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Le Temps des philosophes
De Platon à Nietzsche, et de Nietzsche à Platon
par Patrice Guinard

1. Le temps cyclique chez les Grecs
2. Henri Bergson: Mémoire et Durée
3. Nietzsche : Équilibre et Retour Éternel

L'ordre cyclique temporel (II)
Cyclologie astrale (III)
Des Cycles et des Hommes (IV)



Ce texte, composé de trois brèves études sur le Temps, conçu comme cyclique (Anaximandre) ou non (Bergson), dans son rapport aux cycles planétaires (Platon) ou non (Nietzsche), avait servi d'introduction à mon D.E.A. (Le temps cyclique astral) soutenu à la Sorbonne en juin 1984. Ces études furent reprises dans mon doctorat (1993) aux chapitres 32, 33 et 34.


1. LE TEMPS CYCLIQUE CHEZ LES GRECS

"Achille assiégera Troie à nouveau ; les mêmes religions, les mêmes cérémonies renaîtront ; l'histoire humaine se répète ; il n'est rien qui n'ait déjà été." (Lucilio Vanini, Sur les secrets de la nature)

Anaximandre le milésien a introduit, dans une perspective essentiellement morale, la question de la permanence et du changement. Le retour éternel de toutes choses ramène le Même après une série quasi-illimitée d'événements et de transformations cycliques. Le déroulement d'un cycle s'accompagne d'incessantes modifications intra-cycliques. Le passé revient infiniment et le devenir s'accomplit indéfiniment. Illustrant le rapport du Devenir au Retour, le concept d'apeiron, principe (archè) de toutes choses, a ce double sens d'infini, quand il désigne le retour éternel et le "nombre" des mondes qui se succèdent, d'indéfini, quand il désigne les phases de leur accomplissement et les moments de leur devenir. [1] Et comme le souligne Nietzsche: "Jamais un être qui possède des qualités définies ne saurait être l'origine et le principe des choses. L'être vrai, conclut Anaximandre, ne peut posséder de qualités définies, sans quoi il serait né et devrait périr comme toutes les autres choses. Pour que le devenir ne s'arrête jamais, il faut que l'être originel soit indéfini." [2]

Chaque instant est le foyer de manifestation d'une dynamique éternelle à laquelle participent le Retour et le Devenir : "Le mobilisme universel avait été atténué chez Anaximandre par un rythme de différenciations et de réintégrations qui, en pliant sous les mêmes phases la totalité du devenir et ramenant ainsi à la réalité chaque être et chaque chose avec son ambiance dans l'espace et ses antécédents et ses conséquents dans la temps, avait conféré à l'instant passager une part d'éternité." [3] Il en résulte une triple modalité de la temporalité cyclique: comme Retour éternel, comme Présent éternel, comme Devenir éternel. [4]

Pour le pythagoricien Archytas de Tarente, le temps est "le nombre d'un certain mouvement, ou bien encore, d'une manière générale, l'intervalle propre à la nature de l'Univers". [5] Autrement dit, il attribue au "cycle" du Retour une période assez grande pour contenir toutes celles des autres cycles. L'incommensurabilité de la "Grande Année" en fait un intervalle si vaste, si riche de tous les possibles, qu'il peut aisément contenir la multiplicité des vies reliées par la métempsychose. Ce devenir intra-cyclique de la transmigration des âmes est la vérité éternelle et infiniment renouvelée des êtres vivants, car "aucune conscience ne pouvant franchir le seuil de la période cosmique suivante, chaque nouveau cycle se présente aux consciences où il se reflète comme une réalité sans précédent ni retour." [6] Les conséquences morales de la métempsychose sont maintenues. [7]

La théorie platonicienne de la Grande Année [8] présuppose des périodes astronomiques harmonisées entre elles, commensurables, qui en sont des diviseurs, et qui sont les multiples d'une même unité, le jour sidéral. Le nombre entier positif traduit cette unité et règle cet univers parfaitement ordonné qu'est le cosmos. [9] Ainsi deux cycles saturniens valent cinq cycles jupitériens. L'ensemble des cycles planétaires forment des rapports harmoniques entre eux, et à l'intérieur du grand "intervalle" qui les synchronise.

Selon Platon, il n'y a pas de temps indépendant d'une substance éternelle intemporelle. Les diverses modalités temporelles se déclinent d'après sa première modalité, l'intemporalité, qui les déterminent à être ce qu'elles paraissent. "Nous disons d'elle qu'elle était, qu'elle est, qu'elle sera, alors qu'elle est est le seul terme qui lui convienne véritablement, et que elle était et elle sera sont des expressions propres à la génération qui s'avance dans le temps; car ce sont là des mouvements." [10]

Il y a toujours chez Platon, le philosophe quoi qu'on dise, l'agencement d'une formidable analytique du langage comme moyen, à travers Socrate, de se débarrasser des problèmes liés au langage, et d'atteindre ce qu'il y a de plus essentiel que le langage: la métaphysique, la spiritualité et la réflexion sur l'intériorité, autrement dit les trois voies de la pensée qui libèrent le barbare socialisé et civilisé de son asservissement aux ténèbres de la Caverne. C'est faire réflexion par delà les apparences où pataugent les pragmatismes et empirismes successifs, lesquels seront toujours l'en-deçà de la pensée tant que vivront des philosophes. Et Nietzsche a suivi cette voie quand il écrit : "Le langage et les préjugés sur lesquels repose le langage apportent de multiples obstacles à l'approfondissement des phénomènes internes et des instincts." [11]

C'est l'âme qui vit le temporel. L'éternité caractérise la "substance indivisible", permanente, incorporelle; la temporalité cyclique la "substance divisible", changeante, matérielle. Le temps est ce par quoi l'éternité se manifeste. Il est son media, une illusion de l'âme, une "image mobile de l'éternité". [12] Les cycles planétaires et la sphère des "fixes" servent de repérage temporel, car "le temps est né dans le ciel". [13] Le temps est le milieu de manifestation de l'âme, et "le ciel" la mesure de ses transformations et de ses états. Temps, âme et mouvement coexistent. Le temps est une représensentation psycho-mentale de l'inscription des cycles planétaires dans la psychè, diront les astrologues post-platoniciens.

La coordination et les rapports de sept cycles enchâssés, ceux des planètes du Septénaire, auxquels Platon ajoute le mouvement de la sphère locale, et auxquels l'astrologue moderne ajoutera les cycles des trois planètes trans-saturniennes, ponctuent la temporalité. Seuls le Soleil et la Lune se manifestent avec évidence. "Quant aux autres planètes, les hommes, à l'exception d'un petit nombre, ne se sont pas préoccupés de leurs révolutions, ne leur ont pas donné de noms, et, quand ils les considèrent, ils ne mesurent pas par des nombres leur vitesse relative; aussi peut-on dire qu'ils ne savent pas que ces courses errantes, dont le nombre est prodigieux et la variété merveilleuse, constituent le temps." [14]

Platon ne se réfère pas uniquement aux révolutions sidérales planétaires, mais aussi aux cycles planétaires relationnels, et notamment au cycle soli-lunaire, dont le quart est appelé "premier quartier" et la moitié "pleine lune". A partir de ce cycle, d'une durée de 29 jours et demi, et non de 27 jours, a été élaborée la notion de mois: "après que la lune, ayant parcouru son circuit, rattrape le soleil". [15] Cette diversité de périodes et de rapports ponctue le temps.

Quant à la Grande Année, elle est le produit logique de cette conception: lorsque "le nombre parfait du temps remplit l'année parfaite, au moment où ces huit révolutions, avec leurs vitesses respectives mesurées par le circuit et le mouvement uniforme du Même [la sphère des étoiles fixes], ont toutes atteint leur terme et sont revenues à leur point de départ." [16] Finalement la conception du Timée est une systématisation des thèses pythagoriciennes sur le temps, l'héritage d'un savoir antérieur au fondateur de l'Hémicycle, d'une "religion astrale" répandue depuis plus d'un millénaire dans le bassin méditerranéen, ayant pour principes la variabilité cyclique et l'harmonie cosmique dans la synchronisation des transformations psychiques et des rythmes planétaires. [17]

Chez Aristote, tout s'articule et s'organise en fonction de l'individu particulier, l'entéléchie, organisme ou chose, étant actuel et agissant, existant tel qu'il apparaît dans son action manifeste. C'est pourquoi l'instant est le constituant principal de la temporalité, "d'un côté, division en puissance du temps, de l'autre il limite et unifie les deux parties." [18] Élément indivisible, à la fois rupture et présence, il partage le temps linéarisé en passé et futur; il est "le nombre du mouvement selon l'antérieur-postérieur". [19] Une sorte de tautologie d'ailleurs, puisque la notion d'antériorité présuppose quelque part celle de temporalité.

