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L'histoire du Manifeste pour l'astrologie, et sa signification
par Patrice Guinard


(Communication faite le 29 septembre 2001 au Congrès d'Andorra Escaldes, organisé par Jaume Martín et par l'Association Astrologique de Catalogne)
 

En Juin 1984, je terminais mon D.E.A. (Diplôme d'Etudes Approfondies), et défendais à la Sorbonne (Paris I), l'université la plus prestigieuse en France, notamment pour la philosophie, un mémoire de recherche sur Le Temps Cyclique Astral. Le D.E.A. valide en France la première année de 3ème cycle et le passage en Doctorat. Mon travail traitait des cycles planétaires et de leur incidence sur le temps vécu, sur le temps psychologique. Diverses conceptions philosophiques y étaient aussi discutées, par exemple la notion de temps cyclique chez les premiers philosophes Grecs, ou encore le concept d'Eternel Retour chez Nietzsche. Je voulais défendre la rationalité d'une conception astrologique du temps, par rapport aux spéculations souvent imaginaires et subjectives des philosophes. C'était aussi un premier pas en vue d'une légitimation philosophique d'une ontologie d'inspiration astrologique.

J'ai soutenu ce D.E.A. avec Jacques Bouveresse, spécialiste français de Ludwig Wittgenstein, défenseur de la philosophie analytique anglo-saxonne, ayant été promu depuis au sein du prestigieux Collège de France. Lors de la soutenance de mon travail, nous avons essentiellement discuté -- passionnément -- de la philosophie nietzschéenne, les théories astrologiques demeurant totalement hermétiques pour mon interlocuteur. Je m'interroge encore aujourd'hui sur cet événement, qui reste pour moi une énigme: la réalisation d'un tel projet avec un philosophe dont la formation ne prédisposait pas particulièrement à s'intéresser à des problématiques dites "ésotériques", au sein d'une université traditionnellement hostile à l'astrologie.

Je contactais ensuite un philosophe de l'université de Bordeaux pour un projet de doctorat concernant la seule astrologie: il s'agissait pour moi de défendre une conception moderne de l'astrologie, et finalement de présenter un véritable traité d'astrologie, avec ses "fondements" (physiologiques, psychologiques, sémiologiques...) et ses perspectives ontologiques. Ce projet n'a pu être mené à Bordeaux, et j'en ai donné les raisons dans le petit avertissement prélable au Manifeste.

Une longue période de recherches solitaires s'en est suivie, et c'est seulement au cours de l'année scolaire 1990-1991 que je devais retrouver l'université, à nouveau la Sorbonne, cette fois grâce à Françoise Bonardel, auteur d'une thèse sur l'alchimie en Extrême-Orient. Mon projet était alors assez avancé, et la soutenance eut lieu à la Sorbonne, en salle 113, le 19 mars 1993, sous la présidence bienveillante de Gilbert Durand, auteur des célèbres Structures anthropologiques de l'imaginaire (1963), et spécialiste international de la philosophie du symbole et de l'imaginaire. J'étais reçu docteur en philosophie ce jour-là à 13 heures.

Jacques Halbronn s'était chargé des invitations auprès d'astrologues et des chefs et représentants de diverses écoles et groupuscules français. Seuls trois d'entre eux, à mon souvenir, ont daigné se déplacer -- trois femmes. Peu après ma soutenance, si les faits qui m'ont été rapportés sont exacts, une astrologue célèbre dans les médias, vendeuse d'horoscopes et de prédictions, Élizabeth Teissier, née en 1938, qui déclamait depuis une dizaine d'années, si ce n'est davantage, que l'astrologie devait gagner les établissements d'enseignements supérieurs, a saisi l'occasion pour rencontrer les membres de mon jury et pour présenter à son tour, devant eux, au début de cette année 2001, la thèse de sociologie que l'on sait.

Quelques centaines de thèses sur l'astrologie ont été défendues dans les universités américaines et européennes depuis le début de ce siècle (cf mon article sur le site du C.U.R.A.: http://cura.free.fr/01authd.html). La principale caractéristique externe de ma thèse réside dans le fait qu'il ne s'agit ni d'une thèse historique, ni d'une thèse psychologique et notamment jungienne, ni d'une thèse psycho-statistique, ni bien sûr d'une thèse sociologique, mais d'une thèse de philosophie et d'astrologie, autrement dit non d'une thèse sur l'astrologie, mais d'une thèse d'astrologie. En ce sens il s'agit d'une première mondiale, et l'on peut dire qu'en 1993, l'astrologie est véritablement entrée à l'université – de Paris, même si les universitaires parisiens ne sont pas disposés, dans leur majorité, et en raison du consensus idéologique concernant la question des dites "pseudo-sciences", à tirer les conséquences de cet événement.
 

