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L'Ordre Matriciel
Le Paradigme astral I
Astrologie des Cultures
par Patrice Guinard

1. La fonction matricielle de l'astrologie
2. L'astrologie comme Grammaire de l'anthropologie
3. Triade et Tétrade : Rashômon
4. Les quatre voix intérieures
5. Second Tabulaire de l'archétype quadripolaire

Géoculturologie astrale (Le Paradigme Astral II)
Cyclologie mondiale (Le Paradigme Astral III)



Ce texte recouvre les chapitres 58 et 59 de ma thèse de doctorat, amplement remaniés. Aux "Pratiques horoscopiques", on a vu ce que pouvait être cette application mineure de l'astrologie qu'est l'horoscopie. Passons à la majeure, l'essentielle ! L'astrologie est avant tout une conception du monde, une vision sur le Réel. Elle n'est qu'improbablement une psycho- ou pseudo-thérapie pour une clientèle de cabinet. L'astrologue de consultation imagine que les astres sont voués aux intérêts, espérances et désirs de leurs clients, que les planètes ont rapport à leurs contrariétés, que Mercure et Jupiter attendent leur heure près de l'écliptique pour épauler ou secourir des gens qui ne portent pour la plupart d'intérêt qu'à leur petite personne, leur moi rachitique et leur ego dévastateur. C'est la funeste et grotesque farce de la psychologisation à tout-va de l'astrologie moderne.



1. LA FONCTION MATRICIELLE DE L'ASTROLOGIE

"Et de l'homme lui-même quand donc sera-t-il question ?" (Saint-John Perse, Vents, III)
"L'astrologie s'exerce moins dans le sens d'une naturalisation de l'homme que dans celui d'une humanisation complète du monde."
(Eugenio Garin, "Magie et astrologie dans la culture de la Renaissance", 1950, in Moyen Age et Renaissance, trad. franç. Claude Carme, Gallimard, 1969 ; 1989, p.129)


Indépendamment de la famille, de la profession, du milieu socio-culturel, indépendamment de l'hérédité, de l'âge, de la nationalité, de la race, chacun appartient à certaines "familles" ou séries astrales liées à son enracinement natal. Des aspirations communes unissent les Poissons, ou les Béliers, ou les mercuriens, sous toutes les latitudes et à travers les siècles. Les regroupements horizontaux et verticaux, environnementaux ou chronologiques, engendrent des normes et des appartenances extérieures à la personne ; le regroupement astral, transversal, est à l'origine d'une alliance transculturelle et trans-sociale. Il existe une confraternité invisible de tous les Gémeaux, de tous les Alligués, de tous les Plutoniens par-delà la contingence des cultures et des siècles. C'est le sens originel de la notion de Clan, préalablement à toute inscription dans le social. Les classes astrales marquent un troisième niveau dans la différenciation individuelle : d'abord linguistique et culturelle, ensuite fonctionnelle et socio-professionnelle, enfin psychique et astrale. Cette appartenance est une marque du Cosmos, du Réel, de l'Être, du Divin. Elle n'est pas l'oeuvre des hommes, des brouhahas des siècles et du tumulte des histoires qui n'intéressent que la part la plus pauvre en chacun, n'interpellent que ses instincts les plus grossiers. Chacun est fils ou fille du ciel, et d'une manière unique qui lui est propre.

La pensée hindoue a établi une répartition quaternaire des hommes, supposée d'origine céleste : le système des varnas comprend la classe sacerdotale des Brâhmanes, la classe militaire et administrative des Kșatriyas, la classe productive des Vaiçyas, la classe domestique des Çudras. Au premier livre du Mânaya Dharmaçâstra, la distinction des quatre catégories d'hommes est précédée d'un énoncé relatif aux saisons et à leur spécificité : "De même que les saisons, dans leur retour périodique, reprennent naturellement leurs attributs spéciaux, de même les créatures animées reprennent les occupations qui leur sont propres." (I 30, trad. franç., A. Loiseleur-Deslongchamps, Paris, Garnier, 1939, p.8).

Les individus ne se distinguent pas seulement d'après leurs langues, leurs coutumes et leur univers psycho-mental, ou d'après leur appréhension personnelle et subjective de ces facteurs. La mentalité ambiante et l'environnement naturel et social peuvent être plus ou moins semblables, impliquant des habitudes et des expériences communes ; les aspirations diffèrent. L'astrologie est structurante dans sa fonction de répartition des hommes, mais aussi et de leurs activités, de leurs idées et valeurs, de leurs sociétés, cultures et dieux, comme des objets du monde naturel et éléments qui l'environnent (métaux, pierres, plantes, animaux, couleurs...), ou encore de l'organisme humain pris dans son ensemble. L'astrologie médicale d'origine hellénistique utilisait divers systèmes de correspondances entre l'organisme humain, le microcosme, et l'univers céleste, le macrocosme. Les parties anatomiques du corps humain avaient leur régisseur zodiacal, les organes internes et des sens leur régisseur planétaire (mélothésie zodiacale et planétaire). Il existe tout un ensemble de registres dont la pensée matricielle a pu s'accaparer.

Entre les trois registres archétypaux, le Ciel, la Terre, et l'Homme, apparaissent des correspondances, des résonances, des sympathies. La théorie des Signatures (chez Agrippa, Paracelse et d'autres) rendait compte de ressemblances entre divers ordres du réel, d'affinités morphologiques entre les êtres et objets de séries parallèles, comme autant d'empreintes de l'invisible dans le monde visible. Le principe analogique suppose l'équivalence simultanée et globale entre des pans de réalité coexistants, après acceptation, comme encore chez Leibniz, d'une plénitude intégrale a priori. Il n'opère pas par comparaison ponctuelle d'éléments isolés, mais par coordination des homologies entre séries isomorphes. La pensée analogique dans sa fonction matricielle est susceptible de relier des entités comparables en respectant leur diversité et leurs différences. Elle établit des relations structurelles d'homologie. Elle n'indique pas les ressemblances entre objets d'une série, mais les similitudes entre leurs rapports inter-sériels.

Toute assignation implique des assignations conjointes. Chaque élément trouve sa place et sa fonction au sein de totalités homogènes. Il n'y a que des harmonies, des rapports équivalents au sein de registres associés. Michel Foucault a montré le caractère structural de l'analogie : "les similitudes qu'elle traite ne sont pas celles, visibles, massives, des choses elles-mêmes ; il suffit que ce soient les ressemblances plus subtiles des rapports." (in Les mots et les choses, Gallimard, 1966, p.36). Alors que la convenientia (contiguïté) fonctionne plutôt en mode spatial, l'aemulatio en mode temporel, et la sympathia qui transforme et altère, en mode énergétique (ibid., p.33 et p.39).