Non qu'Aristote abandonne l'hypothèse cyclique et l'idée d'apeiron du disciple de Thalès, mais il les rend inopérantes, ou tout au moins accessoires. A l'encombrant intervalle de la Grande Année, il substitue la primauté du jour sidéral. Le temps trouve sa puissance dans l'insistance d'un présent qui se suffit à lui-même, - d'ailleurs Aristote est le philosophe qui se suffit à lui-même et qui se contente facilement des jugements de "bon sens" - à la fois acte et puissance du temporel. "Pour une part il a été et n'est plus, pour l'autre il va être et n'est pas encore; c'est ce dont se composent et le temps infini et le temps indéfini périodique." [20] Ainsi le Retour, rabattu sur un passé simple, et le Devenir, confondu avec un simple futur, n'existeraient que par rapport à l'instant qui les réunit. L'âme ne se meut plus dans son milieu, astral, ni ne connaît la dimension cyclique de son développement: elle se retrouve autonome, "irreliée", déjà acosmique. Cette temporalité "simplifiée" devient l'instrument utilitaire du repérage des mouvements et des "actes" des individualités.

Pour le stoïcien Zénon de Cittium, et pour son lointain disciple, le philosophe et astrologue Posidonius d'Apamée, le temps du devenir, partiel, est une apparence illusoire: le temps "réel", total, est de nature cyclique. Les philosophes stoïciens feront du temps cyclique et de ses problématiques une pièce essentielle de leur doctrine (questions d'emboîtement et de synchronisation cycliques, modalités du Retour, rapports de l'âme aux cycles...), comme le rapporte l'évêque néoplatonicien Némésius (IVe siècle AD), ennemi de l'astrologie comme du stoïcisme, et qui présente l'Éternel Retour d'après les cycles planétaires comme une doctrine spécifiquement stoïcienne : "Les Stoïciens prétentent que l'on verra reparaître Socrate, Platon, et les autres hommes avec leurs mêmes amis, et leurs mêmes concitoyens : tous auront de nouveau les mêmes pensées, tous feront encore les mêmes choses ; les villes, les bourgades, et les champs redeviendront ce qu'ils ont été. Ils ajoutent que cette rénovation de l'univers n'arrive pas une fois seulement, mais plusieurs fois, et même qu'elle se répète constamment et sans fin." [21] Platon pourtant en avait posé l'essentiel dans son Timée. [22]

Les notions de cycles entrecroisés, de stabilité et d'évolution périodique, furent à la base d'une vision cosmique du réel, d'origine orientale mais répandue sous toutes les latitudes à l'époque de l'astrobiologie, à partir du néolithique selon René Berthelot qui en a forgé l'expression, plus tard, entre 3000 et 300 BC selon Georges Gusdorf: "D'un côté tout serait vivant, même le ciel et les astres; de l'autre tout serait soumis à des lois numériques, lois périodiques qui seraient à la fois des lois de nécessité et des lois d'harmonie et de stabilité." [23] Les philosophes Grecs ont recueilli et développé cette conception millénaire de l'être et du temps, conception organique et cosmique, holiste, qui fut la plus vaste et cohérente tentative de synthèse du savoir humain, avant que la réflexion, humaniste, puis mécaniste, puis matérialiste et empirique, ne l'abandonne.


2. HENRI BERGSON: MÉMOIRE ET DURÉE

"Il faut concevoir la nature du temps comme un allongement progressif de la vie de l'âme; ce progrès consiste en changements uniformes
et semblables les uns aux autres ; il s'opère silencieusement grâce à la continuité de l'action de l'âme."
(Plotin, Ennéades, III 7)

Le philosophe parisien, professeur au Collège de France à la belle époque, en lutte contre l'intellectualisme et le scientisme de son temps, a renouvelé la dualité cartésienne corps/esprit en substituant à la "substance pensante" une sorte de matière ou de mémoire temporelle. A la réflexion discursive, analytique, indirecte, extérieure à l'objet et le morcelant, assimilée peut-être à tort à la "pensée" cartésienne, il substitue la notion d'intuition ou de "conscience immédiate", faculté d'appréhension synthétique du réel, par contact, par coïncidence avec l'objet, participation, sympathie. [24]

La durée vécue sera le temps de la conscience, donné dans l'intuition, le champ de la con-fusion du temps et de la conscience dans leur devenir commun. La notion de "donnée immédiate de la conscience" se rapporte au sentiment intérieur de durée qui est "la forme que prend la succession de nos états de conscience quand notre moi se laisse vivre, quand il s'abstient d'établir une séparation entre l'état présent et les états antérieurs." [25] La durée "toute pure" est dite indivisible, continue, hétérogène, car l'interpénétration des états de conscience caractérise leurs moments successifs. "Si un état d'âme cessait de varier, sa durée cesserait de couler." [26] Les moments ne s'additionnent pas; ils s'agglomèrent: "La durée, ainsi rendue à sa pureté originelle, apparaîtra comme une multiplicité toute qualitative, une hétérogénéité absolue d'éléments qui viennent se fondre les uns dans les autres." [27]

Durer, c'est incessamment se transformer, à la manière d'un "verre d'eau sucrée". L'eau et le sucre prennent "leur temps" pour former l'eau sucrée. Pas de différence de nature entre le changement d'état et l'existence au sein d'un état, puisque l'état est ce qui se transforme, ce qui ne peut s'isoler, ce qui génère en lui-même une pluralité indéfinie: "La conservation du passé dans le présent n'est pas autre chose que l'indivisibilité du changement." [28] A chaque instant, le passé est partiellement présent à la conscience. Le présent résulte de la survivance d'une multiplicité d'états passés, de la conservation d'une infinité de vécus. Une "attention infinie" ne saurait distinguer l'Avant de l'Actuel, lesquels résultent de notre détachement, de notre propension à l'oubli: le passé, c'est ce que nous abandonnons du présent. La mémoire est inhérente à notre faculté d'attention à la vie.

L'état "est simple, et il ne peut pas avoir été déjà perçu, puisqu'il concentre dans son indivisibilité tout le perçu avec, en plus, ce que le présent y ajoute." [29] Chaque instant dure en ce sens qu'il coexiste avec le flux du passé à un certain degré de "contraction" ou d'unification. [30] A chacun son temps, son rythme, sa durée: "On peut imaginer bien des rythmes différents, qui, plus lents ou plus rapides, mesureraient le degré de tension ou de relâchement des consciences." [31]

Cette conception s'oppose à la temporalité linéaire de la physique, qui ne serait qu'un repérage utilitaire du temps dans l'espace, un dénombrement de coïncidences arbitraires, une mesure de la simultanéité contingente de deux horloges éloignées. [32] En effet, "si tous les mouvements de l'univers se produisaient deux ou trois fois plus vite, il n'y aurait rien à modifier ni à nos formules, ni aux nombres que nous y faisons entrer." [33] Le temps qui passe marque tout au plus la périodicité de la matière inerte. La durée, propriété qualitative du vivant, ne saurait être mesurée par les appareillages de la mécanique. Au temps qualitatif de l'indivisabilité de la conscience s'oppose l'espace quantitatif de la divisibilité de la matière. [34]

Le Moi bergsonien se trouve porteur d'une réalité qui n'appartient pas à la matière: "l'intervalle de la quantité à la qualité ne pourrait-il pas alors être diminué par des considérations de tension, comme par celles d'extension la distance de l'étendu à l'inétendu?" [35] A la matière extensible s'oppose une mémoire intensive, c'est-à-dire tendue ou susceptible de l'être. L'intensité n'est pas rétrécissement ou allongement, mais propagation, multiplication des facteurs impliqués, un plus grand nombre d'objets extérieurs se trouvant associés à un plus grand nombre d'événements intérieurs. L'attention à l'externe coïncide avec la tension à l'intérieur: "Nous ne voyons pas de différence essentielle entre l'effort d'attention et ce qu'on pourrait appeler l'effort de tension de l'âme." [36] Le couple extensif/intensif prétend lever l'opposition entre qualité et quantité, unifiées au sein d'une "quantité intensive" qui serait un attribut du vivant - la "quantité extensive" n'en figurant que la mesure externe. [37]

En réalité Bergson maintient le dualisme cartésien - encore que Descartes avait imaginé l'existence d'une troisième substance, dite "divine" - et le généralise: durée/étendue, états/objets, "mémoire pure"/"perception pure", continuité/causalité, vital/mécanique... La pensée de Maine de Biran, auquel Bergson ne fait jamais référence, me semble en amont de ce vitalisme "spiritualiste": elle avait su articuler, au sein d'une problématique unifiée, les trois classes de "modifications psychiques" que connaît la conscience, à savoir les affections simples, les sensations extérieures, et les modifications actives résultant de l'intervention de la volonté.

