CORPUS NOSTRADAMUS 112 -- par Patrice Guinard

Le monde s'approche de bouleversements majeurs (2065/66) avant l'anaragonique révolution de 2242/43
 

"Nous vivons à chaque instant comme si nous étions immortels, comme si nous était dû un surplus de temps, infini, pour faire et vivre ce que nous désirons. Cette vanité n'est pas seulement propre aux individus : elle est aussi la marque de notre inconscient collectif. La civilisation moderne se construit elle-même à travers l'idée qu'elle aura toujours le temps. J'ai rêvé que je volais, traversant l'océan, quand je fus saisi par un bourdonnement envahissant. Je me retrouve quelque part en Afrique, la nuit, sous des éclairages de fortune. Chacun y est au service de tous, dans la limite de ses envies, et il n'y a ni progrès, ni compétition, mais un projet commun de convivialité. On me comprend, car on a abandonné depuis longtemps le principe des langues dites vocaliques qui posaient, me dit-on, des problèmes de compréhension. On me montre des cartes géographiques : de vastes territoires régionaux et délocalisés ont remplacé les pays, l'un ayant pour capitale Ost ou Aile de Nostradamus près de l'ancienne Montpellier et couvrant la quasi-totalité de la France actuelle. Nous sommes en l'an 70, à partir d'une origine inconnue que mes interlocuteurs occultent en souriant et de manière entendue. Tout a été abandonné et oublié, d'un temps de souffrance dont on n'a rien conservé."
 

Dans la première préface à ses Prophéties, Nostradamus déclare que "le monde s'approche d'une anaragonique révolution", i.e. d'un renouveau, ou d'un nouvel âge d'or, comme il l'entend par le néologisme formé à partir des termes grecs agôn (compétition) et anarrêxis (rupture, renversement) ou anarrêo (refluer). Ce retour de sociétés sans compétition est le rêve de Nostradamus.

Le renouveau est dit saturnien, car il correspond à la première phase du cycle de 354 ans et 4 mois exposé dans le Liber rationum attribué à l'astrologue juif espagnol Ibn Ezra, et repris par Trithemius, Pierre Turrel et Richard Roussat. Le cycle lui-même, généralement ignoré des astrologues, est de nature luno-saturnienne ou saturno-lunaire, car il est à la fois symboliquement lunaire (la période de 354,33 jours vaut 12 mois lunaires) et astronomiquement saturnien (la période de 354 ans vaut environ 12 cycles saturniens de 29,5 ans).

Le renouveau de l'an 2242 correspond à l'achèvement de 21 de ces cycles trithémiens de 354 ans 4 mois (soit trois grands cycles planétaires), soit encore 7441 ans moins les 5199 ans séparant la date de la Création de l'avènement du Christ d'après Eusèbe. Il est à mettre en parallèle avec la période séparant la Création du Déluge dans la version grecque de la Bible dite des Septante (cf. CN 33, 26). La cyclologie prospective nostradamienne reproduit la chronologie biblique, comme les personnages du futur prospecté reproduisent ceux de l'histoire romaine. L'auteur des Prophéties érige une chronologie "parallèle", comme Plutarque, l'un de ses modèles les plus chers, avait construit les Vies parallèles. Et ces similitudes s'inscrivent aussi dans le Retour (cf. Nietzsche ... et Castaneda en route vers Ixtlan).

L'âge d'or saturnien est encore impliqué dans la première chronologie de la seconde préface, qui totalise 4757 ou 4758 ans, depuis "le premier homme Adam" jusqu'à Jésus Christ : 1242 + 1080 + 515 (ou 516) + 570 + 1350 ans : "le premier homme Adam fut devant Noë environ mille deux cens quarante deux ans, ne computant les temps par la supputation des gentilz, comme a mis par escript Varron : mais tant seulement selon les sacrees escriptures, & selon la foiblesse de mon esprit, en mes calculations astronomiques : Apres Noë de luy & de l'universel deluge vint Abraham environ mille huictante ans, lequel a esté souverain astrologue, selon aucuns, il inventa premier les lettres caldeiques, apres vint Moyse environ cinq cens quinze ou seize ans, & entre le temps de David à Moyse ont esté cinq cens septante ans, là environ. Puis apres entre le temps de David & le temps de nostre sauveur, & redempteur Iesus Christ, nay de l'unique vierge, ont esté selon aucuns Cronographes mille trois cens cinquante ans, pourra objecter quelcun ceste supputation n'estre veritable, pource qu'elle differe à celle de Eusebe." (Préf. Henry, éd. Rigaud X, 1568, p.7).