L'analogie est à la comparaison, à l'analyse, ce que la proportion est au simple rapport (Matila Ghyka) : A est à A' ce que B est à B' ce que C est à C', etc. au sein de séries limitées, et circulaires si l'archétype premier est d'origine zodiacale. Les éléments sont subsumés dans des champs organiques qui communiquent parce qu'ils relèvent d'un moule identique. La série harmonique ne résulte pas de la facticité contingente de ses éléments, ni d'une succession réglée par une quelconque fonction numérique, mais de son unité structurale préexistante. Cohérence des "sphères" par laquelle la lunarité (cérésienne) s'oppose à toute linéarité .

Cette logique prévient tout isolement, exclusion ou mise à l'écart d'entités, in-formées au sein d'une combinatoire, aux conséquences illimitées, mais circonscrite par des principes en nombre limité, à la manière de Lulle ou de Leibniz. Et l'harmonie cosmique préétablie est chez Kepler, le "Lutheranus Astrologus", la source d'inspiration de sa découverte des trois lois planétaires (cf. Heinz Strauss et Sigrid Strauss-Kloebe, Die Astrologie des Johannes Kepler, München et Berlin, R. Oldenbourg, 1926 ; Francis Warrain, Essai sur l'harmonices mundi de J. Képler, Paris, Hermann, 1942, 2 vols. ; et Gérard Simon, Képler, astronome astrologue, Paris, Gallimard, 1979).

La logique et ordonnance matricielle ne s'actualise qu'à travers l'humain. Foucault : "L'espace des analogies est au fond un espace de rayonnement. De toutes parts, l'homme est concerné par lui ; mais ce même homme, inversement, transmet les ressemblances qu'il reçoit du monde." (Les mots et les choses, p.38). Et Valéry : "Il n'y a peut-être pas de monde sinon pour l'humain - et alors conviendrait-il de définir ce monde pour homme, réciproque du corps de l'homme." (in Cahiers, vol. I, Pléiade, p.569). L'anthropologie générale, connaissance unifiée de l'humain dans toutes ses composantes, au sens où l'entendait Kant, puis encore Rudolf Lotze au milieu du XIXe siècle, a disparu de l'horizon intellectuel lors de l'avènement de la critique positiviste et de la constitution parcellaire des sciences dites humaines (certainement "trop humaines"), lesquelles ont engendré un ensemble amorphe de discours aux objets disséminés, aux problématiques isolées et aux concepts disjoints (le comportement, le signifiant, la valeur d'échange, l'inconscient, le travail, etc.), issus d'un découpage artificiel de notre espace mental, et qui conduit à précipiter l'extinction des valeurs dites traditionnelles et à légitimer la barbarie de cet âge techno-scientifique dans lequel les "pouvoirs" naturels de l'homme et de chacun sont neutralisés. Pour le doctor mirabilis Roger Bacon (1214-1294) l'astrologie, l'alchimie et la magie étaient les champs cognitifs privilégiés de l'expérience, extérieure et intérieure, des forces "occultes" naturelles, car l'homme restait le seul véritable protagoniste sur la scène du Ciel et de la Terre, comme il le demeurait encore pour Ficino, Agrippa, Paracelse, Nostradamus, Cardan et quelques autres à la Renaissance.



2. L'ASTROLOGIE COMME GRAMMAIRE DE L'ANTHROPOLOGIE

"Mais la principale bénéficiaire de nos découvertes éventuelles ne sera ni l'anthropologie, ni la linguistique, telles que nous les concevons actuellement : ces découvertes profiteront à une science à la fois très ancienne et très nouvelle, une anthropologie entendue au sens le plus large, c'est-à-dire une connaissance de l'homme associant diverses méthodes et diverses disciplines, et qui nous révélera un jour les secrets ressorts qui meuvent cet hôte, présent sans avoir été convié à nos débats : l'esprit humain." (Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, p.91)


Après leur apogée au premier tiers du XXe siècle, les sciences sociales et culturelles ont subi un essoufflement à mesure qu'elles se conformaient au modèle des sciences physiques (vérification, instrumentalisation, mise en équations, statistiques....). Les Peirce, Pavlov, Freud, Jung et Saussure, les Pareto, Durkheim, Weber, Toynbee et Malinowski étaient des métaphysiciens qui proposaient encore une Weltanschauung, alors que l'horizon conceptuel de leurs récents successeurs se dissout au sein d'une techno-scientificité uniforme, matérialiste, sans envergure spirituelle, frappée du virus analytique et de l'absence de toute vision. Si bien que les sciences dites humaines sont devenues l'un des instruments de l'alignement de tous dans le Consensus et l'outil de la dépossession de Soi et du monde naturel. Chacun, et pas seulement le "primitif" des anthropologues, est ethnologisé avant d'être mis au pas de la Techno-Barbarie, instrument et linceul de son acculturation.

L'astrologie est seule susceptible de réaliser la synthèse de ces savoirs disséminés. L'anthropo-logie au sens littéral, grec, réclame une conception microcosmique, et non microscopique, de l'homme. L'astrologie, comme logique de l'anthropos, comme "algèbre de la vie" (Dane Rudhyar), est aux sciences sociales et culturelles ce que la logique formelle est aux mathématiques ou aux sciences physiques. La psyché est investie et "partie prenante" dans toute manifestation socio-culturelle. Les virtualités astrales et archétypes psychiques commandent une répartition des représentations psycho-mentales. Le psychique gouverne l'objectal et le psycho-mental. Des rapports de similitude coordonnent les éléments de séries comparables. Ce monde pour l'homme est un monde en l'homme et le reflet des séries astrales (planétaire, zodiacale, sectorielle) au moyen desquelles peut se constituer l'inventaire du connu. La matrice astrale ne détermine pas les contenus de l'expérience, mais ordonne leurs rapports sous-jacents. Elle répartit les unités anthropologiques à l'instar du tableau de Mendeleïev pour les éléments chimiques. Les places vacantes, au sein d'une série, marquent les fonctions assignées, même quand l'expérience ne permet pas encore d'identifier avec certitude l'élément concerné. L'astrologie apparaît comme centre régulateur et instrument de contrôle des disciplines anthropologiques, comme leur langage commun. Et par sa fonction dite "judiciaire", elle harmonise les séries événementielles aux séries astrales et porte des "jugements" sur les modèles d'interprétation anthropologiques (psychologiques, sociologiques, sémiologiques, historiques...) eux-mêmes.