L'union d'un passé qui se contracte et d'un présent qui s'y ajoute définit le caractère hétérogène de la durée, soumise à l'insistance de la mémoire. Le temps n'a rapport qu'à des intervalles plus ou moins indéfinis, ni successifs ni simultanés, mais coexistants. Il y a toujours une plus grande durée, ou une plus petite, résorbant toute limite. Une contraction extrême renfermerait encore une durée, la plus grande imaginable, c'est-à-dire l'éternelle. Seul le jeu de l'attention et du détachement donne l'impression de passer d'une durée à une autre.

Le détendu, c'est du passé "inconscient", et le tendu du passé manifesté. En somme, c'est toujours du passé qui s'actualise. La durée bergsonienne se dit vivante parce qu'elle se construit à mesure qu'elle s'écoule, parce qu'elle s'inscrit dans une continuité vécue. La variabilité des états de conscience est tributaire d'un effort d'attention, et de la persistance de l'objet dans la perception. Elle résulte du brassage incessant des états antérieurs, et rien de véritablement nouveau n'émerge de ce présent de façade dont le passé tire les ficelles.

Pas de véritable instantanéité, pas d'imprévisibilité, de transformation soudaine, de métamorphose, pas de rupture et de renaissance, et finalement pas de possibilité réelle de renouvellement, mais une re-connaissance persistante, une intériorité lourde de tout le vécu, une conscience barboteuse soumise à la rumination fonctionnelle. Bergson oublie qu'on peut vite oublier.

Cette durée qui draine la mémoire appartient au même paradigme qu'une religion qui aurait porté, à l'origine, le fardeau d'une morale coutumière. [38] L'absorption de l'intuition, mais aussi de l'imagination, de la sensibilité, ou de la pensée, dans une sorte de mémoire active et tendue est le symptôme d'une pensée restée platement "platonicienne": "Le souvenir d'intuitions antérieures analogues est plus utile que l'intuition même (...) il déplace l'intuition réelle, dont le rôle n'est plus alors (...) que d'appeler le souvenir, de lui donner un corps, de le rendre actif et par là actuel (...) Percevoir finit par n'être plus qu'une occasion de se souvenir (...)" [39]

On ferait à Bergson les deux critiques complémentaires suivantes: d'avoir manqué à la fois la nature de la conscience, laquelle obéit à des schèmes propres, relativement indépendants de l'expérience, et l'innocence du devenir dans l'expérience de la nouveauté. En effet, Bergson lie le temps à l'âme dans son combat contre leur extériorité matérielle, mais il ignore ce qu'a souligné Paracelse avec brio (et que savaient les Grecs), à savoir que les cycles planétaires sont d'abord des cycles intériorisés, et donc que le présent se renouvelle selon une configuration, propre à chaque être, et qui est la marque de son destin. En outre, l'intuition bergsonienne, "réfléchie" car rabattue sur la volonté et sur l'effort d'attention, enchaînée à un inconscient qui aurait perdu tout caractère impondérable et qui se résorberait dans les méandres marécageux du "déjà vécu" - un peu à la manière freudienne finalement [40] -, est mise dans l'incapacité de flairer ce possible qui est la marque de l'éternité de l'instant et qui surgit, non par la mémoire, mais par une sorte de pré-sentiment, de sentiment inversé, non sous la forme d'une expérience habituelle, mais d'une lumière intemporelle, et non comme passé prolongé, mais comme proximité ressentie.


3. NIETZSCHE : ÉQUILIBRE ET RETOUR ÉTERNEL

"La terre s'est reproduite peut-être un million de fois. Ce fut de nouveau une comète, puis un soleil d'où sortit le globe.
Ce cycle se répète peut-être une infinité de fois, sous la même forme, jusqu'au moindre détail."
(Dostoïevski, Les frères Karamazov)

"Je n'ai à être que l'équilibre d'or de toutes choses." (Nietzsche, 1889)
 

En août 1881, l'idée du retour éternel de toutes choses s'impose au philosophe de Sils Maria avec évidence, et si Nietzsche incarne lui-même le "Grand Midi" de la pensée occidentale [41] , il faudra que ce soit en vertu de l'Éternel Retour. [42] Mais comment concilier le Retour avec l'innocence du Devenir, avec l'espièglerie d'un "coup de dés", si tout revient, éternellement répété, identique à soi-même ?

Selon Gilles Deleuze, "l'éternel retour est l'être du devenir." [43] Ce qui revient ne serait pas le Même, ni le Semblable, ni rien d'analogue, mais le Devenir proprement dit : "Ce n'est pas l'être qui revient, mais le revenir lui-même constitue l'être en tant qu'il s'affirme du devenir et de ce qui passe." [44] L'Éternel Retour ne fait pas revenir le semblable, mais le dissemblable, car il est lui-même le Semblable, la forme répétitive de contenus variables. [45] Ainsi, les formes ne sont pas laissées au hasard, mais pas plus que les "contenus", et c'est ce que Deleuze appelle le "deuxième aspect de l'éternel retour: comme pensée éthique et sélective". [46] Ce qui revient, c'est la "Volonté de Puissance", la Wille zur Macht, mieux qualifiée par "Volonté vers la Puissance", ou vers le Pouvoir au sens donné à ce terme par Castaneda. [47]

Si la Puissance revient - ou ne revient pas ! - c'est qu'il n'est pas de second tour, de second jet, ni de troisième, pour "les grégaires" et "les forces réactives". Comme pour Darwin, la sélection ne retient que "les forts", même s'il ne s'agit pas des mêmes forts. La sélection est une affaire personnelle et éthique, non une théorie impersonnelle.

Le darwinisme affirme la sélection naturelle des plus aptes, par la compétition (lutte pour la nourriture, pour la reproduction, pour la "survie"...) et par le nombre. La sélection retient les plus domestiqués et les plus adaptés au milieu. Or Nietzsche reste proche de Lamarck pour qui le transformisme signifie l'auto-adaptation active des organismes grâce à une volonté interne, à un instinct de perfectionnement, à un effort commandé par une nécessité interne. L'homme ou la femme, et peut-être pas plus le chien, le rat ou la fourmi, ne vivent pour l'espèce.

Pour Nietzsche, ce ne sont pas les plus adaptés qui survivent, mais ceux qui, parmi les plus dérangés, auront réussi à déstabiliser leurs voisins. Jésus en Palestine! L'aventure christique serait probablement restée un simple délire local, oublié de l'histoire, sans l'activisme de Paul dans tout le bassin méditerranéen.