Or ces 4757 ou 4758 nécessitent précisément 2243 ou 2242 ans pour combler le fameux septième millénaire : "au septiesme nombre de mille qui paracheve le tout" (Préf. César 35, CN 33), "jusques à l'advenement qui sera apres au commencement du septiesme millenaire profondement supputé" (Préf. Henry, éd. Rigaud X, 1568, p.5), etc. L'une des fonctions de la première chronologie serait de justifier l'achèvement du septième millénaire et le début du nouveau cycle : 7000 (7e millénaire) − 4758 (création) = 2242 (fin des Prophéties, nouveau cycle saturnien) = 3797 (date codée de la préface à César) − 1555 (début des Prophéties et date de la première édition).

L'équation majeure, 7000 − 4758 = 2242 = 3797 − 1555, a été entrevue par J-C de Fontbrune, lequel (restant prisonnier d'une date de la création en 5000 BC) note la différence de 2242 ans entre 3797 et 1555, laquelle différence, ajoutée aux 4757 ans de la chronologie biblique, conduit à la date de 6999, soit 1999 de l'ère chrétienne, "point de départ des guerres de l'Antéchrist" (Fontbrune, 1980, p.27). E. Muraise (la même année) avait compris que la date de 2242 (2240 dans son calcul) indiquait le terme des Prophéties : "une fin de la prophétie, soit 3797 ans après la naissance du Christ, soit de 3797 - 1557 = 2240" (Muraise, 1980, p.94).
 

Le renouveau de l'an 2242 sera précédé d'une période de troubles à partir de 2065-2066 environ : plus précisément et suite à ma lecture de ces lignes de la préface, jusqu'alors incomprises : "de present que ceci j'escriptz" [i.e. 2242] "avant cent & septante sept ans troys moys unze jours" [i.e. 2065], "par pestilence, longue famine, & guerres, & plus par les inundations le monde entre cy [i.e. 2065] & ce terme prefix [i.e. 2242] avant & apres par plusieurs foys, sera si diminué, & si peu de monde sera ..." (Préf. César 34, CN 33).

Le quatrain I 48 confirme cette lecture, mais aussi le quatrain III 94 : c'est au moment des bouleversements, soit 500 ans après le décès du prophète que son oeuvre commencera à être prise en compte, c'est-à-dire en 2066. (cf. Préf. César 33-34, CN 33).

Les propos de Nostradamus se résument par une série de six équations très simples :

→ 21 cycles trithémiens de 354 ans 4 mois (ou 3 grands cycles planétaires) = 7441 ans = 5199 (date de la Création selon Eusèbe) + 2242
→ De la Création au Déluge = 2242 ans (aussi égaux à la durée de la période historique "christique" jusqu'au renouveau saturnien)
→ 3797 (date symbolique de la fin des Prophéties) = 1555 (date de la première édition) + 2242 (date de l'anaragonique révolution)
→ 7000 = 4758 ou 4757 (temps hypothétique écoulé avant JC) + 2242 ou 2243 (temps historique avant le renouveau)
→ 2242 ou 2243 (date de l'anaragonique révolution) = 2065 ou 2066 (date des bouleversements) + 177 ans (demi-cycle trithémien)
→ 1566 (date de la mort de Nostradamus) + 500 (quatrain III 94) = 2066 (date des bouleversements)
 

Stipulé autrement, et pour souligner la convergence des dispositifs sur l'année du renouveau saturnien (entre guillemets les dates et périodes évidemment symboliques) :

2242 = "230" + "205" + "190" + "170" + "165" + "162" + "165" + "167" + "188" + "600" (de la naissance d'Adam jusqu'au Déluge selon la version des Septante)
2242 = 7441 (3 grands cycles planétaires) - "5199" (date de la Création selon Eusèbe)
2242 = "3797" (fin des Prophéties) - 1555 (première édition des Prophéties)
2242 = 7000 (sept millénaires) - "4758" (temps écoulé avant JC selon la première chronologie de la lettre à Henry)
"2242" (2243) = 1566 (mort de Nostradamus) + 500 (quatrain III 94) + 177 (durée de l'ultime période avant le renouveau)

Autrement dit, Nostradamus affirme que cinq siècles après sa mort (c'est-à-dire en l'an 2066), l'on tiendra compte enfin de ses écrits, "plus compte l'on tiendra celuy qu'estoit l'ornement de son temps", car la réalité de ses prophéties sera devenue évidente pour tous, en raison de la visibilité des bouleversements annoncés (cf. mon explication de "La lettre de Nostradamus à César" publiée au CURA le 20 septembre 2006, et dans une version abrégée dans la revue Atlantis).
 