Le psychique-astral est à la racine d'une logique des productions de l'esprit, d'une culturo-logie. Les déterminations psycho-mentales et les réalités objectales résultent d'une potentialisation psychique-astrale préalable. "L'opérateur symbolique est l'élément actif d'un logos reliant anthropos et cosmos." (Daniel Verney, L'astrologie et la science future du psychisme, Le Rocher, 1987, p.20). Les infrastructures astrales (Planétaire, Zodiaque, Cyclade, Dominion) ne qualifient pas le céleste ou le terrestre, mais leurs rapports à la psyché. Le terme d'astrologie désigne plus précisément une astro-géo-bio-logie, c'est-à-dire la connaissance des effets psychiques-astraux de l'interaction entre les rythmes planétaires et le magnétisme terrestre sur le système nerveux. L'étude de leur retentissement sur les sociétés humaines relève d'une sociologie ou culturologie générale, modèle d'organisation des disciplines anthropologiques, divisées en psychologie, économie et sémiologie (d'après le modèle triadique état/ objet/ signe), et en cyclologie mondiale et géoculturologie astrale, coupes respectivement temporelle et spatiale, historique et géographique de cette culturologie, selon l'intérêt particulier porté aux cycles planétaires (la Cyclade) ou au cycle terrestre journalier (le Dominion).

Le champ ainsi circonscrit pourra paraître démesurément étendu bien qu'il soit bien réduit par rapport à celui couvert par l'astrobiologie antique : "Métaphysique, physique, éthique se développent selon le même rythme d'une théologie astrale qui est ensemble une astrobiologie et une astropsychologie, car la synthèse dogmatique assure sans difficulté le concordat, pour plus d'un millénaire, entre la cosmologie, l'anthropologie et la théologie." (Georges Gusdorf, Introduction aux sciences humaines, Belles Lettres, 1960, p.35). Dogmatique ou pas, la synthèse anthropo-cosmique assurait l'articulation d'une éthique sur une cosmo-théologie fondamentale - comme encore chez Héraclite -, une qualification du monde, vivant de part en part et dans lequel chacun trouvait sa place, et une harmonisation de la connaissance, imperméable aux dérives individualistes des savoirs parcellaires.

L'astrologie mésopotamienne était collective, c'est-à-dire météorologique (ou naturelle) et politique : elle cherchait à déterminer l'état et l'évolution climatiques et historiques d'une région entière, du souverain et de sa cour en premier lieu, au temps où le dit souverain était encore censé représenter son peuple. Sous Sargon Ier (fin du IIIe millénaire), les royaumes d'Akkad (Babylonie), d'Elam (Perse), de Subartu (Assyrie) et d'Amurru (Syrie et Palestine) se partageaient les quatre zones cardinales : le Sud, l'Est, le Nord et l'Ouest. Une répartition d'origine sumérienne : les pays de Sumer, de Shubur-Hamazi, d'Uri et de Martu (cf. par ex. Georges Contenau, La divination chez les Assyriens et les Babyloniens, Payot, 1940, p.307 ; Samuel Kramer, L'histoire commence à Sumer, Arthaud, 1975). La quadripartition des lieux a existé indépendamment en Égypte, en Chine, au Mexique... D'universelle, l'astrologie devint "généthliaque" (en s'attachant aux naissances particulières) entre le VIIe et le Ve siècle au contact des théories égyptiennes de la régénération de l'âme et de sa résurrection dans l'au-delà. Rupert Gleadow note que la fusion des idées s'est opérée après la conquête de l'Égypte par les Assyriens en 671 B.C. (in Les origines du Zodiaque, Stock, 1971). Le premier "horoscope" connu, produit de ce syncrétisme, date de l'an 410 B.C. (cf. Abraham Sachs, "Babylonian horoscopes" in Journal of Cuneiform Studies 6, 1952 ; Otto Neugebauer et Henry Van Hoesen, Greek horoscopes, Philadelphia, American Philosophical Society, 1959 ; Francesca Rochberg-Halton, "Babylonian horoscopes and their sources" in Orientalia 58, 1989).

L'astrologie universelle, historico-géographique, s'est développée chez les Grecs (Posidonios d'Apamée, Claude Ptolémée), puis chez les Arabes à partir du IXe siècle (al-Kindî, Albumasar), avant d'être progressivement délestée de son aspect météorologique, puis rebaptisée "astrologie mondiale". Pour le russe Alexandre Volguine (1903-1976), l'astrologie horoscopique individuelle est une déformation de l'astrologie "primordiale", synthèse globale d'une compréhension de l'homme et du monde de l'homme : "Si, du chaos scientifique et philosophique actuel, le XXe siècle arrive à créer une synthèse englobant tout ce qui existe dans l'Univers, cette synthèse peut être faite uniquement par l'Astrologie. "(Volguine, L'Ésotérisme de l'astrologie, Dangles, 1953, p.128 ; CURA, 2003).

L'analyse psychologique du thème individuel et la pratique de la consultation résultent d'une dérivation relativement tardive et souvent intéressée de cette astrologie fondamentale, dont la portée, celle d'une anthropologie philosophique et critique, englobe le généthliaque, l'horoscopique, l'autologique, et les diverses pratiques individualisantes. Une astrologie fondamentale qui n'intéresse pas ou peu les astrologiens de cabinet qui ont collé l'étiquette astrologique à leurs ballots.

L'astrologos anthropologique interpelle aussi les sciences de la nature puisqu'y abondent les quaternaires que la loi scientifique (laquelle a remplacé la judaïque sur la scène idéologique des idola theatri) ne parvient pas à unifier : les 4 états de la matière (igné, liquide, gazeux, solide) fixés par les Grecs à l'aide de leurs représentants symboliques (Feu, Eau, Air, Terre), les 4 types d'interaction ou champs de force qui régissent l'attraction (nucléaire forte, électromagnétique, nucléaire faible, gravitationnelle), les 4 éléments principaux de la chimie organique (hydrogène, azote, oxygène, carbone), les 4 bases azotées de l'ADN, l'acide désoxyribonucléique (Adénine, Guanine, Cytosine, Thymine), les 4 variables de la thermodynamique (température, volume, pression, entropie), les 4 principales unités de mesure de la physique (le degré, le mètre, la seconde, le kilogramme) qui mesurent la chaleur, la distance, la période et la masse, peut-être aussi les 4 types de vertébrés selon Platon et Aristote (les reptiles et amphibiens, les poissons, les oiseaux, les mammifères), et les 4 embranchements zoologiques de Cuvier (1817) d'après les types d'organisation du système nerveux : Radiata (animaux à symétrie axiale, les Échinodermes, Vers intestinaux, Acalèphes, Polypes et Infusoires), Mollusca (Céphalopodes, Ptéropodes, Gastéropodes, Acéphales ou Bivalves, Brachiopodes et Cirropodes), Articulata (dont le corps est divisé en anneaux et les membres formés de pièces articulées, les Annélides, Crustacés, Arachnides et Insectes), Vertebrata (classés selon les organes de la respiration et de la circulation, les Mammifères, Oiseaux, Reptiles et Poissons).