Nietzsche précise: "Contre la théorie de l'influence du milieu et des causes extérieures : la force interne est infiniment supérieure. (...) Des milieux exactement identiques peuvent être interprétés et utilisés de façon diamétralement opposée: il n'y a pas de faits." [48] La force n'est jamais adaptation à l'externe mais affirmation de l'interne. L'évolution, culturelle pour Nietzsche - et chaque espèce d'animaux a sa culture -, résulte de la capacité de résistance et d'intégration des êtres les plus sensibles. La quasi-totalité de ces êtres marqués par une fragilité constitutive, par une incapacité à s'adapter, par une instabilité générale dépérissent inévitablement. Mais que la sensibilité se fortifie, qu'elle s'approprie la force, alors un stade a été franchi, et l'évolution se résume à l'histoire, aux projets et aux réalisations de ces quelques êtres: "Un nombre incalculable d'individus de niveau supérieur est maintenant en train de périr: mais celui qui en réchappe est fort comme le diable." [49] La sélection n'est pas quantitative, statistique, mais qualitative, élective. La force ne se définit pas par l'abondance mais par la rareté. Ce sont les "forces actives" qui reviennent dans ce qu'elles ont de positif. Mais comment concilier ce retour qualitatif avec la progression inéluctable des forces réactives? L'histoire montre que les forces réactives ont toujours été présentes, qu'elles s'accroissent même avec le temps si l'on en croit les rumeurs "spectaculaires" (Guy Debord) du XXe siècle expirant.

"Homme ! ta vie toute entière sera de nouveau et toujours retournée tel un sablier, et toujours et de nouveau elle s'écoulera (...) et alors tu te verras retrouvant chaque douleur et chaque plaisir." [50] Ces lignes s'inscrivent dans le contexte du "premier aspect de l'éternel retour: comme doctrine cosmologique et physique" [51] , puisque ne se montre encore aucune différence parmi les forces, toute chose revenant inlassablement pareille à elle-même. Le scénario physico-cosmique suppose la finitude du devenir et l'infinitude du temps. A ce stade, pas d'orientation, de sélection ou de distinction, de raffinement, dans le processus du Retour: "Tout est re-venu: Sirius et l'araignée et tes pensées à cette heure, et cette pensée, la tienne, que tout est revenu." [52] Ce n'est pas encore le différencié qui revient, le sélectionné, mais cet "Absurde" éternel, le Même, même si c'est absurde. "L'Éternel Retour: en tant que nihilisme accompli, en tant que crise." répète Nietzsche en 1887. [53]

Le fait que le Même revienne, n'autorise pourtant pas à l'identifier à l'Être. Et peut-on concevoir une entité qui n'appartienne ni à l'Être, ni au Devenir, mais à tous deux simultanément, et qui vive finalement à leur frontière commune? L'Éternel Retour incarne cette troisième option, entre le changement et la permanence, entre atomisme et éléatisme. Nietzsche est héraclitéen, comme Platon... Une interprétation hâtive réduit au mobilisme les idées de l'Éphésien, qui affirmait l'harmonie des contraires: le monde est un et en fluctuation perpétuelle, "feu éternellement vivant", qui se différencie et s'équilibre perpétuellement en lui-même. Pas d'être immobile, car la mobilité est un attribut de l'être, ni de devenir aléatoire, car tout s'accomplit selon la Loi universelle, le logos ou "verbe qui régit le devenir universel". [54]

Deleuze cite ce texte de Nietzsche : "Si l'univers était capable de permanence et de fixité, et s'il y avait dans tout son cours un seul instant d'être au sens strict, il ne pourrait plus penser ni observer un devenir quelconque" [55] , mais omet de mentionner la réciproque: "si le monde se renouvelait éternellement en son devenir, il serait ainsi posé comme quelque chose de miraculeux en soi, divin se créant librement soi-même." [56] Ainsi l'Éternel Retour transcende et l'Être et le Devenir: c'est le Devenir débarrassé de tout "atomisme" et c'est l'Être dégagé de tout éléatisme. Finalement, c'est l'Être du Devenir et le Devenir de l'Être, ou encore la possibilité conjointe de l'Être et du Devenir: équilibre entre deux exigences, et entre les deux modalités de la temporalité, l'Instant éternel et la Spirale évolutive [57] , autrement dit entre le temps comme présence, et le temps comme devenir.

Équilibre donc entre le temporel et l'intemporel, non pas entre un temps linéaire et un temps circulaire: "Le monde subsiste; il n'est pas quelque chose qui devient, quelque chose qui passe. Ou plutôt : il devient, il passe, mais il n'a jamais commencé à devenir et ne cessera pas de passer - il se maintient dans ces deux processus... il vit de lui-même: ses excréments sont sa nourriture..." [58]

L'Éternel Retour n'est pas tant la "synthèse du temps et de ses dimensions" [59] , qu'une troisième (ou première) dimension du temps, une eurythmie des contraires, qui les repousse tout en les attirant, qui diffère d'eux d'autant plus qu'il les rassemble: "Que tout revienne, c'est le plus extrême rapprochement d'un monde du devenir avec celui de l'être: sommet de la contemplation." [60]

Deleuze interprète cette association comme une subordination de l'être au devenir. Mais c'est la Volonté vers la Puissance qui fait revenir ce qui devient, non pas l'Éternel Retour qui en est la conséquence: "Imprimer au devenir le caractère de l'être - c'est la suprême volonté de puissance." [61] D'où les modifications incessantes de perspective par décalages et différenciation, la tâche de restauration de l'originel, et l'anabase contre la barbarie: il s'agit, tout en se maintenant au milieu des états divers de la décadence, de "ré-atteindre" l'Être toujours renaissant par l'Éternel Retour. Ainsi se décline la tétrade ontologique nietzschéenne: le Devenir est ce qui transforme, l'Être ce qui subsiste, la Volonté est l'agent de leur rapprochement, et le Retour son résultat.

Le devenir dans sa totalité, quelque soit le "monde" appréhendé, végétal, minéral, animal, inanimé, incorporel, est mû par la Volonté vers la Puissance, laquelle détermine toute chose à devenir ce qu'elle est. Elle n'est pas cet instinct qui subsumerait tous les autres, mais elle est leur qualité intrinsèque commune.

Il en résulte que la "Volonté de Puissance" n'aspire pas à la puissance pour elle-même, mais à celle qui est en elle-même, la puissance propre, qui ne veut ni ne désire quoi que ce soit qui n'existe déjà, dans la légitimité de son être: "Je n'ai pas souvenir d'avoir jamais fait un effort en vue de quelque chose; dans toute ma vie, on ne retrouve pas un seul trait de lutte, je suis le contraire d'une nature héroïque; "vouloir" quelque chose, "aspirer" à quelque chose, avoir en vue un "but", un "désir", tout cela je ne le connais pas par expérience. (...) Je ne souhaiterais nullement que les choses fussent autrement qu'elles ne sont; moi-même je ne veux pas changer..." [62] La Volonté vers la Puissance ne se fixe pas de but, mais annule ses "objectifs" en les atteignant; elle ne poursuit pas ce qui a été ni même ce qui est, mais s'attache à ce qu'elle sent devenir, car son destin ultime, immédiat et lointain à la fois, c'est le Retour lui-même.

L'Éternel Retour est au-delà du cyclique : il coordonne le cercle du stable et la ligne sinueuse du variable. L'immuable se transforme quand le mouvant s'éternise. Le même ne revient ni dans le temps ni dans l'espace: il est éternellement présent dans le Retour. Et même si la période temporelle a une durée quasi-illimitée, comparable aux mille Mahayugas qui forment le kalpa ou une journée de Brahma dans le Mânava-Dharma-Shâstra de tradition brahmanique [63] , le retour ne se fait jamais attendre. Il est immédiat et imprévisible, ne laissant aucun souvenir, ni aucune "réminiscence" dans la conscience: "Vous croyez disposer d'un long repos jusqu'à la renaissance - ne vous y trompez pas! Entre le dernier instant de la conscience et la première lueur de la nouvelle vie, il n'est "point de temps" - mais comme un éclair, quand même les créatures vivantes le mesureraient par billions d'années et ne sauraient seulement le mesurer. Intemporalité et succession sont parfaitement compatibles, sitôt qu'a disparu l'intellect!..." [64] Pour Nietzsche le temps est à la fois intemporel et d'un intemporel qui scrute le passé comme le futur. [65]

En apparence, le Retour justifie la cohésion du tout, la valeur de la vie, mais aussi légitime l'existence de chaque être, de chaque entité, de chaque instant, de chaque événement, puisque rien n'existe en dehors du Retour. Il réconcilie la logique et la mystique, la certitude de la mort et l'aspiration à l'éternité de la vie, mais dans ce monde-ci.

