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La pronostication de Nostradamus pour 1555
par Daniel Ruzo



Note P.G. : Ce document inédit, diffusé lors des "Premières Journées Nostradamus" (Salon-de-Provence, 1985), m'a été aimablement communiqué par Robert Benazra qui le signale dans son "Répertoire" (p.586). Il complète l'article de Ruzo publié en 1962 et réédité par mes soins pour cette édition du cinquième centenaire de la naissance de Nostradamus, ainsi que son ouvrage consacré au Testament et au décryptage du corpus. Même si le français de l'exégète péruvien n'est pas excellent (meilleur en tout cas que mon espagnol), je n'ai corrigé qu'une soixantaine de coquilles et maladresses diverses. Je me suis contenté aussi de n'ajouter que quelques rares notes : précisions ou points de désaccord.
 

    Les renseignements biographiques et bibliographiques que nous avons réunis sur la vie et l'oeuvre de Michel Nostradamus et la conjoncture historique de la France, secouée par la Réforme, par l'absolutisme de ses souverains et par l'ignorance et le fanatisme du Saint-Office, au milieu du XVIème siècle, nous obligent à admettre une profonde dissociation entre le personnage du charlatan que, pour sauver sa vie et son oeuvre, dut créer le Prophète, et sa réalité existentielle.

     Prophète et sage, il fut le dernier représentant du "Collège de Prophètes" fondé par Moïse, qui marqua de son sceau cryptographique les livres de tous les prophètes hébreux de l'Ancien Testament parvenus jusqu'à nous. Nostradamus hérita sûrement de documents secrets de ce collège, et les fit disparaître une fois son oeuvre terminée. Mais il fut obligé d'éditer ses quatrains en désordre et de mettre un masque, à fin de se placer à la hauteur des fabricants d'almanachs de son temps et de permettre ainsi à sa prophétie apocalyptique d'arriver jusqu'à nous.

     Nous ne pouvons croire qu'il réduisit en cendres d'anciens manuscrits relatifs à la magie, comme il nous le laisse entendre. Ses conceptions mystiques transcendent toute magie pratique dont la prétention est d'obtenir des résultats dans notre monde. Les seuls documents compromettants qu'il fut obligé de réduire en cendres lui étaient probablement parvenus en tant que réprésentant d'Isachar, la tribu des prophètes à laquelle appartenait sa famille. Il fut le dernier représentant de cette tribu, disparue au septième siècle avant notre ère.

    Il nous faut donc commencer par diviser ses écrits: d'une part la prose des almanachs où il affirme son personnage de charlatan et s'adresse à ses protecteurs ; d'autre part, ses quatrains-centuries, ses quatrains-présages et ses deux dédicaces, l'une à son fils César, âgé d'un an, deux mois et treize jours, et l'autre au roi Henri, qui complètent son oeuvre immortelle.

     Il ne s'agit ni de son fils ni de Henri II. Par la dédicace à son fils César, il associe son oeuvre à celle de l'abbé Trithème dédiée cinquante ans plus tôt à Maximilien Premier, empereur d'Allemagne, en ces termes: "A toi, sage César".

[Note P.G. : Nombre d'interprètes des quatrains ont tendance à se prendre pour ce César destiné, le fils spirituel de Nostradamus. L'idée n'est pas nulle, mais l'élu est unique.]

      Sous la dédicace de son dernier livre de centuries il dissimule sa véritable dédicace à Henri, le Grand Monarque, dont il prophétise la venue, et auquel son oeuvre est réellement adressée. Il fait commencer sa prophétie en 1557 et l'unit de la sorte à celle de Daniel et à toutes les prophéties apocalyptiques de l'Ancien et du Nouveau Testament. [1]

     Nous avons publié l'étude que nous avons faite sur cette relation entre la prophétie de Nostradamus et celle de Daniel, et nous l'avons constamment rappelée dans nos ouvrages depuis 1970. Nous continuons ici à suivre cette règle, non seulement pour éviter que la reproduction de cette idée ne soit considérée comme un plagiat, mais pour insister sur l'importance des dates cycliques communes aux deux prophéties: 1557, 1917, 1957 et 2137. Elles fixent, à partir de 1557, les limites des 580 années finales de toutes les prophéties apocalyptiques (360 + 40 + 180 = 580). La dernière demi-période de Daniel fait 360 ans entre 1557 et 1917, plus les 40 ans de Juda jusqu'à 1957, plus les 180 ans des derniers jours.