Là où s'arrête l'explication scientifique par la mesure quantitative, commence la compréhension matricielle par la répartition qualitative. "Dans les premiers temps de l'histoire de l'humanité, l'homme ne pensait pas encore par concepts, mais il avait une perception intuitive de la Nature et ressentait les phénomènes naturels plus qu'il ne les comprenait." (Wilhelm Knappich, Opus citatum, p.303). Il se pourrait que l'astrologie ait aujourd'hui pour tâche de préserver de l'entropie et des lois du hasard ce muthos devenu logos, et de maintenir une ordonnance globale de l'anthropocosme, puisque l'homme moderne, déraciné de l'essentiel et ferré au futile, n'est plus capable d'en éprouver les effets.



3. TRIADE ET TÉTRADE : RASHÔMON

"Tout est arrangé d'après le Nombre." (Pythagore)
"Un ! Deux ! Trois ! Mais où est le quatrième, mon cher Timée ?" (Platon)
"Nous en avons amené trois, le quatrième n'a pas voulu venir ; il a dit qu'il était le seul véritable, celui qui pensait pour eux tous." (Goethe, Second Faust)


La Monade est le principe de l'unité, de l'identité, de la cohérence, de la circularité. La Dyade est celui de la dualité, de la division, de l'opposition, de la séparation, de l'altérité, de la polarisation. Elle innerve l'organisation des opérateurs astrologiques puisque la Matrice se structure à travers des couples planétaires, sectoriels et zodiacaux. La Triade est le principe dynamique de l'ensemble, et l'archétype du devenir de chaque entité particulière. Elle régit la transformation de tout phénomène à travers la co-précence de ses trois entités intrinsèques. La Triade dynamise le réel comme la Tétrade le structure.

La Tétrade quadrille le connu en organisant ses diverses modalités en interdépendance. Elle appartient en propre à l'astrologie : l'horizon et son orthogonal définissent les quatre Angles de l'espace local ; les équinoxes et les solstices les quatre saisons zodiacales. La Triade dynamise les pôles d'orientation de la Tétrade et reste le Mysterium Magnum des alchimistes. Pour Paracelse, les quatre entités matricielles sont formées par les trois principes spirituels (soufre, sel, mercure) à la racine de toutes choses. L'action de la Triade sur la Tétrade forme le canevas essentiel de la connaissance de soi et du monde, la "cotte de mailles" (Sohravardî) de la psyché humaine, l'armature de toutes les opérations représentatives de l'esprit.

La Tétrade est le principe formel de la totalité et de chaque domaine particularisé. On sait que la philosophie religieuse pythagoricienne reposait sur la divine Tetraktys (du grec aktis, rayon) qui signifiait la lumière rayonnante du nombre 4 (cf. p. ex. Matila Ghyka, Philosophie et mystique du Nombre, Payot, 1952, p.13-19, et Paul Kucharski, Étude sur la doctrine pythagoricienne de la Tétrade, Belles Lettres, 1952). Quatre pôles permanents, inamovibles, irréductibles l'un à l'autre, entretiennent entre eux des rapports spécifiques. Deux ensembles, formés chacun de deux parties complémentaires (A est à B ce que C est à D), se con-tiennent, comme la division axiale détermine la coexistence des deux mondes zodiacaux dualisés. L'hémisphère cérébral gauche, analytique, se rapporte aux quartes zodiacales hivernale et printanière, et le droit, synthétique, aux quartes estivale et automnale.

La Tétrade épuise les possibilités représentatives s'appliquant au réel ; elle symbolise l'agencement final de toute réalité, les quatre faces de la constitution de tout étant. La Triade dynamise ; la Tétrade structure. Généralement la dynamique mentale n'est souvent que dialectique, et non trialectique, et les agencements mentaux binaires ou trinaires, non quaternaires. Ce sont des formes dégénérées. Car tout phénomène devrait être appréhendé par ses trois fonctions et dans ses quatre dimensions. Triade et Tétrade organisent la multiplicité, maîtrisent toute dualité, et s'accomplissent dans l'unité, "une Unité ternaire d'où résulte la dualité, active-passive, qui fait le quaternaire des Éléments." (René Schwaller de Lubicz, Le miracle égyptien, Flammarion, 1963, p.263). La fonction du Nombre en Égypte et en Orient était de prévenir les écueils des divers monismes, dualismes et pluralismes. Et Platon reproche aux philosophes et sophistes de passer trop vite de l'unité à la multiplicité, sans se soucier des nombres intermédiaires (cf. Philèbe, éd. Garnier, 1969, p.280). La notion de cardinalité astrale désigne la structure tétradique de la psyché et s'applique à tout ce que l'astral organise par quatre : les principes, les plans de l'être, les types d'hommes, les milieux, les activités...

"La structure universelle est à base de 4 et non de 3 par double contradiction croisée, c'est-à-dire chaque fois deux couples d'oppositions. Elle n'est ni bipolaire ni tripolaire mais quadripolaire, et le meilleur exemple en est le Taï Ki du Yin-Yang avec ses quatre facteurs associés et opposés deux à deux comme d'ailleurs les quatre bases fondamentales du code génétique." (Raymond Abellio, Lettre à Antoine Faivre du 14 janvier 1976, in Cahiers de l'Herne, 1979, p.362. Cf. aussi du même, La structure absolue, Gallimard, 1965). Aussi est-il superfétatoire d'introduire deux pôles supplémentaires au quaternaire : "Nord-sud-est-ouest, ou Terre-Eau-Ciel-Feu [Artaud VIII 137], ces axes font toujours de la Quinte-essence le centre de gravité d'une orientation ne nécessitant forcément ni creusement ni verticalisation manifestes." (Françoise Bonardel, Antonin Artaud ou La fidélité à l'infini, Balland, 1987, p.187).