En réalité, le Retour est le perpétuel et nécessaire accomplissement de la Volonté vers la Puissance; il assure la permanence des "forces actives". Les "forces réactives", elles, reviennent toujours, n'importe comment. Le Retour est une explication totale, mais partiale, qui se désintéresse du sort des forces réactives et justifie la manifestation des forces actives, lesquelles se régénèrent elles-mêmes et se préparent toujours à revenir quand elles deviennent, et à devenir quand elles reviennent. Pourtant, comment accréditer cette innocence des forces actives? Comment l'actif subsisterait-il sans réactif? Le Noble sans vulgaire?

Le Retour accomplit l'Être et actualise le Devenir. "Le cours circulaire n'est en rien du devenu (...) Tout devenir est à l'intérieur du cours circulaire et de la quantité de forces." [66] Le Retour est cet équilibre, ce "même but" toujours atteint par la Puissance: "Si nous supprimons de l'évolution l'idée d'une fin, affirmerons-nous quand même l'évolution? - Oui, si à l'intérieur de cette évolution et à chacun de ses moments un but se trouvait atteint, et toujours le même but." [67] Comment concilier alors l'idée d'un retour sélectif avec celle du Devenir comme moment cyclique? Nietzsche répond : "La pensée du Retour comme principe de sélection au service de la force (et de la barbarie ! !) " [68]

C'est qu'une seconde articulation entre en jeu : l'idée même du Retour est sélective, hic et nunc, et non au moment de la répétition du cycle. Si les forces actives reviennent, c'est qu'elles ont déjà surmonté l'épreuve du Retour, c'est qu'elles ont la volonté de revenir, de sorte que l'idée de Retour est l'épreuve même de la sélection.

C'est aujourd'hui "le nouveau poids" sur la conscience humaine, l'impératif éthique individuel et collectif, qui opère la sélection au sein d'un environnement nihiliste: "La question que tu te poses pour tout ce que tu veux faire: "Le voudrais-je de telle sorte que je le veuille faire d'innombrables fois?" constitue le poids le plus lourd." [69] Le Retour efface l'illusion d'exister dans la jouissance d'un présent fugitif, comme l'idéal "socialiste" du "bien-être du fugitif individu". [70] La Joie, avec Beethoven, parfois le "Bonheur" (mais Nietzsche l'a-t-il une fois rencontré ?), plutôt que le plaisir et le bien-être! - les seules valeurs accréditées par les sociétés sans tête qui se précipitent vers leur perte.

La sélection s'accomplit à l'heure où l'idée du Retour brille au zénith des consciences, et cette heure se répète un nombre infini de fois. "Et dans chaque anneau de l'humaine existence absolument parlant, il vient toujours une heure où d'abord à un seul, ensuite à plusieurs, puis à tous se révèle la plus puissante pensée, celle de l'éternel retour de toutes choses - et c'est à chaque fois pour l'humanité l'heure de Midi." [71]

La sélection, ou plutôt l'auto-sélection, et même l'auto-élection (car n'est élu que celui qui se choisit pour l'être !), s'effectue maintenant pour activer le Retour plus tard. L'idée du Retour agit différemment sur les consciences et nombreux sont ceux qui abandonnent. Progressivement, mais inéluctablement, l'oeuf lumineux de la conscience n'irradie plus et se laisse envahir et brouiller, pour reprendre l'image de Castaneda. "Seul qui tient son existence pour capable de se répéter éternellement, subsistera." [72] Le Retour cyclique n'est une question de cosmogonie, qu'en tant que le cosmos est présent à la conscience, toujours revivifié - par le Retour.

Ainsi l'Éternel Retour peut être appréhendé selon trois modalités: dans son essence, il est équilibre de l'Être et du Devenir; dans son existence et par son rapport à la Wille zur Macht, il pourvoit au problématique maintien des forces actives, des forces sensibles; dans son apparence idéelle et par son impact sur la conscience, il opère son oeuvre sélective et discriminatrice.

L'ultime accomplissement des forces actives réside dans la capacité d'équilibre: le funambule de Zarathoustra entre ciel et terre. S'il n'y a de volonté que de puissance, il n'y a de force que dans l'équilibre. Il s'agit de se maintenir à la frontière, d'opérer aux deux extrémités simultanément, de suivre la "voie" dans les deux sens, d'oeuvrer des deux côtés, de dresser la généalogie et de préparer la transvaluation, de supporter non un fardeau, mais deux, trois, quatre, aussi pesants qu'on voudra, mais surtout équilibrés, si bien qu'au milieu, au "midi", surgisse l'aplomb, dangereux, à la merci du moindre souffle, mais vivant. Être archéologue, philologue et futurologue, visionnaire! C'est la sensibilité qui opère à la crête entre les abîmes. L'équilibre est la conséquence d'une différenciation toujours plus aiguë entre deux pôles associés. L'un ne se distingue de l'autre que pour autant qu'il s'y apparie. Seules des entités comparables peuvent être à la fois simultanées et équipollentes.

Alors, comment engager Dionysos sans Apollon, comment annoncer l'Antéchrist sans le Christ? Car Jésus avait déjà compris l'éternité des "forces actives" et l'élimination des "forces réactives": "Ce ciel passera, et celui qui est au-dessus de lui passera: mais ceux qui sont morts ne vivront point, et ceux qui vivent ne mourront point." [73] Le Christ est le premier annonciateur de "la mort de Dieu" - du dieu Juif orthodoxe - et, comme l'a souligné Origène, de l'avènement du dieu intérieur, si proche, mais au singulier, des dieux planétaires des astrologues: "Si les gens vous demandent: 'Quel signe de votre Père est en vous ?' - dites-leur: 'C'est un mouvement et un repos.'." [74]

Le "royaume intérieur" est précisément ce mouvement et ce repos, ces flux, crêtes et dépressions de forces et d'énergie cosmique, psychique - psychique-astrale disent les astrologues. [75] Et l'on n'outrage pas la force qui est en nous, car c'est notre seul "bien"; les imageries et allégories symboliques ne sont que des pis-aller: "Qui a blasphémé contre le Père, on lui pardonnera, et qui a blasphémé contre le Fils, on lui pardonnera: mais celui qui a blasphémé contre l'Esprit saint, on ne lui pardonnera point, ni sur terre, ni dans le ciel." [76]

Nietzsche, resté christien, opposait sévèrement Jésus aux "ânes chrétiens": "Qu'est-ce-que le Christ a nié? Tout ce qui porte à présent le nom de chrétien." [77] Selon la plupart des commentateurs, Nietzsche aurait évolué de l'antinomie Apollon/Dionysos (dans La naissance de la tragédie) à l'opposition "Dionysos contre le crucifié" (dans Ecce Homo) avec l'effacement de la polarité apollinienne. C'est une erreur, car ce sont Zarathoustra, celui pour qui "l'âme qui a la plus longue échelle et qui peut descendre le plus bas" [78] , et aussi Apollon, qui clament au final d'Ecce Homo, cette énigme, la dernière sentence de l'oeuvre nietzschéenne : "M'a-t-on compris ? Dionysos en face du Crucifié..."

"Hat man mich verstanden ? - Diosysos gegen den Gekreuzigten..." Gegen, non au sens de wider (contre, opposé) mais au sens de gegenüber (en face, en vis-à-vis, en équilibre) ! [79] Apollon, instance d'équilibre et de mesure, ne saurait être l'une des forces travaillant la balance : il se confond avec la balance elle-même. C'est pourquoi Dionysos n'élimine pas le Crucifié: ils sont en vis-à-vis. La mesure est désir des extrêmes, elle est accomplissement lors de la comparution des forces, elle active la tension de leur confrontation. Apollon trône dans le couteau.