Le Manifeste pour l'Astrologie (publié sur Internet en Novembre 1999: http://cura.free.fr/01manif.html, et traduit en espagnol par Angeles Rocamora) a été retravaillé à partir des conclusions de ma thèse. Dans la partie polémique de ces conclusions, intitulée "Qui a peur de l'astrologie?" en hommage au dramaturge Edward Albee qui a dépeint le cynisme et la fragilité de l'intelligentsia américaine dans les années 50 et 60, je tentais de fustiger l'argumentation anti-astrologique classique, et de montrer qu'elle reposait en partie sur du vent, en partie sur les présupposés idéologiques de la mentalité moderne prise dans son ensemble.

Dans les attaques répétées des intellectuels issus de différentes disciplines (astronomie, psychanalyse, psycho-statistique, sociologie, histoire), j'ai pu constater qu'il n'existait aucun argument décisif en défaveur de l'astrologie, et même que la plupart de ces arguments ne se démarquent pas de leurs antécédents en vigueur à l'époque du rationalisme désuet des XVIIIème et XIXème siècles. Autrement dit, l'astrologie est victime d'une pression idéologique de nature scientiste. Les différents idéologues rétribués des universités, en agissant dans le cadre de leurs disciplines respectives, ont mis en place une condamnation multivoque de l'astrologie, orchestrée par leur phobie commune.

L'astronome d'abord, reste le moins compétent à mon sens pour parler d'astrologie. C'est comme si l'on demandait à un zoologue ou un anatomiste de rendre compte de la psychologie. En outre, aucun astronome n'a soutenu, à ma connaissance, un travail de recherche concernant l'astrologie. Les quelques astronomes traitant ici ou là du sujet, adeptes de cercles sceptiques ou de regroupements rationalistes, ont trouvé dans cette activité de dénigrement, amplifiée par les medias, le moyen de se faire connaître, que leur activité d'astronome, apparemment, ne permet pas.

Les historiens des sciences et des religions, qui longtemps ont nié l'existence même de l'astrologie, ont été contraints à l'évidence: le constat de son omniprésence au sein des cultures les plus diverses. Ils en rendent compte le plus souvent comme du vestige d'un passé révolu, comme d'une anomalie de l'esprit humain en quête de croyance et d'irrationnel.

L'astrologie vivante, actuelle, est laissée en pâture aux analyses des sociologues et des psycho-statisticiens, lesquelles sont biaisées par l'ignorance des premiers et leur malignité à n'étudier que les ersatz d'astrologie divulgués dans les medias, et par l'incapacité calculée des seconds à mettre en place les tests adéquats qui pourraient rendre compte de la réalité du fait astrologique.

Mais il est deux autres acteurs qui participent activement à cette entreprise de dénigrement généralisé de l'astrologie, acteurs essentiels sans lesquels toute cette entreprise, certes non concertée, péricliterait: les éditeurs, journalistes, marchands de livres et entrepreneurs de médias, et les astrologues eux-mêmes, du moins les vendeurs d'horoscopes et de thèmes. Toute l'idéologie anti-astrologique commune, fabriquée dans les ateliers des départements universitaires, tomberait à plat si cessait l'activité de ces complices consentants.

Que le problème idéologique et même politique de la pratique astrologique ait échappé à la plupart des astrologues, ne doit pas étonner: des siècles de calculs solitaires, de refoulement, de vexations de toute sorte, ont fait des astrologues des parias et des laissés-pour-compte des entreprises et projets culturels modernes. Les revues astrologiques, qui pourtant contiennent souvent des articles de plus d'envergure que de nombreuses revues littéraires de second plan, n'ont jamais acquis leur place dans les bibliothèques de recherche, pas même le plus souvent dans le recensement officiel des bibliothèques étatiques. C'est ainsi que les appareillages culturels avec leurs hordes de valets souvent ignorants ont tenté -- en vain -- d'éradiquer la présence astrologique de la carte culturelle.

L'astrologie n'a pas droit à une bibliothèque, ni à un centre de recherche. Elle souffre d'un passé qui s'effiloche et qui reste la propriété privée des spécialistes de l'histoire ancienne, et d'un présent offert à la rapacité des sociologues et à leurs constats truqués, ou encore à l'astro-statistique qui tente de la mouliner à l'aune de grilles de lecture qui restent très en-deça de sa logique et de sa complexité. Les astrologues sont pourtant les dépositaires légitimes de ce savoir, même s'ils ne comprennent pas toujours ce qu'ils font.

L'astrologie fait peur, car s'il est quelque raison dans l'astrologie, s'il existe effectivement des Bélier et des Capricorne, des lunaires et des jupitériens, c'est tout l'édifice moderne des échanges qui s'évanouit, c'est surtout l'ensemble des marchés et des économies, fondés essentiellement sur l'interchangeabilité des besoins et des désirs, qui risque de ne pas retrouver ses clientèles.