Selon Jung, la quaternité est un archétype universel : "Elle constitue le présupposé logique de tout jugement de totalité. (...) Elle a souvent la structure 3+1, en ce sens que l'un des termes occupe une position exceptionnelle ou possède une nature différente de celle des autres." (in Ma vie, Gallimard, 1973, p.461). Le quatrième terme est alors une résultante des trois autres (cf. Ruggiero Boscovich, Philosophiae naturalis theoria, 1758). En réalité il existe au moins trois formes de Tétrades, qu'on nommera simplement monadique, dyadique et triadique. La tétrade triadique est une tétrade en formation, celle décrite par Jung : les trois pôles de la triade entrent dans un dynamisme tel qu'ils génèrent un quatrième pôle, qui les englobe et retraduit les spécificités de chacun d'eux (1-2-3 / 4). La tétrade dyadique est une tétrade polarisée et stable : c'est la forme zodiacale et aussi celle décrite par Abellio : deux pôles interconnectés d'une part, deux autres de l'autre (1-2 / 3-4). La tétrade monadique est une tétrade aboutie, achevée, finalisée. Elle présente quatre pôles indépendants ou également interdépendants (1-2-3-4).

Rashômon (1950) d'Akira Kurosawa est le meilleur film "matriciel" qui m'ait été donné de voir. Il s'inspire d'un récit du poète et novelliste japonais Ryûnosuke Akutagawa (1892-1927), Yabu no Naka (Dans le fourré, 1922), et non de la nouvelle Rashômon (1915) du même auteur, quadruplement natif des Poissons, notamment par le Soleil et Cérès.

Près de Kyoto, dans le Japon féodal des Yamato (vers 750), trois hommes rassemblés sous le portail de Rashômon, à l'abri d'une pluie battante : un bûcheron, un bonze et un domestique. Le prêtre, abasourdi, déclare avoir perdu sa foi en l'humanité. Et le bûcheron qui vient d'assister à l'assassinat d'un samouraï trois jours auparavant : "Je ne comprends rien à ces trois êtres-là". Puis il donne le récit des événements d'après la version du bandit, avant que le bonze ne narre celles des deux autres protagonistes : de Masago, la jeune femme qui accompagnait le samouraï, et du macchabée lui-même qu'un médium a fait témoigner. Chacun des trois protagonistes déclare être l'auteur du meurtre.

Le bandit Tajomaru (incarné par Toshiro Mifune), violent et fanfaron, aurait tué son adversaire dans un combat épique après avoir violé la jeune femme. Celle-ci, douce et sentimentale, aurait tué son mari qui la regardait avec mépris après le viol. Le samouraï Tashehiro, sensible et secret, se serait tué lui-même après la trahison de son épouse. Chacun raconte la scène au tribunal, non pas pour bénéficier de la clémence des juges, mais selon ses convictions et ses aspirations, pour soulager sa conscience. Chacun n'a vu et vécu que ce qu'il a été capable de comprendre, ce qu'il a voulu comprendre sans heurter l'image idéale qu'il s'est faite de lui-même. Mais tous mentent selon le bûcheron, témoin de la scène, mais qui avait renoncé à témoigner face aux autorités civiles. Ainsi un quatrième récit, celui de l'observateur a priori détaché et objectif, coiffe les trois autres et révèle la couardise du bandit, la perfidie de la jeune femme, et la lâcheté du samouraï. Serait-ce le récit de la vérité ? Cette quatrième voix sonne-t-elle plus juste que les autres ?

Au portail de Rashômon, la pluie commence à s'atténuer et les trois réfugiés découvrent qu'un nouveau-né avait été abandonné près d'eux. Le domestique, égoïste et réaliste, s'empare de quelques affaires abandonnées avec l'orphelin, au scandale du bûcheron qui fustige le voleur. Mais celui-ci comprend la raison qui avait dissuadé le bûcheron de témoigner au tribunal : le vol d'un poignard précieux sur les lieux du crime, un vol qui remet en cause la véracité de son récit. Le bonze aux grandes idées généreuses s'assombrit dans son coin, soulagé de laisser le bûcheron emporter l'enfant qu'il accepte d'élever parmi les siens. Ainsi les trois réfugiés de Rashômon reproduisent la succession des trois personnages du récit, voire même leurs tempéraments (couardise, perfidie, lâcheté), le bûcheron incarnant à présent le second "caractère". Et ces trois-là se révèlent à leur tour sous leurs traits véritables, selon le scénario.

Le film illustre avec exemplarité par deux fois la tétrade triadique : quatre récits des événements, par trois protagonistes et un témoin, sont suivis des comportements et opinions de trois témoins, coiffés par le narrateur ou le scénariste. Ainsi se répète une seconde fois la triade, recouverte par une quatrième voix, celle qui dit les trois autres. Aussi illusoire qu'elles ? Et Kurosawa n'a-t-il pas volé à Akutagawa l'excellence de son récit ?



4. LES QUATRE VOIX INTÉRIEURES

"C'est par les dieux qu'il faut modestement commencer la quête, "recommencer" la connaissance de l'homme et de son univers, ce cosmos, univers ordonné aux désirs humains."
(Gilbert Durand, Science de l'homme et Tradition, Berg International, 1979, p.224)


Le texte ésotérique du dramaturge cérésien Villiers de l'Isle-Adam, Axël (1890 posthume) offre un équilibre subtil entre les quatre champs existentiels, sous le mode ascétique de la privation, de la renonciation : renoncement à l'ascèse elle-même (tableau 1, quarte zodiacale hivernale et maisons objectivation, monde dit "religieux"), renoncement à la puissance matérielle, symbolisée par l'or (tableau 2, quarte zodiacale printanière et maisons individuation, monde dit "tragique"), renoncement à la révélation et au savoir (tableau 3, quarte zodiacale automnale et maisons participation, monde dit "occulte"), renoncement à la vie et à l'amour (tableau 4, quarte zodiacale estivale et maisons alligation, monde dit "passionnel"). Chacun de ces espaces existentiels est imprégné d'un personnage le représentant : successivement l'Archidiacre, le Commandeur Kaspar d'Auërsperg, Maître Janus au troisième tableau, et Sara au dernier.

L'espace théâtral est le champ privilégié du dialogue entre personnages représentant les quatre voix qui alternent en chacun : celles de l'ambitieux, de l'amoureux, de l'homme moral, et de l'intellectuel. D'autres exemples parcourent les littératures : par exemple dans la pièce inachevée Mon Faust (1946) de Paul Valéry comparaissent Faust, Lust, le Disciple et Méphistophélès. Et dans Les Exaltés (1921) de Robert Musil, les caractères sont pareillement typés, mais plus encore sexuellement équilibrés, et les couples finaux respectent les affinités astrales : le printanier Thomas et l'hivernale Régine, l'estivale Marie et l'automnal Anselme. De même au cinéma, les protagonistes assemblés en tétrade, représentant chacun l'une des quatre fonctions majeures de l'esprit et du comportement humains, sont fréquentes : par exemple dans Les enfants du paradis de Marcel Carné, 1945 (Frédérick Lemaître, Baptiste Deburau, Nathalie, Garance) ou dans le western Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone, 1968 (Frank, L'homme à l'Harmonica, Le Cheyenne, Jill McBain).