[Note P.G. : Ruzo, qui reste prisonnier de la théorie des ères précessionnelles, suppose l'existence de 180 années "apocalyptiques" (à partir de 1957) avant une dévastation de la planète vers 2137 (Le Testament de Nostradamus, p.71 et 82), ainsi que l'avènement d'un Grand Monarque destiné à sauver quelques groupes humains de la catastrophe (Ibid., p.83). Je suis plus que sceptique sur ces spéculations.]

    Les quatrains et les deux dédicaces de Nostradamus sont restés pour la postérité un monument impénétrable. Pourquoi toute l'oeuvre du grand prophète des temps modernes n'a-t-elle pas été décryptée jusqu'à ce jour? Pourquoi ne connaissons-nous toujours pas son message secret qui concerne, sans aucun doute, la catastrophe cyclique qui marquera la fin de notre humanité, entre les années 2127 et 2137 de notre ère, date qu'il a consignée secrètement dans son oeuvre? La réponse est très simple:

     D'abord, parce que la Terre et les humanités successives qui l'ont habitée et qui obéissent à un rythme cyclique sont régies par les Temps de la Terre. Trithème, qui formule avec une grande prudence, malgré la protection de l'empereur d'Allemagne, ses enseignements sur les cycles de l'histoire, les intitule courageusement en 1508, "Chronologie Mystique".

     Les "derniers temps" des deux "témoins" de l'Apocalypse de Saint Jean sont les 180 années que nous vivons à présent: leur décompte a commencé en 1957, année de la sortie de l'homme dans l'espace cosmique, et s'achèvera en 2137. Tout ce qui se produit entre ces deux dates doit être soigneusement consigné. Nous vivons à l'époque des "témoins" et de leurs témoignages. Ce n'est qu'à cette époque-ci que toutes les prophéties vont se révéler.

    La seconde raison est également très simple: les mille quatre-vingt quatrains et les deux dédicaces ne sont pas seulement prophétiques: ils mettent, en outre, en évidence la réalité mystique et magique de la prophétie et de l'évolution humaine; la réalité astrologique de notre relation avec le cosmos; la chronologie de la marche du Soleil sur l'écliptique et les trois mesures possibles de cette courbe; la succession cyclique des humanités et, de surcroît, les informations nécessaires au décodage de la cryptographie la plus compliquée que puisse concevoir le cerveau de l'homme d'aujourd'hui.

    Du point de vue cryptographique, au lieu d'une clé destinée à déchiffrer de nombreux documents, Nostradamus en avait forgé plusieurs sous lesquelles se cachait un message unique.

     Les 1080 quatrains de Nostradamus ne sont pas tous prophétiques: les prophéties n'atteignent pas ce chiffre, mais elles sont nombreuses et rigoureusement exactes. Sans elles, l'auteur et son oeuvre seraient demeurés dans l'oubli, et ses quatrains n'auraient pas figuré constamment dans d'innombrables éditions, pendant quatre siècles. Tout aussi importante dans cette oeuvre sont une cryptographie impénétrable, que le prophète pratique dans un grand nombre de ses quatrains, et une chronologie traditionnelle, sagement occultée dans bon nombre de ses vers. Toutes ces finalités, prophétiques, cryptographiques, chronologiques, ainsi que celles alchimiques, astrologiques, mystiques et mythiques, devaient être soumises à une formulation secrète, de façon que ni l'oeuvre ni l'auteur périssent aux mains du Saint-Office; elles devaient être divulguées en vers acceptables du point de vue littéraire et, apparemment inintelligibles, qui puissent servir de cadre aux prophéties.

[Note P.G. : Sur cette idée des 1080 quatrains du corpus, à redistribuer sur 3 cercles, voir l'article du Ruzo réédité sur ce site, ainsi que mes divers papiers consacrés à cette question. Nos conceptions divergent sur ce point d'une "demi-centurie".]