Alors, si l'Être reste caché à l'instar d'Apollon, c'est sans doute qu'on ne renverse pas le platonisme! Un simple changement de polarité dans la transvaluation ne suffit pas. Et d'ailleurs, que renverser après Platon? N'a-t-il pas énoncé l'illusion du monde sensible et par là établi, définitivement, le "grand renversement"? Suffit-il de modifier le statut de l'illusion au sein de l'Être et du Devenir? Un tel "deuxième renversement" n'est-il pas superfétatoire ? Il ne saurait être que coextensible au premier car on ne peut que simultanément voiler et dévoiler l'Être. Et peu importent les noms qui lui sont donnés: "Ces assertions vous troublent et l'on doute que ces idées existent, ou, si à la rigueur on les admet, on est bien forcé de reconnaître qu'elles sont inconnaissables à la nature humaine." [80]

L'Éternel Retour est une économie de l'équilibre. Il est le fil de funambule partageant l'abîme, deux fois dangereux, de part en part, tels l'Être et le Devenir. Le mouvement, qu'il soit externe (Héraclite), psychique (ou plutôt "intérieur" chez Augustin) ou mental (Descartes), résulte toujours des modifications d'une énergie. Or, si une quelconque stabilité pouvait perdurer, elle serait de toute éternité et aucune extériorité ne saurait la perturber: l'Être absolu est inconcevable. Si, au contraire, le mouvement produisait toujours de nouvelles figures, il faudrait que la force soit elle-même infinie: le Devenir absolu est également inconcevable.

Il faut donc qu'il existe "un cycle d'un nombre déterminé de modifications qui ne cesse de se dérouler à nouveau". [81] Le Retour est cet équilibre entre l'éternité de la "force" et sa transformation incessante par le Devenir. "Tout devenir se meut dans la répétition d'un nombre déterminé d'états absolument identiques." [82] Ainsi il n'est pas de devenir "infiniment nouveau" car cela "supposerait une force infiniment croissante". [83] Il n'est pas plus de devenir évoluant vers une quelconque "finalité", si ce n'est celle du Revenir lui-même.

La nature de la "force" est de revenir toujours la même tout en se transformant continuellement ; autrement dit elle est temporelle. Chaque moment est nouveau au sein du cycle, et éternellement répété. Il appartient intensément à l'être et au devenir. Le Retour, c'est l'aplomb, non de la totalité, mais de chacun des moments du cycle. En somme, il n'est pas d'équilibre neutralisant pour l'ensemble, mais un équilibre intensifiant pour chacun de ses moments. [84]

Nietzsche n'a pas tort de distinguer sa propre conception du Retour de celle qu'on peut imaginer chez les Grecs, notamment à partir des quelques fragments rescapés des écrits d'Anaximandre et d'Héraclite. Ce sont les "états de l'énergie" qui reviennent et se re-présentent identiques, et non les étants concrets ou formels, objets ou représentations: "La mesure de la force du Tout est déterminée, il n'y a là rien d'"infini" (...) En revanche le temps dans lequel le tout exerce sa force, est parfaitement infini, c'est-à-dire la force y est éternellement identique, éternellement active." [85]

Ainsi le Retour n'est pas seulement le moment de l'équilibre, il est aussi l'occasion de l'intensification de la force dans l'équilibre. Cette différence ontologique implique des "attitudes morales" divergentes. Avec Anaximandre, toute émancipation individuelle est coupable eu égard au Tout, à l'Être éternel, et doit expier par la mort qui en est l'aboutissement et le châtiment. Avec Zarathoustra, le Devenir, débarrassé de tout impératif moral et de toute substantialité, est rétabli dans son "innocence", c'est-à-dire dans sa différence, toujours réaffirmée par la Wille zur Macht. Et la pensée de Nietzsche restitue la-force-toujours-la-même - Mana! - dans l'acte d'affirmation du Retour.



[1]  Le concept d'apeiron, repris par quelques docteurs de la scolastique - qu'on pense à la quiddité chez Duns Scot ou à la déité ineffable d'Eckhart -, ouvrait une perspective métaphysique immense, jusqu'à ce qu'il soit écarté de la réflexion par Descartes et Francis Bacon, et entraîne par son évincement la pensée moderne dans les miroitements illusoires de la mort de Dieu. « Texte

[2]  Friedrich Nietzsche, La naissance de la philosophie à l'époque de la tragédie grecque, trad. franç. Geneviève Bianquis, Paris, Gallimard, 1938; coll. Idées, p.41. « Texte

[3]  Charles Mugler, Devenir cyclique et pluralité des mondes, Paris, Klincksieck, 1953, p.27. « Texte

[4]  Ce sera le fil conducteur de "mes" trois archétypes de la temporalité, ou des trois fonctions temporelles, à savoir : le Retour ou fonction Balance, le Moment ou fonction Scorpion, et la Spirale ou fonction Sagittaire (cf. la suite de ma thèse). « Texte

[5]  Pierre Duhem, Le système du monde, Paris, Hermann, vol. 1, 1913, p.80-81. « Texte

[6]  Charles Mugler, Devenir cyclique et pluralité des mondes, Paris, Klincksieck, 1953, p.82. « Texte

[7]  La transmigration (samsâra) est une théorie indienne. Au pessimime du Bouddha et de ses innombrables disciples, on pourra préférer l'optimisme fataliste de son contemporain Makkhali Gosâla, qui conclut à un déterminisme absolu par lequel tout être vivant parcourt son cycle de vie à travers 84.000 incarnations, avant que la délivrance n'advienne, pour chacun, inéluctablement, le moment venu. (cf. Heinrich Zimmer, Les philosophies de l'Inde, trad. franç. Marie Renou, 1953; Paris, Payot, 1978). « Texte

[8]  Cf. mon texte "Unité et Harmonies du système solaire" in Le système solaire. Juin 2000. « Texte

[9]  Cf. Alexandre Koyré, Du monde clos à l'univers infini, Baltimore, 1957 ; trad. franç. Raïssa Tarr, Paris, P.U.F., 1962, p.3. « Texte

[10]  Platon, Timée, 38, trad. franç. Émile Chambry, Paris, Garnier, 1969, p.417. « Texte

[11]  Nietzsche, Aurore - Pensées sur les préjugés moraux (& Fragments. posthumes Début 1880 - Printemps 1881), éd. Colli/Montinari (O.P.C.4), trad. franç. Julien Hervier, Paris, Gallimard, 1970; 1980, p.95-96. « Texte

[12]  Platon, Timée, Op. Cit., 37. « Texte

[13]  Platon, Timée, Op. Cit., 38. « Texte

[14]  Platon, Timée, Op. Cit., 39, p.418. « Texte

[15]  Platon, Timée, Op. Cit., 39, p.418. « Texte

[16]  Platon, Timée, Op. Cit., 39, p.418. « Texte

[17]  Cf. par exemple, de Louis Rougier, L'origine astronomique de la croyance pythagoricienne en l'immortalité céleste des âmes, Le Caire, 1933 & La religion astrale des pythagoriciens, Paris, P.U.F., 1959 ; Monaco, Le Rocher, 1984, et de Pierre Boyancé, "La religion astrale de Platon à Cicéron", in Revue d'Études Grecques, 65, 1952. « Texte

[18]  Aristote, Physique, IV 13, trad. franç. H. Carteron, Paris, Belles Lettres, 1926-1931, 2 vol. « Texte

[19]  Aristote, Physique, IV 11, trad. franç. H. Carteron, Paris, Belles Lettres, 1926-1931, 2 vol. « Texte

[20]  Aristote, Physique, IV 10, trad. franç. H. Carteron, Paris, Belles Lettres, 1926-1931, 2 vol. « Texte

[21]  Nemesius, De la Nature de l'homme, 38, trad. franç. J-B Thibault, Paris, Hachette, 1844, p.221. Cf. aussi Émile Bréhier, Chrysippe et l'ancien stoïcisme, 1910 ; Paris, P.U.F., 1951, p.156. « Texte

[22]  Cf. Jorge Luis Borges qui note que "le principe de la première conception de l'éternel retour est astrologique" et d'inspiration platonicienne (in Histoire de l'éternité, 1965 ; trad. franç. 1985 ; in Oeuvres complètes, Paris, Gallimard, 1993, p.413). « Texte