Ce qui parle ou réagit en nous, ces discours qui ponctuent notre vie psycho-mentale appartiennent à quatre classes distinctes qui résultent de diverses combinaisons de facteurs astraux et illustrent ce que j'appelle la quadriversité des points de vue (cf. les "quatre vents" chez Carlos Castaneda, Le don de l'Aigle, Gallimard, 1982, p.164-165). Quatre voix élémentaires, élémentales, régissent le bavardage intérieur incessant en chacun.
La prépondérance excessive de la première conduit à l'hypertrophie de l'ego, celle de la seconde à une complaisante sentimentalité envers soi-même, celle de la troisième à une instabilité chronique et à un déracinement vis-à-vis des réalités existentielles, et celle de la quatrième à une stérilisation de toute chose. La modernité, si sèche et dépourvue de caractère "humidité", amplifie le dialogue conflictuel entre l'ambitieux et l'intellectuel, entre la volonté et l'entendement, entre l'intérêt personnel et la raison.

Exprimer ses quatre voix permet de stopper un dialogue intérieur toujours conflictuel enraciné dans les représentations dualistes. Échapper au dualisme n'est pas totale libération d'incessants ergotages et ratiocinations intérieures, mais c'est déjà se soustraire à la souffrance produite par l'absurdité des représentations conflictuelles. Ainsi insistent en nous et s'entre-tiennent nos dieux intérieurs, lesquels se manifestent sous leurs multiples avatars : ceux du Pouvoir (richesses, honneurs, renommée), ceux du Bonheur, ceux de la Voie (et de sa "Vertu"), et ceux de la Connaissance. Ils accompagnent tous nos projets et anti-projets, car toute l'activité humaine ne se résume qu'à ces quatre voies : exercer ses forces, aimer, se transformer, apprendre.

Pourquoi 4, et non 8 ou 12, demandera-t-on, alors même que les structures astrologiques sont prioritairement octonaires et dodécanaires ? Parce que le nombre 4 est la limite immédiate de l'aperception. On peut aisément concevoir, et aussi percevoir, quatre entités distinctes de manière immédiate, mais davantage plus difficilement. Comme le note Georges Ifrah, le "pouvoir de perception directe des nombres dépasse très rarement (pour ne pas dire jamais) le nombre quatre ! Une première confirmation de ce fait nous est fournie par l'existence en Océanie de plusieurs tribus ayant coutume de décliner les formes grammaticales au singulier, au duel, au triel, au quartiel et ... au pluriel." (in Histoire universelle des chiffres, 1981 ; éd. rev. Robert Laffont, 1994, vol. 1, p.33-34). Ainsi le nombre 4 est à la fois la limite de la perception et celle de l'aperception, en tant que celle-ci reste guidée par la raison matricielle, une raison de type "Poissons" qui transcende sous la modalité qui est la sienne, la raison expérimentale de type "Capricorne".

L'équilibre vital s'établit à la confluence de quatre plateaux. Tout champ d'appréhension peut être réévalué à partir de quatre pôles d'égale teneur. Il n'y a pas de concept englobant ultime : c'est l'illusion propre à la philosophie de le croire. Les oppositions de la pensée dualiste se résorbent toujours au sein de cette logique matricielle du quart inclus. Il en résulte de nouveaux agencements du connu et une réorganisation de habitudes aperceptives : le Duel est toujours réagencé par la Tétrade. La pensée comparative et l'agencement des champs d'appréhension permettent de développer les quatre paradigmes polaires, les quatre archétypes sous-jacents aux champs assignés, les quatre entités rendues quadrisomorphes par cette opération. L'objectivation nocturne (maison VI), la neutralité Poissons, et la potentialisation cérésienne sont les opérateurs psychiques-astraux privilégiés de cette quadripartition. En effet il faut que soit quadruple ce qui est achevé par le Poissons, représenté dans le zodiaque bouddhiste comme un squelette, un cadavre ou encore quelque chose de "mou qui se dissout dans l'atmosphère" (Volguine, Opus citatum). Le mode d'objectivité qui en résulte, consiste à diriger ses regards, simultanément, dans les quatre directions.

L'existence est une lutte incessante et fratricide entre des représentants particularisés des quatre pôles dynamisés, lesquels s'affrontent à travers les matières, les activités, les idiosyncrasies, les valeurs et les idéologies, à travers les siècles, les sociétés et les cultures. Quel que soit son monde d'intégration existentielle, chacun est destiné, attaché ou rabattu sur l'un des quatre pôles, jusqu'à l'enrôlement pour des engagements qui ne sont pas les siens. Et tenter de maîtriser les puissances de ses "quatre membres psychiques", c'est encore s'inscrire quelque part, serait-ce au centre de la Tétrade, à laquelle rien de ce qui est humain n'échappe, et risquer d'y périr crucifié. Car comment échapper à cet écartèlement, à cette tétrangulation, en avançant dans les quatre directions à la fois ? "Mais y a-t-il un moyen par lequel on peut être débarrassé de cette cotte de mailles ?" (Sohravardî, L'archange empourpré, Fayard, 1976, p.211).

Par l'épée ! répond le mystique perse exécuté à Alep, c'est-à-dire en brisant l'illusion, ou en comprenant que les quatre ordres du réel, en apparence inconciliables, sont les quatre faces d'un même Être, que le centre de perspective de chacun, sa chance de conciliation, la quinte-Essence de son être, résultent, à chaque instant, de sa vigilance et de son activité d'approfondissement, d'intensification et de purification des quatre pôles. Car le connu, le Tonal, ce reflet de l'humain-au-Monde, n'est que l'apparence du réel. L'inconnu, voire l'inconnaissable, infiniment plus vastes, de teneur plus vive que tout ce qui peut être connu, restent absolument inaccessibles par une quelconque approche mentale ou cognitive. Ainsi la Tétrade exprime la dernière illusion de l'esprit, ou l'Esprit (mind) comme ultime artefact de la conscience.