     Le prophète dut se plier à une forme littéraire difficile en vers consonants et en phrases qui ont enfermé les idées dans une gangue philologique, tout en les occultant. Inévitablement, il a fallu ajouter des termes sans rapport avec l'oeuvre prophétique et ses finalités, et c'est à eux qu'il se réfère, textuellement, lorsqu'il les qualifie de "nouvelles inventées". C'est ce qu'il dit dans le quatrain du mois de mai, sur 1555, que "Les Amis de Nostradamus" publient aujourd'hui. Il doit donc inventer des "nouvelles" pour en farcir ses strophes quand celles-ci n'ont rien à voir avec la prophétie, mais intéressent la mythologie, la mystique, l'astrologie, la chronologie, l'alchimie, les cycles historiques ou la cryptographie. Même à l'intérieur de ses quatrains prophétiques, il lui faut faire des concessions au mètre et à la rime, à l'incrédulité des grands de ce monde et au danger que représentaient les théologiens.

     Cette digression a été nécessaire pour que nous puissions nous occuper de la publication des premières strophes. En 1554, les treize premiers quatrains de son oeuvre sont imprimés à Lyon, par Jean Brotot, en vue des pronostications pour 1555.

     Tous les exemplaires des pronostications et des almanachs de Nostradamus pour 1555 ont disparu, et seul est parvenu jusqu'à nous cet exemplaire que nous reproduisons. Il constitue une preuve de tout ce que nous venons d'exposer. L'analyse de ces cinquante-deux vers témoigne des difficultés qu'a dû vaincre le prophète pour remplir toutes les conditions qui l'orientaient obligatoirement vers un texte sibyllin, alchimique, astrologique, chronologique, cryptographique, mythologique, et mystique. Il lui fallait maîtriser toutes les sciences traditionnelles de ces ordres et devenir un philologue exceptionnel.

      De plus, c'était un voyant. Et, bien que nous ne puissions pénétrer dans son dernier retranchement, d'où il observait les astres, nous sommes en mesure d'affirmer que c'était aussi un alchimiste qui réunissait toutes les conditions et expériences qu'implique ce terme. Ce n'était pas un guerrier, ce n'était pas un saint, c'était un alchimiste. Dans ce dernier retranchement, à l'insu de sa famille et de ses rares amis, tombaient le masque du charlatan, le masque du catholique pratiquant, et le masque du médecin du XVIème siècle, pour mettre en évidence la réalité de l'homme supérieur qui attend la résurrection après avoir terminé sa tâche en ce monde.

     Tout ceci nous est révélé par le sens profond des écrits de Nostradamus. Il termine la publication de toute son oeuvre et connaît la date exacte de sa mort physique. Il condense les derniers renseignements, indispensables au décodage de ses clés, dans un testament, achevé le 17 Juin 1566, et dans un codicille, signé également devant notaire le 30 du même mois, trente-six heures avant son décès intervenu dans la nuit du premier au deux Juillet. Nous savons qu'il a consacré sa vie entière à son oeuvre exceptionnelle. Elle constitue un ensemble indéchiffrable jusqu'à la découverte éventuelle de toutes les clés du prophète. Nous ne pouvons croire qu'en fassent partie les brouillons publiés par Chavigny ni d'autres qui nous sont connus depuis 1947 et qui furent dernièrement publiés par Rollet. C'est encore moins le cas pour les deux fameuses Centuries auxquelles se réfère Chavigny: nous avons la certitude qu'elles n'ont jamais existé. Nous ne pouvons non plus accepter les vers apocryphes, quatrains et sizains imprimés dans des éditions frauduleuses pendant le règne de Louis XIII, à des fins politiques.

     Il nous faut admettre que Nostradamus publia la totalité de ses quatrains de son vivant et qu'il existe deux versions de ces quatrains et des deux dédicaces. Les éditions de Lyon et les éditions d'Avignon sont authentiques. Les différences sont minimes en apparence; mais elles apportent un complément aux renseignements numériques de Nostradamus, donnent des indications de dates différentes de celles de ses écrits, et préparent une défense possible devant l'inquisition catholique. Elles guident le chercheur dans la découverte des clés de Nostradamus.

    Malheureusement il nous faut, pour compléter les deux versions, rassembler des copies photographiques des rares éditions de l'époque et des copies d'exemplaires d'éditions postérieures qui les reproduisent ou les citent. En même temps que l'édition de Lyon de la pronostication, que nous reproduisons, paraissait une autre édition en Avignon dont aucun exemplaire ne nous est parvenu.

