Saint-John Perse : laves et flots d'harmonie
par Patrice Guinard, Docteur ès Lettres
Alexis Leger dit Saint-John Perse, diplomate et poète, est né en fin d'après-midi. L'heure de naissance, a priori inconnue des chasseurs de données et des astrologues, ne figure à cette date (juin 2010) dans aucune des principales bases de données en libre accès sur le net : les données Gauquelin au Cura, l'Astrodatabank de Lois Rodden, et la compilation dite "Astrotheme" qui n'indique pas la source de ses pillages.
Marie René Auguste Alexis LEGER, fils de l'avocat Edouard Pierre Amédée LEGER et de Marie Pauline Françoise Renée DORMOY est né le 31 mai 1887 dans la maison familiale de Pointe-à-Pitre, à 17 heures. La naissance a été déclarée deux jours après. (Je remercie Philippe Rossignol, généalogiste des Antilles, et Claude Thiébaut, Secrétaire de l'Association des Amis de la Fondation Saint-John Perse).
Peu avant de recevoir cet acte précieux, j'avais dressé le thème pour l'heure hypothétique de 15 heures 30, plaçant tout l'amas soli-planétaire en maison IV, l'Harmonie. Les heures déclarées en mairie par les parents sont souvent arrondies à l'heure près avec une approximation pouvant atteindre la demi-heure. Ainsi SJP pourrait être né une quinzaine de minutes plus tôt, vers 16 heures 44, faisant passer le Soleil de la maison V à la quatrième, ce qui corroborerait ma supposition initiale quant à la primauté de la Participation diurne. Mais même sans ce décalage, avec la Lune en Libra et Neptune dominante, Perse resterait un enfant de l'Harmonie ou plutôt de l'aspiration à l'Harmonie, et si né à l'heure prescrite, aux amours et attachements conviés et renouvelés.
Neptune, planète des mystiques, appuyée par Mars la guerrière au couchant, signe le thème diurne, optimiste, affirmatif, de SJP : une forte volonté d'harmonisation niant les mécaniques et statiques de désenchantement, est servie par un chant incantatoire au faîte d'un verbe adjectivé dans un dithyrambe flamboyant, coulé dans une métrique mélodieuse et serti dans un phrasé implacable hors les rivages de l'identification. L'inspiration qui s'affirme des plus hautes lignées de nomades, s'accroît à l'enracinement des amitiés et proximités (conjonction Lune-Uranus en Balance en Alligation diurne). L'harmonie est dépliée par le plus proche et ployée au plus lointain. Le Flux, qualité du Gémeaux, qui s'incarne en pluies, vents, mers ou amours en IV et V, par la force d'une associativité opérative, devient Souffle igné, mélodie rythmée aux allonges incandescentes, plein qui déploie, dans l'expression de sa prosodie à génitifs répétés, des sortilèges ardents, retraçant le mouvement héroïque et la violence épique des premiers chantres.
Extraits persiens (1957-1960) :
Quelques rares couplets d'Amers (Gallimard, 1957 ; Poésie Gallimard, 1977) interpellent l'astrophile, et l'historien de l'astrologie antique : Cent dieux muets sur leurs tablettes de pierre ! (p.42)
Et c'est le "Maître d'astres et de navigation" qui s'écrie : "Ils m'ont appelé l'Obscur et j'habitais l'éclat." (p.46)
Les oracles antiques sont rappelés :
Prophéties ! prophéties ! Lèvres errantes sur les mers, et tout cela qu'enchaîne, sous l'écume, la phrase naissante qu'elles n'achèvent ... (p.83)
Prophéties ! prophéties ! l'aigle encapuchonné du Siècle s'aiguise à l'émeri des Caps. (p.85)
Et l'ambiguïté persienne au creusement de l'Être, "libre, non libre" (p.122), croise celle de Nostradamus, s'il faut en croire cette expression empruntée, ou hasard d'une filiation méconnue ? (cf. par exemple "paix non paix" ou "esleu & non esleu" à la Pronostication pour l'an 1558 ( cf. CN 73 ).
Et "Les horoscopes sont tirés." (p.138), d'autant plus que seul compte le présent pour un printanier, le présent du GÉMEAUX : "Nous qui mourrons peut-être un jour disons l'homme immortel au foyer de l'instant." (p.42). Cf. mon analyse de la temporalité des signes zodiacaux dont les Gémeaux : "J'ai déjà été et resterai ce que je suis maintenant : mise en perspective du présent, la conjoncture, l'opportunité (le diplomate)".