5. SECOND TABULAIRE DE L'ARCHÉTYPE QUADRIPOLAIRE

"Les animaux se divisent en a) appartenant à l'Empereur, b) embaumés, c) apprivoisés, d) cochons de lait, e) sirènes, f) fabuleux, g) chiens en liberté, h) inclus dans la présente classification, i) qui s'agitent comme des fous, j) innombrables, k) dessinés avec un très fin pinceau de poils de chameau, l) et caetera, m) qui viennent de casser la cruche, n) qui de loin semblent des mouches." (Jorge Luis Borges, Autres Inquisitions, 1952 ; Pléiade 1993, p.749)


Prédire l'événementiel est une transgression obsolète et abusive de l'astrologie. Interpréter et psychologiser des thèmes est une pratique mercurienne bavarde. Faire des statistiques sur des séries astrologiques afin d'en questionner la validité est un exercice saturnien frivole et inutile. L'astrologie ne "marche" pas en raison de son éventuelle vérifiabilité factuelle ou empirique, mais parce qu'elle est matricialisation du réel accessible et que cette matricialisation est une armure et une cuirasse protectrice contre l'envahissement des représentations futiles et absurdes qui balayent continuellement son esprit. Car faire de l'astrologie, c'est user de la raison matricielle, c'est élaborer des répartitions en gardant à l'esprit la totalité des possibilités, c'est penser et percevoir le Réel à travers un quadruple repérage, comme Agrippa de Nettesheim (1486-1535) qui a déployé le paradigme quaternaire archétypal au chapitre II.7 de son De occulta philosophia (1531-1533 ; La magie naturelle, céleste et cérémonielle, trad. franç. Jean Servier, Berg International, vol.2, 1981).

Il y a près de quarante ans que je pense par tétrades et fais usage de ma raison matricielle. Je laisse les dénigreurs à leurs romans-feuilletons sur la prétendue pensée primitive, et les négateurs et censeurs à leurs feuilles de chou idéologiques. Ce second tabulaire complète et amplifie le premier publié en juin 2002. Je ne prétends pas à l'infaillibilité des répartitions proposées. Certaines d'entre elles pourront être justement modifiées. Je ne tiens véritablement qu'à celles marquées en gras ou des initiales PG.

Elles reflètent un point de vue unifié pour la plupart : une même logique s'y lit en filigrane. Mais certaines sont organisées de manière chronologique et non nécessairement matricielle (comme les Types d'hominidés, ou les Régimes politiques platoniciens), et d'autres ont leur mode propre de compréhension et sont en quelque sorte inversées, par exemple la tétrade des Ennemis naturels de Castaneda (in L'herbe du diable et la petite fumée (Une voie yaqui de la connaissance), 1968 (The teachings of Don Juan) ; trad. franç. Marcel Kahn, Nicole Ménant et Henri Sylvestre, Soleil Noir, 1972 ; U.G.E., collection 10-18, p.102-105) où ces ennemis sont à combattre grâce aux qualités de la quarte, par exemple par les vertus et valeurs platoniciennes (la peur se vainc par le courage et la force, etc.) D'autres comparaisons transversales semblent aboutir à des contradictions qui ne sont qu'apparentes, par exemple les tétrades des Symboles élémentaux comparée à celle des Englobants de la conscience (où la relation de l'Eau au Temps et celle de l'Air à l'Espace pourraient sembler plus naturelles).

Enfin je termine avec quelques distinctions issues de la ludologie, un champ de recherche aussi peu étudié que l'astrologie ou la nostradamologie, même par exemple dans l'encyclopédie américaine BGG qui n'établit pas de catégorisation systématique et réfléchie des jeux, mais se contente d'un rangement empirique. Cependant je ne donne que quelques répartitions issues d'un travail en cours, parmi la centaine de catégories qui couvrent l'ensemble des jeux anciens et modernes.