     Heureusement, Jean Aimé de Chavigny, docteur d'Université et latiniste médiocre, s'était rendu à Salon pour tenir compagnie au prophète et s'intitule son disciple. C'était en réalité son callygraphe! Il transcrivit, dans une belle écriture, ses textes et sa correspondance. Il assumait probablement déjà cette fonction bien avant de se rendre à Salon: nous possédons une copie des prophéties de Nostradamus pour 1562, dédiées au pape et calligraphiées par Chavigny, en 1561.

[Note P.G. : L'analyse calligraphique de ce document, en comparaison avec les Présages prosaïques partiellement édités par Chevignard en 1999, permettrait sans doute d'identifier le Chavigny de 1589 au secrétaire Chevigny, déjà calligraphe en 1561 -- ce que probablement Ruzo a fait pour son compte.]

     En 1594, vingt-huit ans après la mort du prophète, Chavigny, en interprétant à sa façon et en tirant profit de ce qu'il avait entendu dire à l'époque de ses relations avec lui, se crut appelé à être le prophète d'Henri IV. Pire encore, il crut qu'Henri IV était le Grand Monarque que Nostradamus avait prophétisé pour 2055, ce Monarque pour lequel nous travaillons, nous autres "Amis de Nostradamus". Le voyant de Salon avait prophétisé à Catherine de Médicis et à Henri II que trois de leurs fils seraient rois, et que le Béarnais qui était alors un enfant, le serait également. Pour que s'accomplît cette prophétie, il fallait que les trois fils d'Henri II mourussent sans descendance, et que l'un des hommes les plus importants de la Réforme fût roi de France.

     Le règne d'Henri IV semblait impossible. Henri III meurt assassiné sans descendance. Henri IV abandonne la Réforme et monte sur le trône. Il disposait de la meilleure armée de l'époque. Chavigny s'était acquis un grand crédit en répétant la prophétie de son Maître. Il crut son heure arrivée et édita en français et en latin son livre intitulé La Première Face du Janus François, dédié au "très-heureux, très-victorieux, et très-chrestien Henri IV roy de France et de Navarre".

     Au début, il se compare aux Sibylles présentant à Tarquin VII, roi des Romains, les livres sibyllins qui prophétisaient l'histoire de Rome. Il publiait cette première "face" et laissait inachevée la seconde qui, selon lui, devait être presque toute remplie des trophées et victoires du roi, de ses expéditions et de ses conquêtes sur ses ennemis. Cette Seconde Face du Janus François restait à jamais plongée dans les ténèbres. En 1610, Henri IV mourait assassiné sans avoir accompli la tâche humaine que lui assignait le "disciple" d'un prophète. Mais, grâce à la vanité de Chavigny, cent quarante quatrains-présages furent mis en circulation. [2]

     Heureusement, et il nous faut encore répéter ce terme, l'exemplaire relatif à 1555 qu'avait eu sous les yeux Chavigny et dont il avait reproduit et commenté les vers, était un exemplaire de l'édition d'Avignon, dont nous reproduisons les quatorze quatrains. L'un d'entre eux, l'"épistre liminaire pour l'an 1555" n'apparaît pas dans l'édition de Lyon. Il s'agit d'un quatrain panégyrique à l'adresse du baron de la Garde, du comte de Tende et du sieur de Villars, gouverneurs de la Provence et du Languedoc.

[Note P.G. : Ce n'est certainement pas là un argument en faveur de l'existence des éditions d'Avignon ! Il s'agirait plutôt d'un quatrain écrit à la louange des protagonistes, sans rime, et probablement fabriqué par Chavigny à partir d'éléments du quatrain II 59 des Prophéties (voir Benazra, Répertoire, p.6), preuve de l'incapacité de Chavigny à inventer par lui-même de nouveaux quatrains, contrairement aux affirmations de J. Halbronn.]

