux dans des publications parisiennes :

Motif du bandeau 13

Rouillé, Promptarii, 1578, bandeau
Rigaud-Roussin, 1587, bandeau, p.9
Rigaud-Roussin, 1587, bandeau, f.A1r

 

La lettrine Tx est imprimée dans des ouvrages de Rouillé des années 1550, et des lettrines, apparemment de la même série, se trouvent dans d'autres ouvrages Rouillé, ainsi que dans un ouvrage édité par Benoist Rigaud en 1569 :

Rouillé, 1551, lettrine Tx
Rouillé, 1555, lettrine Tx

 

La lettrine A1x apparaît dans trois ouvrages imprimés par Guillaume Rouillé en 1561 :

Les lettrines P3 et L3n de l'édition C des Prophéties semblent appartenir à Benoist Rigaud et Pierre Roussin :

Rigaud, 1573, lettrine P3
Roussin, 1577, lettrine L3n

Dans la traduction française des commentaires latins de l'italien Pietro Andrea Mattioli sur la flore de Dioscoride (Commentaires de M. Pierre André Matthiole medecin Senois, sur les six livres de Ped.[acius] Dioscoride Anazarbeen de la matiere medecinale), parue chez Guillaume Rouillé en 1572, apparaissent le fleuron 2 (f. LL6r) et les lettrines suivantes:

Cette impression est particulièrement intéressante puisque les lettrines mentionnées appartiennent aux éditions A, B et X.

J'ai également repéré une multitude de lettrines noires, proches de la série (V1 à L3), mais plus grandes : en effet il ne faut pas oublier que les éditions des Prophéties sont de dimensions réduites (in-16 pour les authentiques éditions Rigaud de 1568) et donc que les lettres ornées leur sont proportionnelles, ce qui explique leur relative rareté.

Ajoutons, dans le Recueil de plusieurs secrets tresexcellens et admirables, Rigaud, 1568 :
- lettrine P1x (f.I5r)
- lettrine P2x (f.F5v)
- lettrine N appartenant à la même série que Dx (f.A1v)

Dans L'histoire de Primaleon de Grece continuant celle de Palmerin d'Olive, Rigaud, 1580 :
- lettrine C1, ff. a3r et K1v
- lettrine P2, ff. i6v, l6v, t6r, Q6v, et cC2r

Dans Les joyeuses aventures et nouvelles recreations, Rigaud, 1582 :
- lettrine Tx, f.A2r
- lettrine A1x, f.A5r

Dans Le quatriesme livre de Primaleon de Grece, filz de Palmerin d'Olive, Rigaud, 1583 :
- lettrine P3, f.A5r
- lettrine D1, f.C1v
- lettrine E1, f.G3v

Dans La plaisante et delectable histoire de Gerileon d'Angleterre, d'Estienne de Maisonneufve,  Rigaud, 1589 :
- lettrine C2n (f.B1r du 1er livre)
- lettrine L2n (ff. L7r et S1r du 2e livre)
- lettrine C1 (f.N8v du 2e livre)

Dans le Discours de la religion des anciens Romains, de Guillaume du Choul, Guillaume Rouillé, édition de 1567 :
- lettrine P proche de P1 (f.A1v)

Enfin dans l'ouvrage de Jean de Marconville, De l'heur et malheur de mariage, Rigaud, 1573 :
- lettrines proches de A3x
 

Tableau provisoire des lettrines retrouvées dans les quatre éditions Rigaud "1568"

éd. X A2x Tx Ex Vx A1x Cx Lx P1x P2x Dx A3x
éd. A V1n A1n L1n D1n T1 C1 P1 P2 E1
éd. B V2n A2n C1n D1n L2n P1n P2n A3n E1 T2
éd. C E1n V3n A4n C2n L3n P3 D1 T2

 