[23]  René Berthelot, La pensée de l'Asie et l'astrobiologie, Paris, Payot, 1938, p.8. Cf. aussi Georges Gusdorf, Mythe et métaphysique (Paris, Flammarion, 1984): "L'astrobiologie introduit une pensée à l'échelle cosmique. Elle articule les apparences pour mieux les rassembler, elle systématise, et substitue aux liaisons trop lâches de la participation et de l'appartenance l'idée d'une régulation impersonnelle et intelligible." (p.170). Cf. encore Mircea Eliade, Le mythe de l'éternel retour. Archétypes et Répétition (Paris, Gallimard, 1949): [L'homme traditionnel] "accordant aux événements historiques une signification métahistorique, signification consolatrice, mais encore et avant tout cohérente, c'est-à-dire susceptible de s'intégrer dans un système bien articulé où le Cosmos et l'existence de l'homme avaient chacun leur raison d'être." (p.210). « Texte

[24]  L'intuition est un concept commun de la philosophie allemande, déjà présent sous la forme d'intuitio intellectualis chez Nicolas de Cues, lequel distingue en outre l'âme comme complication (union), de la connaissance qu'elle produit, qui est explication (dispersion). « Texte

[25]  Henri Bergson, Les données immédiates de la conscience, in Oeuvres, Paris, P.U.F., 1959 ; rééd. 1970, p.67. « Texte

[26]  Henri Bergson, L'évolution créatrice, in Oeuvres, Paris, P.U.F., 1959; rééd. 1970, p.495. « Texte

[27]  Henri Bergson, Les données immédiates de la conscience, Op. cit., p.149. « Texte

[28]  Henri Bergson, La pensée et le mouvant, in Oeuvres, Paris, P.U.F., 1959; rééd. 1970, p.1389. « Texte

[29]  Henri Bergson, L'évolution créatrice, Op. cit., p.499. « Texte

[30]  Cf. la métaphore du cône, in Matière et mémoire, Oeuvres, Paris, P.U.F., 1959 ; rééd. 1970, p.293 et p.301-302. « Texte

[31]  Henri Bergson, Matière et mémoire, Op. cit., p.342. « Texte

[32]  Cf. Henri Bergson, Durée et simultanéité, in Mélanges, Paris, P.U.F., 1972. Bergson reprend les arguments du néoplatonicien Plotin, dirigés contre Aristote, lesquels stipulent que le temps n'apparaît qu'avec l'Ame, la troisième hypostase. La vie de l'âme individuelle est une transformation d'états dont le temps marque le rythme et la durée, et non les mouvements des corps matériels dans l'espace: "mais alors ce n'est plus du temps, mais de l'espace." (Plotin, Ennéades, III 7. 8, trad. franç. Émile Bréhier, Paris, Belles Lettres, 1925 ; 1963, p.137). « Texte

[33]  Henri Bergson, Les données immédiates de la conscience, Op. cit., p.78. « Texte

[34]  Bergson sacrifie l'espace en croyant consolider sa notion de durée. Sur l'espace qualitatif, voir mon texte, Qu'est-ce que l'espace?. « Texte

[35]  Henri Bergson, Matière et mémoire, Op. cit., p.319. « Texte

[36]  Henri Bergson, Les données immédiates de la conscience, Op. cit., p.22. « Texte

[37]  Cf. Les données immédiates de la conscience, Op. cit., p.50, et Matière et mémoire, Op. cit., p.319. « Texte

[38]  Cf. Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, in Oeuvres, Paris, P.U.F., 1959 ; rééd. 1970. « Texte

[39]  Henri Bergson, Matière et mémoire, Op. cit., p.213. « Texte

[40]  "Il n'est pas jusqu'à notre idée d'une conservation intégrale du passé qui n'ait trouvé de plus en plus sa vérification empirique dans le vaste ensemble d'expériences institué par les disciples de Freud." (Henri Bergson, La pensée et le mouvant, Op. cit., p.1316. « Texte

[41]  Hegel aussi se croyait au "grand midi". D'après la théorie astrologique des révolutions des planètes lentes, lesquelles marqueraient de nouvelles orientations dans les mentalités collectives, le dernier midi de l'histoire se situerait autour de l'an 1400, à la naissance de Nicolas de Cues, le théoricien de la coincidentia oppositorum. « Texte

[42]  Nietzsche avait probablement lu le philosophe anarchiste Auguste Blanqui, directeur du journal "Ni Dieu ni maître" et auteur de L'éternité par les astres (Paris, Germer Baillière, 1872), décédé en janvier 1881. Jorge Luis Borges fait de Nietzsche et de Blanqui les représentants majeurs de la deuxième parmi les trois principales interprétations, selon lui, du Temps Circulaire (cf. son Histoire de l'éternité, 1965 ; trad. franç. 1985 ; in Oeuvres complètes, Paris, Gallimard, 1993, p.414). « Texte

[43]  Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Paris, P.U.F., 1962, p.81. « Texte

[44]  Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Paris, P.U.F., 1962, p.55. « Texte

[45]  En astrologie, la quarte automnale des signes zodiacaux est étroitement liée aux problématiques et à l'englobant temporels (cf. Signes zodiacaux et Englobants de la conscience). Le premier stade, celui de la Balance (et Nietzsche est né un 15 octobre), commence précisément par le Retour, dont les modalités, périodicité, alternance et synchronisation, définissent la dynamique de plusieurs cycles enchâssés (cf. mon article, "Les trois figures de la temporalité", in Cahiers Conditionalistes, 8, 1984, Mortagne-au-Perche). La première "interprétation du temps circulaire" (selon Borges), celle des Grecs et des astrologues, admet une variabilité intra-cyclique infinie au sein d'une organisation inter-cyclique indéfinie. Autrement dit, et en raison de l'incommensurabilité des cycles planétaires (Oresme), pour un intervalle de temps donné, aussi grand qu'on voudra, les contenus ne se répètent jamais, même si les innombrables "retours" permettent de cerner des ressemblances. « Texte

[46]  Gilles Deleuze, Op. Cit., p.77. « Texte

[47]  Cf. Carlos Castaneda, Histoires de pouvoir, 1974; trad. franç. Carmen Bernand, Paris, Gallimard, 1975; et Le second anneau de pouvoir, 1977; trad. franç. Guy Casaril, Paris, Gallimard, 1979.
Seuls les ânes ne savent comprendre pourquoi on est "nietzschéen". Les concepts de Nietzsche ont été dénaturés et dressés comme des épouvantails -- à moineaux et moitiés de penseurs -- telle la "Volonté de Puissance" qui n'est pas pouvoir, contrairement à ce qu'entendent par là les "réactifs", mais vie. Elle incite chaque être, plante ou animal, à atteindre son plein développement, son épanouissement, sa sérénité, sa force de vie. La "pensée réactive", elle, se soumet aux appareillages de gestion, d'administration, de spectacle, et ne survit que machinée par les images d'une extériorité épuisée, celles des agissements insipides d'une pseudo-vedette du spectacle, d'une organisation sportive ou d'une équipe politique. « Texte


[48]  Nietzsche, Fragments posthumes (Automne 1885 - Automne 1887), éd. Colli/Montinari (O.P.C.12), trad. franç. Julien Hervier, Paris, Gallimard, 1978, p.154. Aux "milieux", Nietzsche a tendance à substituer le sang. Je n'accrédite pas cet "héréditarisme néo-shakespearien" et crois même que le renouveau des forces de l'esprit provient souvent d'un sang neuf, "populaire", sans préjuger du rôle prépondérant de l'astral (cf. ma thèse sur la philosophie astrale, http://cura.free.fr). « Texte

[49]  Nietzsche, Fragments posthumes (Printemps 1884 - Automne 1884), éd. Colli/Montinari (O.P.C.10), trad. franç. Jean Launay, Paris, Gallimard, 1982, p.281. « Texte

[50]  Nietzsche, Le Gai Savoir et Fragments posthumes (1881-1882), éd. Colli/Montinari (O.P.C.5), trad. franç., Paris, Gallimard, 1982, 11 [148]. On trouvera une partie (1881-1882) des fragments de Nietzsche consacrés à l'idée d'éternel retour, traduits par Lionel Duvoy (Cahier virtuel d'études philosophiques, 2002), à cette adresse: http://site.voila.fr/Cahier_Virtuel/nietzsche/frgts8081.htm « Texte