      Les treize autres quatrains sont identiques à ceux de l'édition de Lyon, mis à part les modifications de certains termes, la disparition de quelques signes typographiques et l'apparition de nouveaux. Cela constitue une preuve de ce que nous pouvons avoir perdu, car nous n'avons pas en mains toutes les premières éditions. Comme il s'agit de cryptographie, ces pertes sont importantes. Chavigny avait sauvegardé en français et traduit en latin 423 quatrains; certains d'entre eux auraient disparu sans son intervention. [3]

     Il nous faut comparer avec la plus grande attention les textes de chacun des treize quatrains dans les deux éditions. Tous les mots et nombres qui ne sont pas identiques dans ces deux éditions sont très importants, car ces deux versions sont du prophète; c'est lui, Michel Nostradamus, qui en a établi les variantes en toute conscience, pour nous obliger à la concentration et de surcroît à la découverte d'une des clés numériques de l'oeuvre: la clé du Grand Bronze ou de la Grande Cloche "qui ordonne les heures", c'est-à-dire l'ordre de ce groupe de 140 quatrains-présages qui commence par les treize publiés aujourd'hui par nos soins. Nous devons comparer les deux versions de toute son oeuvre.

    Les quatrains-présages sur 1555, tant ceux de l'édition de Lyon que ceux de l'édition traduite en latin par Chavigny, que nous pouvons en toute certitude considérer comme l'édition d'Avignon, assument à eux seuls différentes finalités de Nostradamus.

    Par la comparaison des deux éditions il nous fait savoir que toute son oeuvre se complétera de la façon suivante: par la comparaison des deux premières éditions authentiques, par la prise en compte obligatoire de leurs variantes parce que celles-ci fournissent des indications importantes sur leur cryptographie ou leur chronologie, par la plus grande attention prêtée aux dates, aux nombres et aux détails marquants de la typographie, et cela tant dans les éditions de Lyon et dans leurs copies que dans les éditions qui reproduisent les éditions d'Avignon disparues.

     Outre tout ce que nous venons de signaler, les quatrains-présages sur 1555 renferment une série de nombres indiqués sous forme de chiffres parfois, et d'autres fois en toutes lettres, ou qui sont dissimulés sous trois lettres majuscules ou quatre "bruits". Tous ces nombres, une fois découverts, constituent une clé, et comme cette clé ne sert qu'à mettre de l'ordre dans les 140 quatrains de l'oeuvre, elle nous permet non seulement de la découvrir, mais encore d'avoir la certitude de l'existence d'autres clés pour les quatrains qui ne dépendent pas de la première, et qui ne sont pas un millier.

    L'étude bibliographique et cryptographique de toutes les anciennes éditions et de leurs copies postérieures nous a amené, pendant les cinquante-huit dernières années, à des conclusions sur l'oeuvre, qui nous semblent suffisamment justifiées.

     L'oeuvre prophétique de Nostradamus a été divisée par son auteur en trois parties, publiées de son vivant: la première se compose de deux livres, 1555 et 1556, et sept Centuries, la dernière incomplète. Ces livres ont toujours été réunis et publiés avec un seul frontispice et une seule pagination. La deuxième partie, soit trois centuries, les centuries VIII, IX et X, a été publiée en 1558 et a toujours conservé son propre frontispice et sa pagination. La troisième partie, soit douze pronostications ou almanachs annuels, y inclus des quatrains, a été publiée de 1555 à 1566, et comporte un quatrain sur l'année et douze quatrains sur les douze mois, soit un total de 156 quatrains.

[Note P.G. : Il s'agit d'un décompte théorique, car manquent trois quatrains généraux (pour les années 1557, 1558 et 1560) dans les exemplaires connus et dans les copies de Chavigny, et spéculatif, car l'Almanach pour 1567 est omis, et celui pour 1556, qui n'a pas été retrouvé, ne comportait probablement pas de quatrains, contrairement à ce que pensent la plupart des exégètes, en raison du fait que Chavigny a pu retranscrire les présages en prose sans leur adjoindre de pièces versifiées. Au total, et d'après l'ouvrage copié par Chavigny et partiellement réédité par Bernard Chevignard en 1999, le nombre de "quatrains-présages" s'élève à 154.]

      Les indications de Nostradamus nous autorisent à ne pas tenir compte dans son oeuvre des quatrains sur l'année, à l'exception du premier, de 1555, qui est le premier quatrain de sa première pronostication, et le premier de l'oeuvre. Ces quatrains, que nous appelons avec Chavigny quatrains-présages, sont réduits au nombre de 145, lesquels complètent la troisième partie. La clé n'en concerne que 140. Les cinq restants auront un autre emplacement.