Conclusions revues le 13 avril 2007

Par rapport à mes précédents recensements (30 nov. 2006 et 21 janv. 2007), j'ai considérablement augmenté le nombre de fleurons, bandeaux et lettres ornées, principalement repérés dans l'édition lyonnaise entre 1560 et 1590 environ, grâce notamment aux documents disponibles sur le site Gallica. Tous les fleurons et les motifs de bandeaux (même celui du bandeau 5, peu usuel et utilisé par Pierre Chastain, et par Pierre et Jacques Roussin, selon Baudrier : cf. vol. 6, 1904, p.15), et de nombreuses lettrines, surtout celles de l'édition X des Prophéties, ont désormais été retrouvés. Reste plus d'une moitié des lettrines qui ont pour l'heure échappé à mon investigation. La production de Benoist Rigaud est considérable, et ses relations avec de nombreux confrères et imprimeurs lyonnais sont complexes et mal connues. Dès 1563 et peut-être avant (cf. la Briefve description de l'esjouissance de la reduction du Havre, et la Response faicte par le Roy, et son Conseil, aux Presidens & Conseilliers de sa Cour de Parlement de Paris), Rigaud a confié ses ouvrages aux presses d'Ambroise du Rosne, le frère d'Antoine, éventuel imprimeur de l'édition des Prophéties de 1558.

Les éditions A, B et C sont très proches, comme le montre une sommaire comparaison des marques typographiques : fleurons similaires à la fin du premier livre (contrairement à l'édition X qui n'en possède pas), pas de bandeau au début de la centurie VI, des lettrines noires très proches (absentes de l'édition X), deux lettrines communes aux éditions A et B, et une lettrine commune aux éditions B et C. L'édition X serait la plus ancienne (vignette au titre non fracturée), et les éditions A, B et C des retirages plus tardifs. Seule l'étude des variantes dans le texte permettra de trancher la question (cf. CN 40, Chronologie des éditions Benoist Rigaud de 1568).

Concernant le ou les imprimeurs des éditions "Rigaud 1568", les précédents repérages permettent d'envisager trois candidats : les trois R, à savoir ROVILLE, RIGAUD et ROUSSIN. L'ensemble des lettrines retrouvées l'ont été chez les deux libraires lyonnais, Guillaume Rouillé (surtout pour les lettrines de l'édition X) et Benoist Rigaud, et chez Pierre Roussin, imprimeur pour Rigaud. Guillaume Rouillé n'avait pas de presse, mais mettait à la disposition de ses imprimeurs, des alphabets, vignettes et bandeaux qu'il faisait graver pour ses ouvrages (Baudrier 9, 1912, pp.24-25). Mais il n'est pas exclu qu'il y ait eu deux imprimeurs successifs pour ces éditions : d'autres imprimeurs sont pressentis, en particulier Jean d'Ogerolles et Françoys Durelle.
 
 

Addenda du 1er juin 2008 : François Durelle, imprimeur des éditions Rigaud datées de 1568

Je reprends cet addenda avec les compléments de l'ex-CN 114 (paru le 01/11/2009) désormais intégré à cette page (mi-mars 2018).

Les cinq éditions Benoist Rigaud datées de 1568 auraient été imprimées par François Durelle, successivement vers 1568 (X), 1570 (A), 1571 (A'), 1572 (B) et 1574 (C). Vingtrinier cite bien des "Prophéties de Nostradamus" pour 1568 et 1572, mais sa mention provient d'une confusion de Monfalcon (Aimé Vingtrinier, Histoire de l'imprimerie à Lyon de l'origine jusqu'à nos jours, Lyon, Adrien Storck, 1894, p.243 ; Jean-Baptiste Monfalcon, Manuel du bibliophile et de l'archéologue lyonnais, Paris, Adolphe Delahaye, 1857). François Durelle, imprimeur pour Rigaud en 1572 de l'Excellent et tresutil opuscule (cf. CN 09), serait bien aussi celui des premières éditions Rigaud datées de 1568.

En effet dans une compilation d'extraits de l'Eclipsium omnium de Leovitius (1556), ayant appartenu à Daniel Ruzo et récemment acquise par la Maison Nostradamus de Salon, les Predictions pour trantesept ans, des choses plus memorables, qui sont à advenir depuis l'an mil cinq cens soixante & dix, jusques à l'an mil six cens sept (Lyon, Benoist Rigaud, 1570, in-16, 112 pp. ; cf. CN 133), figurent les vignettes A et C des deux livres de Prophéties de l'édition X : la vignette A au titre de l'ouvrage, et la vignette C au verso du dernier feuillet (f.G8 p.113), accompagnée de la mention "imprimé à Lyon par Françoys Durelle 1570". La vignette A a une brisure au coin nord-ouest, contrairement à l'édition X que j'ai datée de 1568, mais comme dans les éditions A, A', B et C datées des années 70 (cf. CN 38).