1 2 3 4
Saisons Printemps Eté Automne Hiver
Moments de la journée Aurore Midi Crépuscule Minuit
Signes cardinaux Bélier Cancer Balance Capricorne
Quartiers lunaires Premier Quartier Pleine Lune Dernier Quartier Nouvelle Lune
Directions spatiales Ouest Sud Est Nord
Maisons astrales (PG) Individuation Alligation Participation Objectivation
Structures astrologiques (PG) Planétaire Dominion Cyclade Zodiaque
Symboles élémentaux (saisons) AIR FEU TERRE EAU
Qualités climatiques (Aristote) Chaud - Humide Chaud - Sec Froid - Sec Froid - Humide
Symboles élémentaux (zodiaque) FEU (Bélier) EAU (Cancer) AIR (Balance) TERRE (Capricorne)
Qualités climatiques (Chrysippe) Chaud Humide Froid Sec
Esprits élém. (mythologie germanique) Salamandres Ondines Sylphes Gnomes
Bigrammes chinois Tai Yang (Yang majeur) +/+ Tai Yin (Yin majeur) −/− Chao Yang (Yang mineur) −/+ Chao Yin (Yin mineur) +/−
NOTIONS MATHÉMATIQUES, SCIENCES PHYSIQUES ET BIOLOGIQUES
Notions mathématiques Nombres Figures Ensembles Fonctions
Branches mathématiques Arithmétique / Algèbre Géométrie Logique Analyse
Ensembles de Nombres Entiers Rationnels Réels Complexes
États de la matière Igné Liquide Gazeux Solide
Principes matériels Chaleur Fluidité Clarté Densité
Notions physiques Température Distance Période Masse
Unités de mesure Degré Mètre Seconde Kilogramme
Interactions élémentaires Nucléaire forte Électromagnétique Nucléaire faible Gravitationnelle
Particules élémentaires Leptons (dont électron) Quarks Bosons (dont photon et gluon) Hadrons (dont proton et neutron)
Éléments chimie organique Hydrogène Azote Oxygène Carbone
Thermodynamique Température Volume Pression Entropie
Bases azotées de l'ADN Adénine Guanine Cytosine Thymine
Règnes traditionnels Minéraux (matière) Végétaux (vie) Animaux (mouvement) Humains (conscience)
Embranchements zoologiques (Cuvier) Radiata, Rayonnés Mollusca, Mollusques Articulata, Articulés Vertebrata, Vertébrés
Vertébrés (Platon) Reptiles et amphibiens Poissons Oiseaux Mammifères
Embranchements végétaux Thallophytes (algues, champignons, lichens) Bryophytes (mousses) Ptéridophytes (fougères) Spermatophytes (conifères et angiospermes)
Parties végétales (la plante) Feuille / Fleur Fruit / Graine Racine / Tubercule Tige / Bourgeon
Sens Odorat Ouïe Vue Goût (4 papilles)
Saveurs Amer Salé Acide (aigre) Doux (sucré)
Types d'hominidés (du genre Homo) Australopithecus gracile et robuste Homo Habilis et Ergaster Homo Erectus et Heidelbergensis Homo Neanderthalensis et Sapiens
Races anthropologiques Europoïde Négroïde Australoïde Mongoloïde
Âges (Hésiode) Bronze Argent Or Fer
Homme préhistorique Chasseur Cueilleur Pasteur Agriculteur
Statuts sociaux (homme méviéval) Paysan Artisan Commerçant Notable
Régimes politiques (Platon) Aristocratie et Timocratie Oligarchie Démocratie Tyrannie
LANGAGE, GRAMMAIRE, ARTS
Catégories grammaticales Verbes Noms Adjectifs / Adverbes Termes syntaxiques
Pronoms personnels JE TU NOUS ILS
Écritures Alphabétiques (& alphabético-consonantiques) Logographiques (& picto-/idéographiques) Syllabiques Alpha-syllabiques (ou Abugidas)
Fonctions du langage Décrire Émouvoir Signifier Enseigner
Styles littéraires Réaliste Lyrique Allégorique Didactique
Genres littéraires modernes Récit, Conte, Roman, Nouvelle Théâtre, Tragédie, Comédie Poésie, Mythe Essai, Histoire, Chronique, Témoignage
Buts de l'art Imitation de la nature Expression d'émotions Recherche de la beauté Transmission d'une vision des choses
Sculpture la Texture le Volume le Vide l'Assemblage
Peinture le Trait la Couleur la Lumière la Composition
Théâtre, Cinéma Texte / Scénario Interprétation (acteurs) Décoration / Prise de vue (caméra) Mise en scène, Montage
Musique le Rythme la Sonorité la Mélodie l'Harmonie
Qualités du Son l'Intensité le Timbre la Durée la Hauteur
Instruments de musique
(système Hornbostel-Sachs 1914)
Idiophones Membranophones Aérophones Cordophones
Genres acoustiques Percussion (dont idiophones et tambours) Voix masc. (ténor, baryton, basse)
Voix fém. (soprano, mezzo-soprano, alto)
Vents (bois, cuivres, orgues) Cordes (frappées, pincées, frottées)
PERCEPTION, PHILOSOPHIE, PSYCHOLOGIE
Conceptions de l'Astrologie (PG) Causalité Synchronicité Cyclicité Matricialité
Englobants de la conscience ÉNERGIE ESPACE TEMPS STRUCTURE
Catégories de la perception Forces Lieux Moments Formes
Modes d'Interrogations Quoi ? Qui ? Où ? Quand ? Comment ?
Valeurs temporelles Présent Passé Intemporel Futur
Facteurs de déterminisme Biologique Tellurique Socio-culturel Astral
Causes du Mouvement (Aristote) Matérielle Formelle Motrice Finale
Vertus cardinales (Platon) Courage Prudence Justice Tempérance
Valeurs cardinales (Platon) Fort Beau Bien Vrai
Faiblesses naturelles (PG) Ignorance Peur Paresse Lâcheté
Facultés cognitives Volonté Imagination Sensibilité Entendement
Types psychologiques (Jung) Sensation Sentiment Intuition Pensée
Champs d'expression existentielle (PG) Volonté-Efficacité Affectif-Imagination Sensibilité-Spiritualité Mental-Raison-Réflexion
Entités spirituelles Corps Coeur Âme (Spirit) Esprit (Mind)
Formes de satisfaction Plaisir Bonheur Joie Bien-être
Types d'intelligence Pratique Affective Attentive, contemplative Rationnelle
Sexes psychiques (PG) Masculin Féminin Hermaphrodite Asexué
Ennemis naturels (Castaneda) la peur la clarté la puissance la vieillesse
Types d'Amour Amour de soi-même (narcissisme) Amour de l'autre Amour des autres (de tous les êtres) Amour de l'amour (de l'idée d'aimer)
Biens et Buts triviaux de l'existence Honneurs Amour Santé Argent
Fléaux de la Modernité (PG 02-2017) Avidité Couardise Barbarie Frivolité
Physiologie de la Modernité (PG 02-2017) Mutilation Pétrification Contamination Bonimentation
Types d'hommes L'ambitieux L'amoureux Le vertueux L'intellectuel
Hommes de Connaissance Philosophe Artiste Mystique Savant
Branches classiques de la Philosophie Métaphysique Esthétique Éthique Logique
Renouveau religieux au VIe siècle Confucius Pythagore Lao Tseu (Laozi) Gautama Bouddha
Écoles philosophiques grecques Aristote Platon Zénon (stoïcisme) Épicure
Métaphysique classique européenne Descartes, Hobbes, Hume, Kant Leibniz, Rousseau, Hegel Spinoza, Maine de Biran, Nietzsche Bacon, Schopenhauer
Buts éducatifs Savoir Faire Vivre Ensemble Être Connaître
Modes d'exposition des idées Synthétique (et dogmatique) Rhétorique Aphoristique Analytique
Lieux de Circulation d'objets culturels Ludothèque Cinémathèque Discothèque Bibliothèque
LUDOLOGIE, THÉORIE DES JEUX
Catégories ludiques (Lhôte) Combat Position Parcours Gain
Couleurs aux Cartes et Tarot Pique Coeur Trèfle Carreau
Jeux corporels (PG) Jeux de Joute et d'Attrape Jeux d'Aplomb Jeux de Vertige Jeux de Renvoi et de Réflexes
Jeux d'Adresse (PG) Jeux de Socle et de Pichenette Jeux d'Équilibre et de Roulement Jeux de Voltige et d'Attache Jeux de Cible et de Saut
Casse-têtes Jeux de Déblocage Jeux d'Assemblage Jeux de Déplacement séquentiel Casse-têtes sur papier
Jeux Sociétaux (PG) Jeux de Capacité. RICOCHET ROBOT Jeux d'Ambiance. PICTIONARY Jeux d'Incarnation. CLUEDO Jeaux de Savoir. SCRABBLE
Jeux de Simulation ou de Stratégie Jeux d'Affrontement Jeux de Territoire Jeux de Parcours Jeux d'Optimisation
Jeux de Pions (Stratégie abstraite) Jeux de Confrontation Jeux de Positionnement Jeux de Mouvement Jeux d'Agencement
Jeux de Confrontation (PG) Jeux d'Élimination. DAMES Jeux de Capture. ÉCHECS Jeux de Chasse ou Traque. TABLUT Jeux d'Attaque ou de Piège. ABALONE
Jeux de Positionnement (PG) Jeux d'Alignement. RENJU Jeux de Figure-Boucle-Motif. TRAX Jeux de Jonction. HEX Jeux de Territorialisation. GO
Jeux de Mouvement (PG) Jeux de Course armée. TAB Jeux de Traversée. HALMA Jeux de Poursuite. BACKGAMMON Jeux de Semailles. AWELE
Jeux d'Optimisation (PG) Jeux d'Arrangement. MORRIS Jeux de Blocage. L-GAME Jeux de Rassemblement. AGON Jeux de Déblaiement. DVONN


Patrice Guinard: L'Ordre Matriciel
Le Paradigme astral I (version 2.5 : 30-07-2020)
http://cura.free.fr/2015/1702ormat.html
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