     Il y a quinze livres: deux dans la première partie, un dans la seconde, et douze dans la troisième. Pour chacun d'entre eux il nous faut prendre en considération les deux premières éditions: celle de Lyon et celle d'Avignon. Les indications de Nostradamus concernant l'ordonnance et le décryptage de ses quatrains sont si nombreuses et si exactes qu'elles nous ont convaincu de l'existence d'un système de clés qui permettront de découvrir leur véritable legs: leur message secret apocalyptique.

     Dès les premiers mots nous sommes en présence de deux versions différentes. L'édition de Lyon, se référant à ses treize quatrains, intitule le le premier "Présage en général" et les autres: "Des douze mois de l'année 1555". L'édition d'Avignon dit: "D'un présage sur l'année 1555". D'après l'édition publiée par nos soins, il ne s'agit pas d'un quatrain sur l'année, et en tant que "Présage en général", il peut figurer en tête de l'oeuvre. Chavigny le reconnaît et dit textuellement: "il s'est mis à écrire ses Centuries et autres présages en commençant ainsi".
 

Sur l'an 1555

Présage en général:
Lyon: L'ame presage d'esprit divin attainte
Avignon: D'esprit divin l'ame presage atteinte

    Voilà deux façons totalement différentes d'exprimer la réalité du phénomène prophétique chez 1'être humain. Dans l'édition de Lyon, Nostradamus donne sa vraie version: l'âme présage atteinte par l'esprit divin. Dans l'édition d'Avignon, sous les papes, c'est l'esprit divin qui prophétise et atteint l'âme par la prophétie. Les théologiens étaient à Avignon.

    Tous les termes suivants qui constituent les trois derniers vers du quatrain ne sont pas prophétiques: certains sont des termes dont nous devons étudier l'utilisation en vue de la cryptographie, et dont nous dresserons une liste à part.
 

Sur Janvier 1555

     Le quatrain sur Janvier 1555, tout comme le présage en général, et le quatrain panégyrique, ne contient pas un seul terme prophétique. Le premier vers fait état du Grand Bronze, de la grande cloche, qui ordonne les heures. Il s'agit d'une clé, et c'est pourquoi le mot "Erain" commence par une majuscule dans une édition, et dans l'autre on trouve "airain" qui n'est pas la terme usuel pour designer le bronze. La clé du Bronze doit ordonner les quatrains-présages qui apparaîtront dans les pronostications et almanachs pendant douze ans. Au second vers il dit qu'il "cassera" à la mort du tyran. Comme dans toute l'oeuvre le tyran meurt douze fois, il s'agit de cryptographie, de douze divisions de l'oeuvre. Les mots qui suivent sont tous cryptographiques et doivent être ajoutés à ceux qui apparaissent dans le "présage en général" par lequel nous amorçons notre comparaison. Nous mettrons une note à la fin pour tous les mots isolés qui apparaîtront dans les treize quatrains de cette comparaison. Ces mots sont suivis d'une "nouvelle inventée": "l'armée passera". Cette nouvelle exprime le passage de son armée de quatrains, en rangs, comme toute armée, au gré de l'ordre fixé par les clés.
 

Sur Février 1555

[Note P.G. : Il est regrettable que Ruzo n'offre que les images de la version de Chavigny (ici: Janus, p.62), et non celles de la Prognostication pour l'an M D L V dont il a reproduit le frontispice à la page 64 du numéro 97 des Cahiers Astrologiques.]

     Dans le présage sur Février, les deux premiers vers se réfèrent à une prophétie que l'auteur a formulée dans la première Centurie sous le numéro 47. Nous autres qui avons dû supporter la Société des Nations après la première guerre de ce siècle et les discours ou, selon Nostradamus, les "sermons" de ses délégués, nous sommes en mesure d'apprécier le magnifique quatrain prophétique, incontestable. Il ne contient aucun terme inutile, tous ont trait à la Société des Nations ou Ligue des Nations qui siégerait sur le lac Léman. C'est un récit journalistique, condensé en quatre vers, de ce qui s'est passé en ces lieux à partir de 1920, et l'auteur en est un voyant qui a assisté aux séances de cette assemblée en 1555, date de la publication, date indéniable de cette prophétie: "Lyon, Macé Bonhomme, 1555".