Cependant, je n'ai pas choisi de prendre la défense de l'astrologie par compassion pour un savoir dont la désuétude pourrait prêter à discussion, ou par une attirance plus ou moins morbide envers un savoir délaissé et qui pourtant possède sa richesse, pas seulement: mais aussi par ambition et après une réflexion d'ensemble sur l'état de la philosophie moderne, et sur l'asservissement de la pensée en général à ce qui est extérieur à elle: la non-pensée, qu'elle soit de nature politique, technologique, ou économique. Car la philosophie elle-même est parvenue à une impasse, et à une désertification du processus même de penser.

Et ces quelques réflexions parallèles sur l'incompatibilité de l'astrologie dans le contexte culturel moderne, ainsi que sur le délabrement de la philosophie contemporaine – car j'ai toujours été, en accord d'ailleurs avec mon thème de naissance, simultanément philosophe et astrologue – m'ont conduit à la véritable question: penser l'astrologie -- question d'ailleurs récemment reprise en France, sur un ton sceptique, par des idéologues sans imagination de la pensée unique (Paris, Fayard, 2000).
 

J'ai montré dans la première partie du Manifeste, précisément, non qu'on pouvait penser l'astrologie, mais que le moment était venu de le faire. C'est ainsi que sont nés quelques concepts qui m'ont parus essentiels pour comprendre, si ce n'est expliquer, le fait astrologique. Car pour l'astrologue, et sans qu'il soit nécessaire de faire appel à des mesures et évaluations extérieures d'ordre statistique, l'astrologie est un fait, par cela même qu'il entraîne sa conviction d'astrologue. L'astrologie n'est pas affaire de tests et de probabilités, mais d'assentiment personnel, d'engagement envers un ensemble de représentations mentales qui a déjà balayé celles qui auparavant occupaient la conscience. L'astrologue a compris, a vu, cette chose à laquelle d'autres sont restés insensibles, l'expérience au sens plein, une expérience qui occupe tout son être. Non une expérimentation sur des objets extérieurs, mais une expérience qui ramène à soi toute extériorité: expérience de ma différence, expérience de la spécificité d'autrui, expérience de l'harmonie qui coordonne ces différences, expérience des outils représentatifs qui ordonnent cette harmonie.

Quelques concepts sont nés à partir de ces interrogations: l'impressional, la raison matricielle, la matrice.

L'Impressional explique l'expérience astrologique immédiate, avant que le savoir astrologique ne se constitue en tant que savoir, avant même que les symboles n'apparaissent pour cerner des différences de qualité. L'impressional est une pure possibilité. Quelle que soit sa teneur, il reste indiscernable, car il est la marque psychique évanescente d'une réaction organique à la présence astrale. L'erreur des traités astrologiques du passé, sans parler des traités présents, est d'avoir voulu surdéterminer par des contenus divers, souvent hélas marqués par un pragmatisme surfait, une sorte d'affect qui doit rester indéterminé. L'erreur des interprétations de thèmes est de vouloir rendre un "service psychologique", singeant les psychologies matérialistes modernes, y compris la jungienne, pour n'aboutir finalement qu'à un appauvrissement de l'affect initial. Et je ferai ici silence sur ce qui est des prédictions.

La Raison Matricielle permet à la conscience de séparer les impressionaux, de discerner leurs différentes modalités. Elle préside à l'acte de connaissance astrologique, car elle permet une répartition équitable des impressionaux devant la conscience. Elle est susceptible de rendre compte de la différentiabilité des impressionaux, comme des représentations mentales. Par la raison matricielle le réel est donné non par éléments, mais en totalité, car les structures astrologiques sont globalement opératives pour le psychisme. Et pour prolonger mon introduction à La Démocratie de Tocqueville (sur le site du C.U.R.A.: http://cura.free.fr/docum/10toc-fr.html) et ma réflexion sur la notion d'idéologie, j'aurai tendance à penser que toute philosophie créative est par nature "matricialiste" et que tout système de pensée pauvre est l'inverse, c'est-à-dire ferré à une idéologie ou à des mécanismes analytiques.

Enfin la Matrice est l'objet même du savoir astrologique, son objet final. Elle est d'une part la superstructure commune aux structures astrologiques (le Planétaire, le Dominion, la Cyclade et le Zodiaque) dont les astrologues n'utilisent généralement, à mauvais escient, que les éléments séparés – qu'ils appellent symboles; elle est aussi la raison d'être de l'existence de ces structures, en tant que celles-ci ne sont et ne seront jamais que des projections contingentes -- plus ou moins bien informées car dépendantes des aléas culturels et des connaissances extra-astrologiques, en particulier d'ordre astronomique – de la Matrice astrale.

J'ai souhaité un exposé bref qui a l'avantage de ne pas solliciter plus qu'il n'est nécessaire la patience de mes auditeurs, afin de garder toute disponibilité pour essayer de répondre à leurs éventuelles interrogations.
 



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Patrice Guinard: L'histoire du Manifeste pour l'astrologie, et sa signification
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