Le texte de Leowitz, dédié au cardinal de Lorraine Charles de Guise (1525-1574), est suivi des Presages pour quatorze ans de M. de [sic] Nostradamus le Ieune (f.E2v, p.68), une réédition d'une édition rouennaise, dédiée au duc d'Alençon. Le texte annexé de cet imposteur n'est pas signalé dans le catalogue de la vente Ruzo d'avril 2007 (Catalogue Swann, n.93), ni dans le catalogue des acquisitions de la Maison de Nostradamus (inventaire établi le 28 juin 2007), ni même hélas dans le second inventaire établi en 2010 par le bibliothécaire lyonnais Jean-Paul Laroche (Catalogue des Imprimés du Fonds Ancien du Musée La Maison de Nostradamus, Salon-de-Provence, doc. 050), qui par ailleurs ignore totalement le Corpus Nostradamus et ne connaît que Chomarat et les catalogages et indexations lyonnaises. J'avais pourtant signalé l'existence de ce texte important à Mmes Ottonelli et Allemand lors de mon passage à Salon en mai 2008. Il semblerait qu'à Salon l'information ne passe pas ou ne veuille pas passer.

Ce texte est important, non seulement pour l'identification présente, mais aussi pour celle de l'auteur de la remontrance contre les imposteurs et prétendus disciples de Nostradamus qui "s'abusent grandement de cuider donner bruit & reputation à leurs ineptes escrits, pour faussement s'advouer estre ou voisins ou parens ou serviteurs de Nostradamus", lequel n'est autre que Benoist Rigaud (ff. G1r-G8r, cf. CN 92). Ainsi l'éditeur de la lettre de Nostradamus à la reine Catherine de Médicis (CN 174), parue du vivant de son auteur, est devenu l'éditeur autorisé des éditions complètes des Prophéties, suite à un accord passé avec Ambroise du Rosne dont le frère Antoine fut le seul éditeur des deux livres des Prophéties du vivant de Nostradamus. Ce probable arrangement éditorial, dont on ne peut que supposer l'existence, fut conclu entre 1566 (année de la mort de Nostradamus) et 1568 (année de la première édition complète du texte) -- ce qui explique le décalage d'environ deux années entre le décès et l'impression. Fier de cet héritage, Rigaud serait aussi le premier en date à condamner la production florissante des exploiteurs et usurpateurs des oeuvres et du surnom du médecin astrophile provençal.

François Durelle (c.1535- ap.1603), "élu neuf fois syndic des imprimeurs de Lyon pour les années 1568, 1569, 1579, 1581, 1582, 1589 et 1596" (selon Baudrier 10, p.318), n'apposait que rarement sa signature à la fin des ouvrages qu'il imprimait. Un acte notarial le désigne comme imprimeur dès 1558. Benoist Rigaud est témoin, le 31 décembre 1564, de son second mariage avec Vincende Giraude, et aussi de son troisième le 15 juin 1578. Baudrier (10, p.324-326) a recensé une quinzaine d'ouvrages signés, tous imprimés pour Benoist Rigaud, entre 1570 et 1577, parmi lesquels figurent :

J'ajouterai, non recensée par Baudrier, La division du monde, contenant la declaration des provinces & regions d'Asie, Europe, & Afrique (1572), dont il existe un exemplaire à la bibliothèque de Pérouse. Dans l'édition Cotier du Thresor des livres d'Amadis de Gaule, figure (aux feuillets A3r, R1r et Aa8v) le fleuron "3" de la première édition Antoine du Rosne des Prophéties (1557, pages 46 et 80, unicum d'Utrecht).



On remarquera aussi, dans le même ouvrage, aussi intitulé le Recueil des Harengues, Concions, Epistres, Complaintes, & autres choses les plus excellentes de tous les livres d'Amadis de Gaule, l'existence de prophéties "animalières", parfois corrélées aux configurations astrologiques : "Grande contention se levera entre la grand' Couleuvre & le fort Lyon", "Quand l'ours marin sailly de la forest Russiane, foudroyera les campagnes Gregeoises", etc, "Que je voy le Dieu Mars en son opposition avec Saturne y escrimant d'une espee sanglante contre l'orient" ... (cf. livre 2, pp.50-52 ; livre 13, pp.502-506).
 
 
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Patrice Guinard: Iconographie des éditions Benoist Rigaud, Lyon, 1568
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30-11-2006 ; last updated 03-03-2020
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