I.47
Du Lac Leman les sermons fascheront,
Des jours seront deduicts par les sepmaines:
Puis moys, puis an, puis tous deffailliront,
Les magistrats damneront leurs loix vaines.

    Et il y a des pseudo-cartésiens en France qui ne peuvent pas croire à Nostradamus prophète!

    Les deux derniers vers du quatrain sur février sont composés de nouvelles inventées et de mots qui peuvent avoir une importance cryptographique.
 

Sur Mars 1555

    Le quatrain sur Mars renvoie du point de vue astrologique aux "deux malins", Mars et Saturne, en liaison avec la Lune, et il donne une série de mots cryptographiques. Il se termine par un nombre secret: "l'amy a L.V. s'est joinct". Si nous joignons l'Ami numéro 1 à LV, cinquante-cinq, nous obtenons le nombre 56 pour la clé du Grand Bronze.
 

Sur Avril 1555

    Le quatrain sur Avril contient des nouvelles inventées, et se réfère à un personnage long, fier et inique qui peut être le même tyran que celui du quatrain 2.9: le maigre, sanguinaire; ou le roi du quatrain 5.29: fier, vilain inique.
 

Sur Mai 1555

     Le quatrain sur Mai, dans l'édition de Lyon, donne trois nombres différents des nombres postérieurs parce qu'ils ne sont pas indiqués en chiffres mais en toutes lettres. Ils aboutissent à un total de 26: 5,6,15. Ce quatrain donne ces deux nombres de plus, en chiffres et entre deux points: 5 et 23. Total 28, moitié de 56. Dans le dit quatrain, l'auteur nous avertit de ses "nouvelles inventées". Dans l'édition d'Avignon, tous les nombres figurent en toutes lettres.
 

Sur Juin 1555

     Le quatrain de Juin est astrologique. Il parle de Saturne, le "malin" qui recule et causera des difficultés à feu Mars. Il nous fournit trois mots très importants pour sa cryptographie: URNE, FLORE, MIDI. Cette dernière (midi) fera tourner deux fois les quatrains de cette pronostication pour déterminer la clé du Grand Bronze. Il cite pour la première fois l'URNE et, à la fin du quatrième vers, parle pour la première fois de FLORE, qui pose un problème cryptographique. [4]
 

Sur Juillet 1555

     Le quatrain sur Juillet donne trois nombres en toutes lettres comme pour le quatrain de Mai. Huit, quinze et cinq: total 28. La moitié du nombre 56 du quatrain sur Mars. Il continue à parler, du point de vue astrologique, de Saturne, explorateur "malin". Le troisième vers continue à citer des termes cryptographiques. Le quatrième vers est prophétique et se réfère à la prochaime et troisième inondation de sang humain. Une centaine de quatrains contiennent la même référence à l'invasion arabe de l'Europe.
 

Sur Août 1555

     Le quatrain sur Août fournit quatre nombres de plus pour la clé du Grand Bronze. Dans l'édition de Lyon ils figurent en chiffres. Dans l'édition d'Avignon en toutes lettres. Ensuite viennent les nouvelles inventées. [5]
 

Sur Septembre 1555
Sur Oct., Nov., Déc. 1555

     Les quatrains sur Septembre, Octobre, Novembre et Décembre ne nous fournissent aucune prophétie. Ils nous donnent seulement des nouvelles inventées, des observations cryptographiques et quelques mots se rapportant à l'"entreprise", c'est-à-dire au décryptage du message secret de l'auteur. "Venus Neptune poursuivra l'entreprise / Le quart bruit blesse de nuit les reposans / La nuit le Grand blessé poursuit le coffre / Rhosne au cristal". [6]
 

 

[1]  Il dit textuellement dans les éditions de Lyon: "en commençant depuis le temps presente qui est le 14 mars 1557". Dans les éditions d'Avignon il répète la même phrase et donne la date "14 mars 1547". Il détermine ainsi les dix ans d'approximation que tolère la Bible pour toutes les prophéties millénaristes. [Note P.G. : La relation avec la pseudo-prophétie de Daniel n'est pas évidente, et ce nombre de 10 années ne suffit pas. On ne retrouve dans le corpus, à mon estimation, ni les soixante-dix septénaires et demi de Daniel, 9, ni les 1290 et 1335 jours de Daniel, 12.] « Texte