L'inspiration virgilienne : Rediet Saturnia Regna

"Le regne de Saturne sera de retour" écrit Nostradamus, le protégé moderne d'Apollon, en rappelant la quatrième églogue de Virgile, comme Nerval l'affirmera dans le sonnet Delfica de ses Chimères : "... Le temps va ramener l'ordre des anciens jours ..." -- et avant eux Roussat ("apres le Souleil, debvroit aussi regner, pour la quatrieme foys, Saturne, si ce pendant le Monde ne se terminoit ou prenoit sa fin" : 1550, p.95) et Turrel ("De rechief pour la quatriesme foys regnera Saturne, si le monde ne prent sa fin & sa derriere [sic] Periode" : 1531, f.e2r).
 
Ultima Cumaei venit jam carminis aetas
Magnus ab integro saeclorum nascitur ordo.
Iam redit et Virgo, redeunt Saturnia regna,
Jam nova progenies caelo demittitur alto.
Tu modo nascenti puero, quo ferrea primum
Desinet ac toto surget gens aurea mundo,
Casta fave Lucina : tuus jam regnat Apollo.

Voici venu le dernier âge de la Cuméenne prédiction
Voici que ressuscite le grand ordre des siècles.
Déjà revient aussi la Vierge, revient le règne de Saturne,
Déjà une nouvelle race descend du haut des cieux.
Cet enfant dont la naissance va clore l'âge de fer
Et ramener l'âge d'or dans le monde entier,
Protège-le, chaste Lucine : déjà règne ton cher Apollon.

Aucun interprète de la Préface n'a flairé l'allusion à Virgile (Bucoliques 4.4-10, trad. Maurice Rat rev., Garnier, 1967, p.53) ; il est vrai que le retour de la Vierge n'est pas mentionné : mais pourquoi le visionnaire multiplierait-il les indices pour ceux qui ne savent lire ? ... Pourquoi jetterait-il ses margaritae en pâture aux porci ac canes, voire à quelques simii et trolli pillant mes propos en les déversant et dégradant sur forums, blogs et tweets internet ?

Le passage était pourtant cité par Turrel (ff. E1v et E2v) et par Roussat qui le recopie en 1550 (pp. 94 et 97). Le règne de Saturne, le troisième d'après la théorie des cycles de 354 ans énoncée dans le Liber rationum attribué à Ibn Ezra, s'étend selon Turrel entre 240 BC et 115 AD, période christique et virgilienne. C'est en réalité le 18 mars 238 BC que se forme un grand triangle à 7° des signes de Terre, entre Saturne en Taureau, Jupiter en Vierge en conjonction avec la Lune, et Mars en Capricorne. Il est improbable que Virgile ou sa source aient connu et appliqué une telle théorie.

On a prétendu que Nostradamus aurait été un piètre technicien de l'astrologie, et les plus pitoyables parmi ces ressasseurs s'en contentent (mais cf. CN 52), nonobstant le fait qu'il savait au moins utiliser les meilleures éphémérides de son temps, voire les extrapoler, car le retour conjoint de la Vierge et de Saturne aura bien lieu aux années indiquées, à savoir plus exactement le dimanche 22 août 2066 et le mercredi 5 octobre 2242 d'après les données modernes.

Le 22 août 2066, date des bouleversements physiques planétaires qui pourraient résulter d'un effondrement du système technologique actuel, Saturne est conjoint au Soleil qui entre en Vierge, et à Mars, la planète des tensions et des conflits. Ces trois planètes appartiennent à un amas en quadrature de Jupiter. Saturne, à 0°50, n'est présent en ce signe que depuis six jours.

Le 5 octobre 2242 vers 22 heures, date de l'anaragonique révolution, Saturne entre en Vierge. Quelques heures plus tard, il est rejoint par Vénus qui régit le signe (cf. ma révision de la théorie des domiciles astrologiques dans ma thèse de 1993). Puis, après une période de rétrogradation, Saturne entre à nouveau en Vierge le 25 juin 2243.
 

 

Je n'ai pas vérifié quelles pouvaient être les éphémérides utilisées qui justifieraient un intervalle de 177 ans 2 mois et 11 jours, par ailleurs employé à d'autres fins (cf. Préf. César 34, CN 33, et surtout CN 90). Du 16/08/2066 au 05/10/2242, dates d'entrées de Saturne en Vierge, on compte 176 ans et 2 mois "moins" 11 jours. En conclusion on retrouve les dates indiquées dans la préface (2066 et 2242-2243), et il y avait à peine une chance sur 700 pour retrouver ce schème annoncé par la Sibylle de Cumes selon Virgile et repris par l'astrophile saint-rémois.

Paris, ce 2 juillet 2009, au 443e anniversaire, avec Saturne au coeur de Virgo.
 

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Patrice Guinard: Le monde s'approche de bouleversements majeurs (2065/66)
avant l'anaragonique révolution de 2242/43

http://cura.free.fr/dico8art/907a-2066.html
02-07-2009 ; updated 19-02-2019
© 2009-2019 Patrice Guinard