Lors de son allocation au banquet Nobel du 10 décembre 1960 (Gallimard, 1961 ; Poésie Gallimard, 1977), SJP définit l'entreprise poétique qui s'apparente dans l'esprit à la démarche astrologique telle que je l'ai définie dans mon Manifeste, voire quelque part à celle de Nostradamus :
Au vrai, toute création de l'esprit est d'abord "poétique" au sens propre du mot ; et dans l'équivalence des formes sensibles et spirituelles, une même fonction s'exerce, initialement, pour l'entreprise du savant et pour celle du poète. De la pensée discursive ou de l'ellipse poétique, qui va plus loin et de plus loin ? Et de cette nuit originelle où tâtonnent deux aveugles-nés, l'un équipé de l'outillage scientifique, l'autre assisté des seules fulgurations de l'intuition, qui donc plus tôt remonte, et plus chargé de brève phosphorescence ? (V, p.242-243)
Le réel dans le poème semble s'informer lui-même. (V, p.243)
Par la pensée analogique et symbolique, par l'illumination lointaine de l'image médiatrice, et par le jeu de ses correspondances, sur mille chaînes de réactions et d'associations étrangères, par la grâce enfin d'un langage où se transmet le mouvement même de l'Etre, le poète s'investit d'une surréalité qui ne peut être celle de la science. (VI, p.243)
A comparer à la "surréalité de la vision nostradamienne (...) épileptique quand elle véhicule des instantanés, cyclique quand elle en décrit les phases et les répétitions, apocalytique quand elle en trace la direction et le destin. Nostradamus est poète de l'histoire et philosophe des histoires, il est le visionnaire de l'immanence des histoires dans l'histoire." (cf. CN 81).
Lorsque les philosophes eux-mêmes désertent le seuil métaphysique, il advient au poète de relever là le métaphysicien ; et c'est la poésie, alors, non la philosophie, qui se révèle la vraie "fille de l'étonnement", selon l'expression du philosophe antique à qui elle fut le plus suspecte. (VI, p.243-244)
De l'exigence poétique, exigence spirituelle, sont nées les religions elles-mêmes, et par la grâce poétique, l'étincelle du divin vit à jamais dans le silex humain. Quand les mythologies s'effondrent, c'est dans la poésie que trouve refuge le divin ; peut-être même son relais. (VII, p.244)
Fierté de l'homme en marche sous son fardeau d'humanité, quand pour lui s'ouvre un humanisme nouveau, d'universalité réelle et d'intégralité psychique... (VIII, p.244)
Et c'est d'une même étreinte, comme une seule grande strophe vivante, qu'elle embrasse au présent tout le passé et l'avenir, l'humain avec le surhumain, et tout l'espace planétaire avec l'espace universel. (IX, p.245)
Une même loi d'harmonie régit pour lui le monde entier des choses. Rien n'y peut advenir qui par nature excède la mesure de l'homme. Les pires bouleversements de l'histoire ne sont que rythmes saisonniers dans un plus vaste cycle d'enchaînements et de renouvellements. (X, p.246)
Mais rien non plus ne garde forme ni mesure, sous l'incessant afflux de l'Être. (XII, p.247)
Et c'est assez, pour le poète, d'être la mauvaise conscience de son temps. (XIV, p.248)
Avertissement : cette page n'utilise pas l'astrologie néo-classique ou quelqu'une de ses adaptations modernes surannées, mais un nouveau modèle, prenant en compte le MC réel (le point écliptique de plus haute altitude et non un point fictif projeté sur une sphère), les positions et aspects réels des planètes et planétoïdes, l'Octotope qui donne la principale information du thème et dont les secteurs se suivent dans leur succession journalière réelle, et non un système chimérique calqué sur le zodiaque et dont les éléments s'ordonnent dans l'ordre inverse de leur apparition, enfin les maîtrises matricielles qui ne sont pas celles des dites astrologies désuètes (cf. mes textes sur la réforme du modèle astrologique, et bientôt sur les Maîtrises et les Dominantes du thème).
Référence de la page:
Patrice Guinard: Saint-John Perse : laves et flots d'harmonie
http://cura.free.fr/10astro/1006stjp.html
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