[2]  Nostradamus a sûrement insisté sur le nombre 140 dans ses conversations avec Chavigny, en établissant un rapport entre ce nombre et les qua trains qu'il a publiés dans ses almanachs et pronostications annuels. il se référait assurément à la clé de 140 nombres que nous avons intitulée "la clé du Grand Bronze" ou de la Grande Cloche qui ordonne les heures, selon le présage sur Janvier 1555. Chavigny n'a jamais eu la moindre idée de la cryptographie de l'oeuvre. Il a traduit en latin 140 quatrains-présages pris au hasard, non seulement parmi tous ceux qui ont été publiés par Nostradamus de son vivant mais en y incluant douze des 13 publiés après la mort de l'auteur dans l'almanach pour 1567, que nous n'avons pas pris en considération. Avec la traduction du quatrain panégyrique qui n'apparaît que dans l'édition d'Avignon et que nous n'incluons pas non plus dans l'oeuvre de Nostradamus, la collaboration de Chavigny s'est limitée à traduire 141 quatrains-présages et 282 quatrains-centuries qui ont été numérotés ultérieurement vers la fin du XVIIème siècle et publiés dans leur version française, par des gens probablement pleins de bonnes intentions; ceux-ci crurent publier l'oeuvre complète de Nostradamus, mais ils n'avaient ni la qualité ni la formation bibliographique nécessaires pour accomplir cette tâche. Copiant sur Chavigny ces gens ont publié le quatrain panégyrique "De l'epistre liminaire sur la dite année" (1555). « Texte

[3]  Il existe des opinions tout à fait respectables sur la langue employée par Nostradamus dans son oeuvre. Certains commentateurs croient qu'il l'a écrite en latin et d'aucuns affirment qu'elle doit être restituée intégralement dans cette langue en vers latins de six mots. S'il s'agit,comme nous le croyons, de 1080 quatrains, l'oeuvre se trouverait ainsi transformée en 4320 vers et en 25.920 mots. Elle aurait de la sorte autant de mots qu'a de secteurs la projection circulaire de l'écliptique, et l'oeuvre se trouverait associée à la chronologie traditionnelle qui, comme nous en avons la certitude, est la chronologie de Nostradamus et de la Bible. Nous acceptons que l'oeuvre comporte 1080 quatrains, et partant 4320 vers. Mais seul un excellent latiniste pourrait par une traduction latine parfaite élaborer la théorie que nous rappelons ici. Chavigny n'explique pas pourquoi il a traduit et publié en latin 423 quatrains de Nostradamus, mais certaines paroles du prophète ont été interprétés de cette façon par lui. « Texte

[4]  FLORE en lettres majuscules, au mois de Juin, se remarque davantage dans l'édition d'Avignon. Elle se rapporte aux deux versions du quatrain de Novembre 1557, FLORAM PATERE et PATERE FLORAM, en majuscules une fois et dans un ordre différent, afin que ces textes fassent l'objet d'une étude spéciale. Les deux versions sont identiques, une fois inscrites dans le cercle de 360 degrés. Elles fixent toutes deux la position des sept astres dans le dodécagone. (Voir: "El Testamento Auténtico de Nostradamus", Plaza & Janés, Barcelone, 1975, p.173-178; "Le Testament de Nostradamus", Éditions du Rocher, 1982, p.181-187). « Texte

[5]  Nous avons mis en évidence cette clé, dés 1975, dans "El Testamento de Nostradamus" déjà mentionné, troisième partie: Cryptographie, au chapitre VI et aux pages 199-202. « Texte

[6]  Liste des 30 mots que l'on peut considérer comme cryptographiques: trouble, famine, peste, guerre, eau, siccité, terre, mer, sang, paix, tresve, prelats, princes, mourir, pleurs, plainctz, cris, glace, sepulchre, peur, faillir, classe, copie, vent, craindre, foudre, frayeur, neige, mort, cristal. Ces trente mots se trouvent, isolés, dans les treize quatrains que nous avons comparés. De plus, il y a des nouvelles inventées. « Texte


Référence de la page :
Daniel Ruzo: La pronostication de Nostradamus pour 1555
http://cura.free.fr/xxx/26ruzo2.html
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