[51]  Gilles Deleuze, Op. Cit., p.53. « Texte

[52]  Nietzsche, Le Gai Savoir et Fragments posthumes (1881-1882), éd. Colli/Montinari (O.P.C.5), trad. franç., Paris, Gallimard, 1982, 11 [206]. « Texte

[53]  Nietzsche, Fragments posthumes (Automne 1887 - Mars 1888), éd. Colli/Montinari (O.P.C.13), trad. franç. Pierre Klossowski & Henri-Alexis Baatsch, Paris, Gallimard, 1976, p.19. « Texte

[54]  Traduction des aphorismes 1 et 33 d'Héraclite par Yves Battistini, in Trois présocratiques, Paris, Gallimard, 1955 ; 1968. « Texte

[55]  Gilles Deleuze, Op. Cit., p.53. « Texte

[56]  Nietzsche, Le Gai Savoir et Fragments posthumes (1881-1882), éd. Colli/Montinari (O.P.C.5), trad. franç., Paris, Gallimard, 1982, 11 [292]. « Texte

[57]  Cf. mon texte: "Les trois figures de la temporalité", in Le temps cyclique astral, D.E.A. Paris I - Sorbonne (dir. Jacques Bouveresse), 1984; reprint in Cahiers Conditionalistes, 8, 1984, Mortagne-au-Perche). « Texte

[58]  Nietzsche, Fragments posthumes (Début 1888 - Janvier 1889), éd. Colli/Montinari (O.P.C.14), trad. franç. Jean-Claude Hémery, Paris, Gallimard, 1977, p.149. « Texte

[59]  Gilles Deleuze, Op. Cit., p.55. « Texte

[60]  Nietzsche, Fragments posthumes (Automne 1885 - Automne 1887), éd. Colli/Montinari (O.P.C.12), trad. franç. Julien Hervier, Paris, Gallimard, 1978, p.302. « Texte

[61]  Nietzsche, Fragments posthumes (Automne 1885 - Automne 1887), éd. Colli/Montinari (O.P.C.12), trad. franç. Julien Hervier, Paris, Gallimard, 1978, p.302. « Texte

[62]  Nietzsche, Ecce Homo (Wie man wird, was man ist), trad. franç. Henri Albert, Paris, Mercure de France, 1909 ; Paris, Denoël/Gonthier, 1976, p.62. « Texte

[63]  Cf. le livre 1 des Lois de Manou, que Nietzsche appréciait: trad. franç. A. Loiseleur-Deslongchamps, Paris, Garnier, [1939]. « Texte

[64]  Nietzsche, Le Gai Savoir et Fragments posthumes (1881-1882), éd. Colli/Montinari (O.P.C.5), trad. franç., Paris, Gallimard, 1982, 11 [318]. « Texte

[65]  C'est un temps Balance/Sagittaire (cf. Zodiaque et Temporalité). Le 15 octobre 1844, à Röcken en Thuringe comme ailleurs, le Soleil était en Balance et la Lune en Sagittaire dans le zodiaque tropique des astrologues. « Texte

[66]  Nietzsche, Le Gai Savoir et Fragments posthumes (1881-1882), éd. Colli/Montinari (O.P.C.5), trad. franç., Paris, Gallimard, 1982, 11 [157]. « Texte

[67]  Nietzsche, Fragments posthumes (Automne 1885 - Automne 1887), éd. Colli/Montinari (O.P.C.12), trad. franç. Julien Hervier, Paris, Gallimard, 1978, p.213. « Texte

[68]  Nietzsche, La volonté de puissance, trad. franç. Geneviève Bianquis, Paris, Gallimard, 1935, vol. 2, p.286. Qu'on me pardonne d'oser encore user de la très décriée, et pourtant bien maniable, édition de Friedrich Würzbach. « Texte

[69]  Nietzsche, Le Gai Savoir et Fragments posthumes (1881-1882), éd. Colli/Montinari (O.P.C.5), trad. franç., Paris, Gallimard, 1982, 11 [143]. « Texte

[70]  Nietzsche, Le Gai Savoir et Fragments posthumes (1881-1882), éd. Colli/Montinari (O.P.C.5), trad. franç., Paris, Gallimard, 1982, 11 [163]. « Texte

[71]  Nietzsche, Le Gai Savoir et Fragments posthumes (1881-1882), éd. Colli/Montinari (O.P.C.5), trad. franç., Paris, Gallimard, 1982, 11 [148]. « Texte

[72]  Nietzsche, Le Gai Savoir et Fragments posthumes (1881-1882), éd. Colli/Montinari (O.P.C.5), trad. franç., Paris, Gallimard, 1982, 11 [338]. « Texte

[73]  L'Évangile selon Thomas, 11, in Les livres secrets des gnostiques d'Égypte, trad. franç. Jean Doresse, Paris, Plon, 1959 (vol. 2). « Texte

[74]  L'Évangile selon Thomas, 55, in Les livres secrets des gnostiques d'Égypte, trad. franç. Jean Doresse, Paris, Plon, 1959 (vol. 2). « Texte

[75]  Sur l'éducation de Jésus parmi les savants et astrologues esséniens, voir mon texte, L'étoile de Bethléem: Un scénario organisé par des astrologues, CURA, Janv. 2002. « Texte

[76]  L'Évangile selon Thomas, 49, in Les livres secrets des gnostiques d'Égypte, trad. franç. Jean Doresse, Paris, Plon, 1959 (vol. 2). « Texte

[77]  Nietzsche, Fragments posthumes (Début 1888 - Janvier 1889), éd. Colli/Montinari (O.P.C.14), trad. franç. Jean-Claude Hémery, Paris, Gallimard, 1977, p.263. « Texte

[78]  Nietzsche, Ecce Homo, trad. franç. Henri Albert, Paris, Mercure de France, 1909 ; Paris, Denoël/Gonthier, 1976, p.126. « Texte

[79]  Les traductions plus anciennes d'Alexandre Vialatte et d'Henri Albert sont préférables sur ce point à la traduction nouvelle parue chez Gallimard, qui entretient la confusion. « Texte

[80]  Platon, Parménide, trad. franç. Émile Chambry, Paris, Garnier, 1967, p.223. « Texte

[81]  Nietzsche, Le Gai Savoir et Fragments posthumes (1881-1882), éd. Colli/Montinari (O.P.C.5), trad. franç., Paris, Gallimard, 1982, 11 [305]. « Texte

[82]  Nietzsche, Le Gai Savoir et Fragments posthumes (1881-1882), éd. Colli/Montinari (O.P.C.5), trad. franç., Paris, Gallimard, 1982, 11 [245]. « Texte

[83]  Nietzsche, Le Gai Savoir et Fragments posthumes (1881-1882), éd. Colli/Montinari (O.P.C.5), trad. franç., Paris, Gallimard, 1982, 11 [213]. « Texte

[84]  Pierre Klossowski a souligné l'importance de la notion d'équilibre chez Nietzsche, mais en passant à côté, en la rabattant aussitôt sur du pathologique (cf. p.333-340) - comme il réduit la tonalité d'âme (Stimmung) et l'émotion conceptuelle à de l'affect, et les impulsions et instincts, à la source de la conception nietzschéenne, au pulsionnel freudien! Le concept d'intensité y est déraciné de son contexte temporel, comme chez d'autres "nietzschéens", par exemple Jean-François Lyotard. Le Retour devient ainsi une "parodie de doctrine" ! Une telle exégèse est le symptôme d'un enlisement intellectualiste dans le dualisme corps/esprit. Des "cartésiens" qui s'ignorent ! (Cf. Pierre Klossowski, Nietzsche et le cercle vicieux, Paris, Mercure de France, 1969 ; et Jean-François Lyotard, Économie libidinale, Paris, Minuit, 1974). Nietzsche n'est pas un penseur dualiste, contrairement à la troupe des "singes de Zarathoustra", introduite en fanfare par un Georges Bataille. « Texte

[85]  Nietzsche, Le Gai Savoir et Fragments posthumes (1881-1882), éd. Colli/Montinari (O.P.C.5), trad. franç., Paris, Gallimard, 1982, 11 [202]. « Texte
 

Patrice Guinard: Le Temps des philosophes
De Platon à Nietzsche, et de Nietzsche à Platon
(version 2.4 : 15-02-2017)
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